Sacré Kerry ! A peine rentré d'Ukraine d'où il a sévèrement réprimandé les Russes pour leur comportement pas friendly du tout, frère Barack, d'une pichenette, le propulse au coeur du bourbier proche oriental. Bon bougre, John, qui aurait pourtant bien aimé se reposer un chouia, prendre une douche, se refaire un brushing décent, visionner tous les matches du PSG qu'il a ratés depuis qu'il est sur les routes; bon gars, donc, John s'est cru obligé de régler une bonne fois pour toutes le problème israélo-palestinien. Et quoi de mieux, pour cela, de plus expédient en tout cas, que de casser la table des négociations... laquelle ne sert effectivement à rien, puisque de négociations il n' y a pas davantage que de beurre en broche ?
Eh! oui, il est comme ça, le Kerry, entier, sous ses faux airs de gendre-idéal-mais-un-peu-trop-porté-sur-la-bagatelle-quand-même... On n'est pas cousin de Brice Lalonde pour rien! La presse, qui a tout de suite flairé du Khroutchev dans cet homme là, rapporte donc que "vendredi, John Kerry a tapé du poing sur la table", suite à l'annonce par Bibi Netanyahu qu'Israël suspendait les négociations de paix. Explications: Bibi était furieux parce que Moumoud (Mahmoud Abbas) venait de se rabibocher avec le Hamas, autour d'un copieux mezzé. Car pour Bibi, le Hamas est une organisation terroriste; pour Moumoud, qui n'y voit pas malice, c'est juste qu'ils font le meilleur mezzé de la région. Effectivement, le hoummous du Hamas est réputé, et Moumoud a toujours eu un sacré coup de fourchette... Rien de politique dans tout ça, car au Proche-Orient, partager un mezzé n'engage à rien pour l'avenir. Reste que sur le moment, personne n'avait pris la peine de mettre John au parfum... Kerry, rapportent des témoins consternés, a donc, d'un coup d'un seul, fendu en deux la table qui devait servir un peu plus tard à la "reprise des pourparlers". Avant que d'être réutilisée pour un gel des négociations,lui-même annonciateur d'une prometteuse évolution de la feuille de route...
Qu'à cela ne tienne. Bibi, à qui cet accès de colère a causé beaucoup de peine sur le moment, s'est empressé de faire remplacer la table: on en a ramené une toute neuve, on a bandé la main de John, on l'a raisonné, puis on lui a gentiment remontré que toute cette histoire est affreusement compliquée, que ça remonte à 1948, au moins... qu'il faut vraiment être juif ou arabe, voire les deux, pour comprendre... et surtout que si on cassait la table du mezzé pour un oui, pour un non, on ne s'en sortirait jamais.
Revenu à de meilleurs sentiments, John a donc topé là, déclarant finalement que "le processus de paix n'était pas mort". Sur les photos, en effet, on distingue très bien la table toute neuve; il y a aussi des petits bouquets de fleurs placés à intervalles judicieux, des carafes d'eau, et tout le monde sourit en buvant du jus d'ananas. A l'arrière plan, le drapeau israélien qu'encadrent la bannière étiolée et la flamme de l'Autorité palestinienne.
Retour chez lui, pourtant, après une bonne douche, un brushing et quelques bières, John s'est gratté la tête, perplexe. Et s'il y avait quand même un problème avec la table ? Bizarre quand même, que d'un coup d'un seul, elle se soit effondrée...
Le même soir, il y avait réunion à la Tricontinentale: d'après Le Monde, "un groupe non partisan de discussion non gouvernemental fondé par David Rockefeller". Donc, pas de mezzé (puisque c'est non partisan...) mais un groupe de gens simples qui paient dix mille dollars leur cheeseburger et donnent leur avis sur le monde et comment il va. On ne dispose d'aucune photo de cette assemblée, donc on ne sait pas si tout le monde sourit, et s'il y avait du jus d'ananas en carafe. Ce qu'il en a filtré, c'est que John a agité sa main toujours bandée et a déclaré qu'Israël pourrait devenir un pays d'apartheid.
Tout est dans le "pourrait".
Et voilà bien la feuille de route toute chiffonnée...