Sous la plume de Guillaume Hannezo, membre du PS "depuis ses 18 ans", Terra Nova vient de publier un rapport qui alerte sur la catastrophe que serait l'application du programme de la NUPES. Terra Nova est un think tank progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe. C'est comme ça que se définit en tout cas ce lobby qui a largement contribué à "recentrer" la "gauche de gouvernement", c'est-à-dire la gauche qui ne veut pas fâcher le capital pour s'installer durablement au pouvoir, et en profiter goulûment.
S'agissant du programme de la NUPES, Guillaume Hannezo s'est donc fendu d'une nouvelle version des chars russes à Paris en cas de victoire de Mélenchon aux législatives, relayée par Le Point, et visiblement destinée à attiser la grande peur des possédants. En voici un extrait:
Il se traduirait immédiatement par une explosion des déficits publics et du chômage et par une dynamique insoutenable de la dette publique. Les marchés financiers anticiperaient le retour de la crise des dettes publiques du début des années 2010. Au bout de quelques mois, le gouvernement de l’Union populaire serait contraint au « choix de Tsipras ». Se soumettre à un plan d’austérité sans précédent et quémander le soutien de nos partenaires, ou bien entrer dans le chaos de la sortie de l’euro qui provoquerait un infarctus économique : redénomination de toutes les créances et de toutes les dettes, effondrement des banques, défaut de l’Etat et faillites en chaîne dans le secteur privé.
Sublime Terra Nova ! Merveilleux socialistes, thuriféraires enchantés des marchés financiers ! Admirables progressistes indépendants que la perspective d'une hausse des salaires, de la mise au pas du capital et d'une possible désobéissance au Dieu Europe saisit d'effroi ! Il faut donc comprendre ce que signifie "solutions politiques innovantes" pour cette tribu de penseurs embedded: ne surtout rien changer aux politiques qui depuis quarante ans ont tout aggravé: la pauvreté, la précarité et le déclassement, le risque d'une prise de pouvoir par l'extrême droite, la désespérance des classes populaires et l'abstention massive, le chantage permanent à l'emploi et la dictature du patronat, les mythes ravageurs de la croissance, de la modération salariale et syndicale, l'empoisonnement réfléchi de la nature et des hommes.
Surtout ne pas effaroucher les marchés financiers: voici le mot d'ordre. Ne pas effrayer les philanthropes qui achètent de la dette française, par amour des Gaulois réfractaires, car ils pourraient s'en détourner. Mais pour acheter quoi à la place ? La question n'est pas posée par les érudits de Terra Nova. Pourtant, l'argent doit se placer, au risque de ne rien rapporter, voire de perdre de sa valeur. Cauchemar ! Où iraient donc ces capitaux amicaux ? La dette publique mondiale s'est élevée, en 2021, à 226 000 milliards de dollars. La dette privée a bondi de 13 % du produit intérieur brut mondial. Alors ? Parions que les investisseurs seraient tout de même ravis d'acquérir de la dette Mélenchon, plutôt que de spéculer à la bourse de Mogadiscio.¨
Parions également que c'est cette petite musique dont vont nous régaler les média sérieux d'ici au 12 juin: car il faut bien aussi terroriser l'électeur, qui pourrait être tenté de mal voter. Au chapitre des catastrophes prévisibles, il est toujours possible de charger la mule: retour de la peste bubonique, hyper inflation incontrôlable, islamisation des écoles maternelles, exécutions publiques de socialistes de gouvernement et d'écolos de marché... La France a peur du méchant Mélenchon. Au secours Terra Nova !