SALEM SID AHMED

Abonné·e de Mediapart

86 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 avril 2020

SALEM SID AHMED

Abonné·e de Mediapart

Lundi 13 avril 2020: mes chers compatriotes...

SALEM SID AHMED

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lundi 13 avril 2020. Allocution du Président de la République

Mes chers compatriotes,

J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps, ce que je n'avais pratiquement jamais eu le temps de faire auparavant. Il est vrai que je n'avais jamais pensé non plus que je pourrais être appelé à devenir un Président de temps de guerre, et que je devrais faire face à ces innombrables tracas. Non pas que les quelques 12 000 décès que déplore le pays en raison de l'épidémie de coronavirus me tracassent: ce ne sont pas pour l'essentiel des premiers de cordée. Comme nous avons pris l'habitude de le dire, il s'agit sûrement des plus démunis et des plus fragiles, qui nous coûtent de toute façon un pognon de dingue. Les soigner nous coûte aussi un pognon de dingue, comme nous coûtera aussi très cher de renflouer toutes ces belles entreprises françaises, compétitives, innovantes, et dont nous sommes si fiers. Mais nous n'avons guère le choix, car si nous ne venions pas en aide à ces personnes, qui d'ailleurs n'ont peut-être pas respecté le confinement, l'épidémie gagnerait du terrain et les Français qui comptent pourraient être touchés à leur tour.

Mes chers compatriotes, vous comprendrez que nous ne pouvons pas prendre ce risque: nous avons déjà perdu Johnny Hallyday, qui manque tant à notre pays en ces temps difficiles. Nous ne nous remettrions pas de la perte de Bernard Arnault, Bernard Tapie, Gérard Depardieu et bien d'autres. Que certains d'entre eux aient choisi l'exil fiscal ne doit pas nous diviser. Comme le dit si bien le Président Mélenchon, "l'émigration est un exil forcé". Mes pensées vont aussi d'ailleurs à Mr Carlos Ghosn, qui ne pourrait, en ces circonstances, s'étant délocalisé à Beyrouth, bénéficier de l'excellence de notre système de soins. Mes pensées vont aussi à naturellement à Jacques Chirac, qui aimait tant la Corona, et à Bernadette, dont les pièces jaunes nous sont bien utiles en ce moment pour acheter des respirateurs, du gel hydroalcoolique, des masques, et bien d'autres produits qui nous font cruellement défaut, et que les équipes de Monsieur Véran s'efforcent de trouver sur  Le Bon Coin.

J'entends bien pour autant les questions que se posent les Français ordinaires, et qui me sont remontées par les formidables équipes de Monsieur Castaner. Monsieur le Premier Ministre y a répondu de façon très claire: il n'y a pas plus d'argent magique aujourd'hui qu'il n'y en avait lorsque j'ai tenu ces propos au moment où des soignants m'interpellaient sur la situation de l'hôpital public. Je n'ai pour ma part aucune idée de la façon dont nous pourrons nous y prendre pour dénicher les 300 milliards que je me suis engagé à trouver pour soutenir l'économie. Monsieur Darmanin, qui s'y entend pourtant en matière de comptes publics, non plus. Sans doute les généreux donateurs qui ont soutenu ma campagne pourront-ils faire un geste, mais peut-être sont-ils eux-mêmes actuellement en grande précarité, pouvant tout juste subvenir à leurs besoins élémentaires. Monsieur de Rugy a opportunément, à ce propos, attiré mon attention sur la pénurie de homard qui l'affecte profondément. Il suffit pourtant, renseignements pris, de traverser la rue pour en trouver.

Mes chers compatriotes, jupitérien par tempérament, je dois aussi à la fonction présidentielle de me consacrer aux grands sujets: la rénovation du salon Pompadour de Élysée en fait évidemment partie qui n'a pas coûté un pognon de dingue, contrairement à ce qui a pu être dit. Ma réélection fait évidemment partie de ces grands sujets qui occupent une grande partie de mon temps et mobilisent mon énergie. Ceci explique que je délègue à mes chambellans les questions de peu d'importance, à charge pour eux de m'alerter si nécessaire, et quand je ne suis pas occupé à travailler à ma légende et à mon destin. Certains ont pu faillir à leur devoir, et ne m'ont pas transmis en temps voulu les informations que j'aurais dû connaître. J'ignorais donc tout des incitations de l'OMS aux États de se préparer à une pandémie grave, et cela dès 2003. Personne ne m'a jamais dit non plus  qu'en 2007, une loi spécifique avait été adoptée sur « la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Qu'un plan pandémie avait été rendu public en 2011, qui définissait en détail les modalités de l’intervention de l’État, la réorganisation de la société, le maintien des fonctions essentielles de l’économie. Dormant moi-même très peu, je ne pouvais pas non plus savoir que 70 000 lits avaient été supprimés dans les hôpitaux publics ces dix dernières années.

J'ai donc une pensée affectueuse pour mon prédécesseur, François Hollande, ainsi que pour Madame Marisol Touraine, qui avaient pris soin, si l'on peut dire, de démanteler ces dispositions qui nous coûtaient un fric fou. J'exprime quand même mon plus vif mécontentement à Madame Agnès Buzyn qui n'a vraisemblablement pas compris comment fonctionne une start-up nation. Elle devra en conséquence conquérir la mairie de Creil ou de Mulhouse aux prochaines municipales. Je lui souhaite bien du courage, mais cela lui fera les pieds.

Mes chers compatriotes, vous l'avez bien compris: je ne démissionnerai pas. Sarko, lui, serait peut-être allé chercher des masques avec les dents, moi je me préoccupe surtout de savoir si toute cette pacotille chinoise sera livrée pour ma probable réélection en 2022.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.