A droite comme à gauche, diverses personnalités semblent s'inquiéter de la persistance du mouvement Nuit Debout. C'est que le printemps s'annonce, et avec lui toutes les audaces que la société porte en son sein sans jamais les accoucher tout à fait. Combien de révoltes mort-nées, d'insurrections qui ne viennent pas, où qui s'en vont voir ailleurs sous des cieux plus cléments ? Combien d'espoirs ruinés que "ça bouge enfin !", de re-prise de la Bastille en marches pour ceci ou cela ? Il semble, avec le temps, que rien ne soit, au final, plus immobiliste que le "monde qui change" dans lequel nous sommes censés vivre, insouciants et heureux; rien qui soit tout compte fait plus inamovible ques les nomenklaturas de l'argent vite gagné, vite planqué dans des paradis exotiques complètement verboten pour le commun des mortels. Ce monde hors d'atteinte (où, tous partis confondus a été prestement rétablie une espèce particulièrement perverse de domination laïque de droit divin) , pèse comme un couvercle" sur tout ce qui bouge, tout ce qui tente de respirer hors du suffocant carcan du marché.
Pitoyable assemblage d'intérêts hétéroclites que ce pays qui n'est déjà plus une nation, morcelé pour les besoins du business en risibles et funestes catégories artificielles. Et ce que tout l'art du marketing (secondé par des sciences humaines et sociales dévoyées) n'a pu débiter en tranches, ce qui subsiste de "commun" donc, finit par se fissurer sous les coups de boutoir des escroqueries à grande échelle rebaptisées "affaires" pour ne pas trop effrayer l'électeur.
Voici donc venu, avec le printemps, le temps des expulsions. Il s'agit donc, avec le concours de socialistes en peau de lapin, d'interdire que s'étende et se développe un mouvement qui entend relancer le débat politique en lieu et place des pitreries politiciennes qui consacrent l'impuissance consentie en vertu cardinale. Et de marteler qu'il n'est pas licite de privatiser les places publiques, eux qui ne se sont pas gênés pour privatiser les biens de la nation ! Et de s'indigner quand Alain Finkielkraut est prié d'alller écouter aux portes ailleurs, eux qui s'apprêtent à restreindre, au nom d'une conception étrange de la représentativité, le temps de parole des "petits" candidats à la prochaine présidentielle...
Il est peut-être bien trop tard pour sauver du désastre une planète ceinturée par près de 20 000 têtes nucléaires, où la course aux armements reprend de plus belle sous les prétextes les plus divers. Il s'avèrera peut-être impossible de faire desserrer leur étreinte sur les biens communs aux prédateurs cyniques qui dictent désormais la morale publique. A l'heure où la France, sondée jusqu'aux tréfonds, semble plébisciter comme lider maximo un Emmanuel Macron qui se prend à rêver d'un destin à la Tony Blair, il n'est peut-être plus temps d'imaginer changer le monde.
Il est pourtant du devoir, mais surtout de l'intérêt de chacun d'essayer quand même. Qui sait ce qu'il adviendra de ces AG, de ces commissions et de ces conseils ? Comme nul ne le sait, certains, déjà, prennent peur de n'avoir plus, à l'avenir, comme interlocuteurs autorisés l'une ou l'autre de ces organisations prévisibles et rassurantes. Des sourires et des hommes: c'est tout ce que le peuple a à opposer à ceux qui, sans attendre, envisagent déjà de le réduire au silence. Faisons donc un rêve: dans la douceur du printemps qui est là, des millions d'hommes et de femmes, assis sur toutes les places et les placettes de France pour dire: ça suffit !