Appelez ça comme vous voulez, mais quand quelques centaines de vénérables parlementaires sont sommés de se coucher devant l'Exécutif, avant que de subir l'outrage du 49-3, cela porte un nom en droit pénal: le viol en réunion. En réunion parce qu'à l'évidence, le crime a été perpétré par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur et de complices (article 222-24). Que l'auteur et ses complices aient été en l'occurence bien moins nombreux que les victimes n'est en rien une circonstance atténuante. Que les dites victimes aient été au moment des faits, soit dans l'après-midi du mardi 10 mai, majeures et parfois bien au-delà, ne change rien à l'affaire. En revanche, que la plupart se soient avérées, quoique à des degrés divers, plutôt consentantes, et même dans bien des cas reconnaissantes de l'exquise violence qui leur était faite pose de graves questions. Comme dans n'importe quelle affaire de violences sexuelles, il convient donc de faire preuve de la plus grande prudence quant aux témoignages qui s'étalent largement dans la presse.
Ainsi, s'il ne fait aucun doute que l'Exécutif, (rendu furieux par les rebuffades qu'il n'a cessé d'essuyer dans la phase dite des préliminaires), a agi avec une rare violence, vraisemblablement décuplée par l'ingestion de GHB, ou drogue du violeur; s'il est tout aussi vraisemblable que divers moyens de coercition : chantage à l'investiture, menaces d'exclusion etc, ont été employés... il n'en reste pas moins que même à 56, les rares victimes qui ont fait mine de résister auraient pu s'opposer moins mollement au forfait sur le point de se commettre. Elles auraient pu, et c'est bien le moins, rallier la protestation qui a réuni, deux jours après les faits, 246 signatures. Elles auraient pu, en définitive, fuir la sécurité trompeuse de la bergerie de Solférino, qui s'en serait trouvée autrement chamboulée que par les insignifiantes pétarades que l'on a pu prendre, un temps, pour de l'indignation.
Elles peuvent encore, carrière faite, se soucier moins des intérêts de la Famille (au sens de Cosa Nostra) que du linge sale qui s'accumule et qui finira sur la place publique. Elles peuvent toujours aller passer la nuit debout dehors, plutôt que de gémir couchées dans les prisons mentales du Palais Bourbon.
Quant aux centaines "d'élus de la nation" qui ont mendigoté bravement quelques aménagements de façade, et qui n'ont même pas eu besoin de sentir le souffle rauque du fouet pour sauter dans le fossé, il n'y a pas grand chose à en dire. Ils ont fait carrière au Parti de la Rose, qui sent de plus au demeurant la chrysanthème; ils auraient pu, avec le même cynisme et autant d'avidité, suivre leur petit bonhomme de chemin au BHV, à France Télécom, ou dans les hautes sphères de Mc Donald's, là ou ne seraient jamais parvenus à leurs narines délicates les effluves de graillon ni le fumet entêtant de la flex-précarité.