SALEM SID AHMED

Abonné·e de Mediapart

86 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 juin 2014

SALEM SID AHMED

Abonné·e de Mediapart

Peut-on être arabe et sioniste ?

SALEM SID AHMED

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour calmer les ardeurs belliqueuses qui pourraient se manifester à la lecture de ce billet, je tiens à préciser tout de suite que je ne suis pas arabe, mais kabyle, ce qui n'est pas la même chose aux yeux, en tout cas, des puristes de l'identité. De plus, je ne le suis qu'à moitié, mon autre moitié se partageant entre la France, l'Allemagne, et plus si affinités. Toutefois, j'ai grandi  à Alger, et l'arabe a été ma seconde langue maternelle. Ainsi, je ne suis pas de sang pur, quoique les tenants de ce concept gagneraient, à mon sens, à consulter un hématologue. Voilà pour les balises de sécurité que je tenais à poser, tant le sujet que j'aborde est potentiellement conflictuel. Donc, non, je ne suis pas habilité à parler au nom des Arabes -ce qui n'est pas mon intention; mais, tout bien pesé,  pas moins tout de même qu'un Saddam Hussein, un Kadhafi ou un Assad, père ou fils. Je ne m'en sens pas moins autorisé à avoir un avis sur la question, ne serait-ce que parce qu'évidemment, il n'influera en rien sur le cours des événements. Mais aussi parce que, de processus d'Oslo en feuille de route, on ne fait que remettre à plus tard la nécessaire résolution de ce conflit qui projette ses métastases dans le monde entier. Quant au Quartet...

Etant passé aux aveux, rien ne m'empêche désormais de faire un pas de plus. J'admets que je n'ai jamais compris pourquoi les Arabes, en 1947, se sont opposés au vote de l'ONU en faveur de la partition de la Palestine, et donc à la possibilité pour les juifs qui le désiraient d'être un tant soit peu maîtres de leur destin. Et encore moins pourquoi ils ont persisté aussi longtemps dans cette erreur historique, et pour tout dire, dans un parti pris aussi peu... charitable. Quand je dis que je n'ai jamais compris, je m'empresse d'ajouter que ce n'est pas faute d'avoir essayé ! On me fera, j'espère, l'amabilité de me croire quand j'affirme que j'ai beaucoup lu, écouté sur le sujet, et que je me suis même rendu sur place. Je n'ignore donc pas qu'il y a eu, avant ce fameux vote de novembre 1947, des pressions très fortes des USA sur certains petits pays (Haïti, le Libéria...) en faveur du oui. Mais j'en suis toujours resté, tout compte fait, à cette position qui me semble relever de la simple humanité: le peuple juif a droit à un Etat qui garantisse, autant que faire se peut, sa sécurité ; et il est juste que cet Etat se soit établi... là où il s'est établi. Et non pas en Sibérie, ou à Madagascar. Shoah ou pas.

J'ai employé par commodité l'expression "les Arabes", qui est bien sûr dangereusement globalisante. Je précise donc que j'entends par là ceux qui, dans le monde arabe, ont effectivement soutenu ces positions. Aujourd'hui, si aucun pays arabe ne songe plus guère à s'embarquer à nouveau dans une croisade en vue de détruire Israël, il faut bien avouer que c'est souvent simplement la leçon qui a été tirée des échecs - militaires surtout- du passé. Raison pour laquelle, à l'exception de l'Egypte, aucun de ces pays n'entretient de relations diplomatiques -officielles du moins- avec Israël. Qu'on m'épargne, par pitié, les considérations tactiques sur l'impossibilité de le faire en raison des réactions violentes prévisibles de la "rue arabe". C'est faire, je crois, injure à la maturité de cette dernière. Et c'est faire aussi peu de cas de l'obligation, pour des responsables politiques, d'être à la hauteur de leurs tâches historiques.

Le risque d'une telle résurgence des catastrophiques aventures militaires du passé étant désormais improbable, reste la question du sionisme, c'est à dire de la justification de la présence juive institutionnelle  dans un lieu géographique défini. Je n'ignore pas bien entendu que le sionisme n'est pas une doctrine homogène, et ce depuis Herzl à tout le moins. Si l'on s'en tient à son contenu élémentaire, débarassé de ses avatars jabotinskystes entre autres, il n'y a pas de raisons sérieuses pour ne pas reconnaître tout à la fois son mérite historique, et sa légitimité humaine.

C'est à mon sens la dernière étape à franchir, après la reconnaissance résignée du "fait accompli" israélien. Ce ne serait pas, pour le monde arabe,  un renoncement, mais un recommencement. Et le moyen de se libérer -je pourrais dire d'expectorer- d'une étape de son histoire qui n'est pas des plus éclairées.

  On m'objectera, et c'est normal, les violations par Israël du droit international , Sabra et Chatila, l'opération Plomb Durci, les colonies illégales qui grignotent les territoires palestiniens, les atermoiements calculés de ses gouvernements successifs pour faire échec au statu quo. 

Oui, mais, il est faux de dire que toute critique a disparu en Israël à l'égard des choix qui sont faits en faveur du blocage tactique qui tient bien souvent lieu de politique aux responsables israéliens. La guerre y a favorisé l'émergence d'une caste politico-militaire dure. L'offre de paix, à condition qu'elle soit portée par le monde arabe (l'illusion d'une pax americana a assez duré !) la condamnera au retrait.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.