Une à une. Brique par brique. Le patronat, avec l'aide des besogneuses petites mains socialo-écolo-radicales-de-gauche, s'est donné pour objectif de dynamiter une à une les bastilles sociales: 35 heures, bien sûr... mais aussi travail le dimanche (tiens, l'Eglise n'a pas moufté...), suppression des seuils sociaux, des cotisations aux allocations familiales, réforme des Institutions Représentatives du Personnel... Mais aussi "nécessaire et urgente réforme des Prud'hommes", car "les patrons sont angoissés quand ils doivent embaucher ", dixit Emmanuel LECHYPRE, la Grenouille Savante qui officie sur BFM TV. Contre l'angoisse, la déprime,le mal de vivre, il existe pourtant d'excellents anxiolytiques sur le marché, mais la souffrance patronale -cette trouille quasi-métaphysique qui étreint le petit-patron-qui-s'est-fait-tout-seul au moment de vous signer un CDD au SMIC à temps partiel- appelle un traitement de choc.
Rassurer. Il faut rassurer. Rassurer, encore et toujours. Les patrons, les marchés, les investisseurs étrangers, les investisseurs d'ici, les analystes, les éditorialistes, les experts... tous vont et viennent dans les sombres allées du pouvoir socialiste, hagards, hirsutes, désespérés, la peur au ventre, et ce doute ! ce doute atroce, lancinant: et si nous avions raté le virage de la mondialisation heureuse ?... Et si les Allemands se fâchaient pour de bon, fatigués de cette France à la ramasse, avec ses "akisocios", sa paresse budgétaire congénitale, son dialogue social digne du djihad de classe ?
On ne le dirait pas, à les entendre miauler d'aise à l'université d'été du Medef, mais les patrons sont angoissés. Prozac, Tranxène, parachutes dorés, retraites chapeau, bonus, déclarations enflammées de Manuel Valls-à mille-temps (j'aime les entreprises, c'est à dire les chefs d'entreprises): rien n'y fait ! C'est grave, docteur Macron ? Oui, c'est sérieux.
Alors, si on supprimait l'obligation de justifier d'un motif "réel et sérieux" pour licencier ? Rien que pour voir ?... Provisoirement ?... On ne sait jamais, ça pourrait peut-être créer des emplois ? Des emplois pourris, mais des emplois quand même. Oui, sûrement, mais pas question de prendre des engagements chiffrés, hein.. c'est... anxiogène !
Et le SMIC ? Anxiogène aussi. Les congés payés ? Anxiogène, on vous dit. Reçu 5 sur 5, madame PARISOT (ex-passionaria de la Nouvelle Foi): la vie est précaire, l'amour est précaire, pourquoi le travail ne le serait-il pas ? C'est beau comme du GATTAZ, ça ressemble à une méditation de Saint François d'Assises, mais c'est du PARISOT.
Le Président GATTAZ et son porte-parole François le Normal y vont donc au bulldozer. La crise, leur crise, aurait dû les condamner à finir dans les "poubelles de l'Histoire", mais il faut croire que l'Histoire recycle et blanchit sans cesse ses avatars les plus saumâtres, puisqu'aujourd'hui les banqueroutiers triomphent... que les pythies agonisantes et les oracles malvoyants de la dérégulation se sont refait une virginité... que les grands prêtres de la dette et les oustachis de l'épuration budgétaire sont désormais lavés de tout soupçon par la grâce de média hypnotiques qui nous susurrent en boucle: "c'est votre faute, c'est votre très grande faute...).
Alors, tous prêts à expier ? Gras moutons de ce siècle béni des dieux, unissez-vous pour bêler à l'unisson l'ode nouvelle au libre marché.
En d'autres temps toutefois, Apollinaire, fou d'amour, accablé de malheur et les yeux douloureusement ouverts sur les horreurs du siècle, nous avait chanté une autre chanson:
Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire
Tes prêtres fous t'ont-ils paré
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleuré
Malheur dieu qu il ne faut pas croire...