J'ai la chance de voter dans une "circo" où la NUPES s'est qualifiée. Pour moi, dimanche 19 juin, le choix est clair. Je ne fais pas partie des indécis. La start-up nation, formule qui ressemble à une pub pour la Française des Jeux, ne me fait pas rêver. L'Europe, temple dont on ne chassera pas les marchands de sitôt, non plus. Puis j'ai passé l'âge d'avoir une Rolex. Je ne sais pas toujours ce que je veux, mais je sais bien ce que je ne veux pas: assister, impuissant, inerte, indifférent, au décervelage à ,l'échelle industrielle, à la déshumanisation, en même temps que l'on nous rebat les oreilles d'odes hypocrites au vivre ensemble. Déjà, nombre d'entre nous, humains pourtant de la tête aux pieds, se considèrent eux-mêmes comme de simples marchandises, échangeables, vendables ou achetables, c'est selon, périssables, empaquetables, assouplissables, transformables, valuables un jour, frappés d'obsolescence un peu plus tard... Récupérés parfois, au bord du gouffre, car oui, quand même, il reste encore un peu d’État, un ersatz de société, quelques lambeaux de solidarité qui surnagent dans le Grand Marché, ce caravansérail où se délassent et s'abreuvent, entre deux coups fumants, les caravanes des désillusions. Mais pour combien de temps ? Combien de Macrons encore, de Hollandes, avant la grande résignation, le chacun dans sa tranchée, armé jusqu'au dents de chimères et de passions sans objet ? Un quinquennat de plus, du même tonneau, y suffira peut-être.
Alors que feras-tu dimanche, dans l'isoloir ou ailleurs, toi, le jeune diplômé (ou en passe de le devenir) qui croit peut-être que tu as ta place assurée dans l'élite ?
Et toi, le moins jeune ex-diplômé, ex-cadre subalterne devenu chômeur confirmé, qui était entré en Entreprise comme d'autres dans les ordres, qui a parfois sans malice prêté main forte à quelques plans sociaux, que décideras-tu ?
Et toi, le bon gars toujours prêt à rendre service, pas raciste pour un sol mais qui n'a d'yeux que pour la châtelaine de Montretout, pour qui pencheras-tu entre la NUPES et Macron que tu abomines, si tu n'as que ce choix ?
Et toi, l'anonyme perclus de malbouffe, de malpaye, de mal-logement, de tous les maux de la République égalitaire et fraternelle, toi qui n'as qu'à traverser la rue pour...aller voter, t'abstiendras-tu encore ?
Et toi, le modéré, victime comme les autres de modération salariale, toi le tempéré que les excès du système n'ont pas ébranlé, mais que les colères de Mélenchon dérangent, toi qui goûtes les ronds de jambe dépassionnés, les débats raisonnables, te laisseras-tu enfin gagner par la colère ?
Et toi, et toi, et toi... Et vous, et vous les millions de citoyens qui ne citoyennent pas, ou plus, les j'en ai marre, les ça ne sert à rien, les petits malins qui ne comptent que sur eux-mêmes mais avant tout sur les autres, les ceux qui ont des travaux à faire dans le pavillon, les ceux et celles qui ont anniversaire ce jour là: vous, je ne sais pas quoi vous dire...