L'autre jour, comme ça, ma femme et moi on a pris RDV avec le FMI. Enfin, ça c'est pas fait tout de suite, vu qu'y faut d'abord obtenir un RDV. C'est Gérard, le neveu de l'oncle de ma femme qui nous a dit comme ça: faut aller voir le Fonds Monétaire International. Forcément, ma femme, elle lui a dit: c'est quoi, ça, le fonds quekchose ? T'occupe, lui a dit Gérard, c'est un truc vachement bien pour vos problèmes.
C'est vrai qu'on a des problèmes, et c'est pas d'hier: on est toujours dans le rouge, comme on nous l'a fait remarquer à la Banque Postable. Faudrait arrêter d'avoir des problèmes, Gérard nous a expliqué, parce qu'à force, vous allez être mal vus, de toujours dépenser plus que ce qui rentre. Il a pas tort, Gérard, et puis il bosse à la Caisse d'Epargne, il sait ce qu'y dit. Alors, on a téléphoné au FMI. Gérard nous a donné le numéro et nous a bien dit de demander Dominique. Mais d'abord on a dû taper sur la touche étoile au moins six fois, puis sur la touche dièse, et pour finir on a essayé la touche 1, la touche 2, vu qu'on comprenait pas bien de quel cas on dépendait, et ça a fini par couper. Forcément. On a rappelé, et c'est à ce moment là, en pleine discussion avec la touche dièse, que le chien s'est mis à aboyer. Ta gueule, a aboyé aussi ma femme, mais le chien a gueulé encore plus fort. Et pour finir, c'est moi qui m'y suis mis: ta gueule, j'ai dit à ma femme, il a bien le droit d'aboyer une fois dans l'année c'te chien, que si ça se trouve il a un mauvais pressentiment avec ce FMI... Bon, on s'est calmés tous les trois, et on a appuyé en même temps sur toutes les touches, et pour le coup on a eu quelqu'un au bout du fil. Une dame. Très polie: qu'est-ce qu'on peut faire pour vous, qu'elle a demandé ? Ben... on vient de la part de Gérard, qui travaille à la Caisse d'Epargne, et qu'est le neveu de l'oncle de ma femme.
Ah ?
Euh ! oui, il a dit de demander Dominique.
Ah!
Il est là, Dominique ?
Evidemment, il était pas là, mais elle nous a bien expliqué qu'il fallait d'abord remplir un dossier.
Ma femme a dit après: tu vas voir, ils vont jamais nous l'envoyer le dossier, mais on l'a bien reçu, et on a commencé à le remplir. C'est Gérard qui s'y est collé pour nous, en fait, et il nous a posé plein de questions qu'on était gênés de répondre: et qu'est-ce qu'on mange, et qu'est-ce qu'on boit, et combien... On a été forcés de tout noter ce qu'on avait consommé dans la semaine, du lundi à zéro heure au dimanche à zéro heure. De ce fait, on s'est couchés à des pas d'heure, mais c'est qu'après qu'on a compris qu'on n'était pas obligés de bouffer quelque chose à zéro heure. Y avait aussi d'autres questions dans le dossier qu'on n'a pas su répondre: pourquoi on voulait faire un dossier, pourquoi qu'on voulait un crédit, et pourquoi qu'on avait choisi le FMI...
Là, on a bien été obligés de marquer que c'est qu'on voulait acheter un vélo pour le petit chez Cash Converter. Et qu'on voulait envoyer le chien en colo à la montagne, rapport au fait qu'il avait du mal à aboyer, à cause de la pollution.
Enfin, on a envoyé le dossier. Ma femme a dit: tu vas voir, y vont jamais nous répondre, ou y vont perdre le dossier. Moi j'ai dit: on verra bien.
Au bout d'une semaine, on a reçu un appel de la secrétaire de monsieur Dominique. Monsieur Dominique va vous recevoir, elle a fait, il a étudié votre dossier. Gérard était tout fier: vous allez voir, il est formidable...
Alors, on a été reçu au FMI. On y est allés tous ensembles, ma femme, moi, le petit Luc et le chien Pignouf, histoire de prouver qu'on était bien dans la difficulté. On a attendu dans une pièce où c'est qu'y avait des plantes et des espèces de tableaux au mur avec des chiffres. La secrétaire est venue nous voir pendant qu'on patientait: vous avez de la chance, elle a dit à voix basse, monsieur Dominique, c'est le meilleur. Un jour, il sera président de la République.
J'ai dit à ma femme: t'as vu comme elle est habillée !
Comment elle est déshabillée, ouais !
C'est vrai qu'elle avait les cheveux un peu n'importe comment et qu'elle était toute rouge et essoufflée, mais bon, on était venus pour le vélo du p'tit et la colo du chien, alors j'ai dit à ma femme: soit pas désagréable, c'est sa secrétaire, il en fait bien ce qu'y veut .
Après, malheureusement, ça s'est pas bien passé avec monsieur Dominique. Il avait étudié le dossier à fond, et y nous a collés direct. Vous explosez votre budget ! il a dit, furieux, ça peut pas continuer comme ça ! Si vous ne vous serrez pas la ceinture, on va devoir vous remonter les bretelles !
Bien sûr, il avait vu tout de suite, dans le dossier, que je m'étais resservi deux fois du pâté de foie le mercredi à 20h14, puisqu'on l'avait noté dans le dossier. C'était le soir qu'y parlaient des Restos du Coeur à la télé, et je m'étais dit: pourvu que ça nous arrive pas à nous..
Puis il a noté que le p'tit avait repris deux fois de la compote pomme-fruits rouges, le lundi et le jeudi. Et que dans la semaine, on s'était fait des petits en-cas à zéro heure. Mais ça, c'était une erreur: on croyait que c'était obligatoire dans le dossier.
On lui a expliqué tout ça, et il s'est un peu radouci. Finalement, votre problème, il a dit, c'est la crèche, ça vous coûte horriblement cher, ça vous plombe tous les mois. Ben oui, on a répondu, mais faut bien... On peut pas laisser le gamin à la garde du chien.
Là, on était un peu désespérés, moi, ma femme, le p'tit et le chien. Mais j'ai peut-être une solution pour vous, a dit alors monsieur Dominique en se grattant là où il faut pas. ( J'aimais pas trop comment y reluquait ma femme en se grattant, mais j'ai pensé au p'tit et au chien et j'ai fait semblant que j'avais pas vu) .
Voilà, il a dit: ce qui vous coûte cher, c'est la crèche. En plus, c'est public et bien sûr, c'est pas efficace...
C'est vrai, j'ai dit, depuis qu'il est à la crèche, il attrape tout le temps des maladies...
C'est bien ce que je vous dis, c'est le service public des microbes... La solution, c'est la crèche à distance. Vous connaissez ?
Non, qu'on a fait. Comment ça marche ?
C'est très simple. On vient vous installer une caméra chez vous, ensuite, depuis un centre de contrôle, on surveille le bébé. L'avantage, c'est qu'il est sous contrôle en permanence, contrairement à une crèche, publique, où le personnel s'absente pour un oui, pour un non, laissant les enfants sans surveillance. Et comme il est chez vous, plus de contagion. Vous n'avez pas non plus à le déposer le matin, à le reprendre le soir... Bref, que des avantages.
Et ça coûte cher, ça ? j'ai fait.
La caméra elle-même, rien du tout, c'est offert. L'installation aussi. Après, il y a juste un abonnement au service de télésurveillance, mais ça, c'est rien, le premier mois est offert.
Mais... a fait ma femme. Mais comment qu'on fait pour lui changer les couches avec la caméra ? Et s'il est malade ?
Tout est prévu, a répondu monsieur Dominque. Un agent habilité passe deux fois par jour pour les couches, et c'est compris dans le forfait. En cas de bobo, on vous appelle immédiatement et vous l'emmenez aux urgences. Si nécessaire, ils paient le taxi.
C'est pas mal, ça, j'ai dit, je connaissais pas. C'est nouveau ?
C'est américain. Comme ça, vous faites des économies, et vous pouvez acheter le vélo chez Cash Converter.
Et pour le chien, la colo ?...
Pour ça, on verra. L'enfant d'abord.
On est rentrés à la maison. Un peu plus tard, Gérard a appelé: alors, comment vous l'avez trouvé, monsieur Dominique ?
Il est bien, on a répondu. Il paraît que c'est le meilleur...
Je vous l'avais dit. Et vous verrez, il finira Président de la République...