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Billet de blog 4 février 2015

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Pourquoi le PS devrait s'auto-dissoudre

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qu'est-ce qu'un parti politique ? Au choix, une machine sans états d'âme visant à conquérir le pouvoir pour le pouvoir, à accaparer les postes et les fromages de la République, au profit d'une pseudo élite intellectuelle qui a plus d'habileté manoeuvrière que d'idées. Ou un creuset visant à favoriser l'émergence et la propagation d'idées allant dans le sens de l'intérêt général, l'émergence et l'accompagnement de citoyens intéressés par l'action publique, et naturellement aptes à cette tache. Ce qui exclut tout plan de carrière assis sur le mépris des électeurs, considérés au mieux comme des grands enfants sous tutelle et sous contrôle des institutions. Ce n'est ni naïf, ni idéaliste, tant les grands partis tout au moins consomment de moyens publics pour fonctionner. Ce n'est ni simpliste, ni archaïque tant une nation a besoin de se protéger des prédateurs qui prospèrent sur le terreau de la crédulité, de l'indifférence et, de plus en plus, de la résignation. Ce devrait être une fonction élémentaire dans chaque parti que de se doter des moyens et de la volonté de débusquer et  neutraliser les appétits de pouvoir qui mènent inéxorablement à la compromission et à la perversion des missions publiques.

"La gloire est le deuil éclatant du bonheur", avait lucidement écrit Madame de Staël, constatant la faillite morale de l'homme Napoléon. Nos institutions valent -et ne vaudront jamais que- ce qu'en font les hommes et les femmes qui les instrumentalisent. Le PS illustre jusqu'à la caricature à quel degré de paralysie et d'incurie la puissance publique se condamne lorsque les intérêts d'appareil priment sur toute autre considération. De ce fait, il ne sera pas beaucoup pardonné au parti qui a tant oeuvré pour devenir le seul phare de la gauche et qui en est devenu, de renoncements en trahisons, le naufrageur. Il devait sortir des ruines de la SFIO une gauche "à visage humain", et c'est une machine de guerre à tête de cire qui s'est aussitôt mise en ordre de bataille pour affronter, non ses ennemis déclarés (les puissances de l'argent...) mais ses partisans, les acculant au desespoir historique sur le terrain de la rigueur, du Franc fort (le Franc fort, c'est bon pour ceux qui en ont, avait ironisé l'ambassadeur américain de l'époque lui-même...), du chômage de masse et bientôt du tristement célèbre RMI.

La catastrophe du mitterandisme, vite mué en tontonnisme idolâtre, ayant accouché d'une idylle incestueuse avec le pire du monde des affaires (loué soit Bérégovoy, père du MATIF...), restait à faire un semblant d'auto-critique avec la revendication du droit d'inventaire, portée bien haut par un Jospin (sorte de petit père Queuille passé par le trotskysme) qui se condamnait, à force de privatisations, à renier l'idée même de socialisme: mon programme n'est pas socialiste a donc valu à la gauche une défaite retentissante, qui n'a surpris que lui-même.

Marqué par la défaite, le parti qui avait fait de Tapie un ministre de la République, s'est donc claquemuré en conclave afin de réfléchir à un nouveau "logiciel", terme emprunté à la technologie, qui annonçait quasiment le Modem. Il n'y a guère de doute aujourd'hui que la réflexion s'est avérée fructueuse, puisque les faiseurs d'opinion d'Havas et de la rue de Solférino nous ont concocté un "meilleur économiste du monde", à qui la Présidence était promise comme une geisha. Après Mitterand, Rocard (qui s'en irait plus tard, toute honte bue, par une porte dérobée de l'Elysée, mendier un poste à Sarkozy); puis Jospin le Rouge qui n'était même plus rose... le PS marchait dorénavant au triomphe derrière l'homme qui allait finir pitoyablement dans une cellule new-yorkaise, seulement sauvé par les millions de son épouse. On imagine sans peine quel lupanar aurait fait de l'Elysée celui qui aujourd'hui, aux côtés de Dédé la Saumure, doit affronter les témoignages de mères de famille en déroute... en déroute malgré les bienfaits de la mondialisation heureuse et l'action décisive de l'ex-patron du FMI sur notre économie nationale!

  La coupe est pleine ? Non. Passons sur les joyeuses péripéties qui ont agité le pays, au gré des petites combinazione des uns et des autres, passons sur la piétaille qui s'est fait prendre la main dans le pot de confiture, de Cahuzac ministre du buget fraudeur fiscal à Thomas Thévenoud... Mais arrêtons-nous sur les déclarations de Manuel Valls à Pékin, qui s'est évertué à rassurer les "investisseurs chinois". "N'ayez pas peur de notre droit social", s'est-il écrié, il est plus facile de licencier en France qu'en Allemagne. Voilà ce qu'un premier ministre socialiste français est allé proclamer dans un pays communiste en mal d'investissements juteux. Nuits de Chine, nuits câlines...

Voilà pourquoi, afin de permettre la renaissance en France d'un authentique mouvement de gauche, le PS devrait s'auto-dissoudre, sans attendre que le cours des événements, qui s'accélèrent et le précipitent à sa perte, n'en fasse pour la postérité le principal responsable des tragédies qui s'annoncent.

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