Voilà donc que la manifestation interdite-autorisée va tourner comme un cheval de bois dans un manège autour du bassin de l'arsenal. Combien de tours ? Combien de temps ? Un tour ? Trois tours ? Une demi-heure ? Une heure ? Il aurait mieux valu aller manifester aux champs, ou demander "l'asile manifestationnel" aux Suisses, qui ne badinent pas avec le référendum et la souveraineté populaire. Cela aurait eu de la gueule, d'aller manifester ailleurs, puisqu'en France la démocratie Hollandaise ne se conçoit plus qu'au ras des polders... Les "grands" syndicats auraient eu l'occasion de réussir un tour de force: la première manif "délocalisée" pour cause de dumping démocratique. Mais, toute honte bue, les "grandes" OS ont accepté d'humilier le mouvement social actuel en validant cette grotesque danse des canards qui leur a été concédée par un pouvoir qui sait bien à quels dragons de papier il a à faire. On peut dès lors parier que la prochaine manif se fera dans la cour de l'Hôtel Beauveau, ou qu'on la fera tourner quelques minutes autour d'un kiosque à journaux désaffecté en lointaine banlieue.
Les vieux de la vieille, revenus de toutes les supercheries syndicales, avaient donc raison qui prédisaient une capitulation déguisée en demi-victoire, et les jeunes aussi, à qui les centrales encroutées dans la gestion de patrimoine n'inspirent que méfiance. Du compromis à la compromission, l'espace est bien étroit où toutes sortes de marchandages sur le dos du militant de base peuvent se tramer. S'il s'avérait que le gouvernement n'a montré les crocs que pour permettre une "sortie par le bas" à des OS effrayées par la rudesse des combats à venir, le bras de fer tant vanté n'aura été qu'une pitoyable partie de chatouilles.
Martinez, Mailly, qu'aurez vous fait du 1,3 million de manifestants du 14 juin ? Des 60% de Français qui désapprouvent la loi travail ? Ces derniers savent bien que seule la perspective d'une grève générale fera reculer Valls et ses commanditaires du MEDEF. Ils se rendent bien compte que les plus voraces des représentants du patronat, qui tiennent désormais solidement les rênes de la politique, ne s'arrêteront pas en si bon chemin, la victoire acquise. Certains, dans ces cercles, doivent dès maintenant mesurer combien il peut être facile, pour prolonger autant que de besoin l'état d'urgence qui justifiera toutes les régressions sociales, d'entretenir ici et là quelques foyers d'agitation djihadiste. Paris vaut bien une sourate...
C'est une habitude bien française que d'instrumentaliser sans scrupules les services publics à des fins non pas politiques, mais sordidement électoralistes. Elle atteint en ce moment des sommets avec l'utilisation des forces de l'ordre, de l'audio-visuel public et de l'ensemble de la machinerie institutionnelle pour sauver le soldat François, en état de mort clinique. On le savait médiocre, il s'est avéré d'une férocité surprenante pour un homme d'appareil que seule la veulerie de DSK et de ses ex-fans a sauvé de l'anonymat. Quant au premier de ses ministres, il est ébloui par sa propre réussite au point d'oublier qu'il est bien trop insignifiant pour prétendre dire ce qu'est le socialisme.
Ce gouvernement, qui s'appuie pourtant sur des institutions quasi-monarchiques, est d'une telle faiblesse qu'il est vraiment surprenant que le "front" syndical soit tombé dans le panneau du "bassin de l'arsenal". Difficile de ne pas y voir l'affrontement de deux puissances faillies...