En faisant le choix d'un medium sans publicité, MEDIAPART a clairement affiché son parti-pris fascisant. En effet, pour lire MEDIAPART, il faut payer; pour consommer de la publicité, il me suffit de ne pas avoir le nez dans les chaussettes, de lever les yeux, de humer l'air du temps, de cheminer paisiblement comme dans une galerie d'art sur un bucolique sentier urbain bordé de gracieux panneaux... Et me voilà tout soudain au coeur du monde, ce monde qui bruit et palpite de désirs d'autant plus ardents qu'inassouvis, ce monde d'objets-femmes que je peux posséder, dont j'ai le droit et le devoir de me lasser... Me voilà donc tout flapi d'émotions et craquant de tous mes os de pulsions licites et soyeuses, parcourant les grandes artères du monde où je sens battre le libre sang du marché, et j'explose de bonheur à l'unisson de cette déesse aux yeux embués de plaisir qui verse goutte à goutte dans le tiroir de son lave-linge l'elixir-lessive de mes rêves...
J'émerge un court instant, autour de moi il y a aussi des arbres, rabougris et ternes comme dans la vraie vie, et non ! décidément, la vraie vie est bien morne, sans fard et sans sirop, sans adjuvants et sans conservateurs, et je voudrais photoshoper les gens, je ne veux plus voir leurs tristes bouilles d'énergumènes sans désirs, sans coups de coeur, sans coups de sang, indifférents à l'intense bouillonnement qui embrase mon cerveau droit, mon cerveau gauche, mon hypothalamus, mon canal carpien, et jusqu'à mon pénis qui ne peut se détacher de la femme-lessive. Que c'est moche, un quidam enguenillé qui ne sait pas craquer...
Moi, je m'enfuis au bout du monde, passager clandestin et ravi de l'homme-voiture qui conduit d'une main sûre son bolide sur une route escarpée. Il freine, descend souplement, s'inscrit un instant dans le paysage majestueux, m'aperçoit... Il sait donc que je suis là, il est content que je sois là ! j'aime son sourire ferme et engageant, il s'aime, visiblement... et comme il a raison ! L'auto est là aussi, elle s'inscrit elle aussi dans le paysage, elle attend patiemment le plaisir de l'homme-voiture, elle accepte et reçoit le plaisir de l'homme-voiture, et il s'adosse voluptueusement, avec légèreté, contre le flanc moelleux de l'auto, et c'est tout l'ordre du monde, la facilité et la simplicité du monde qui se gravent là, dans le paysage.
Oh! que je voudrais être cet enfant-tablette, fruit délicieux des entrailles de la femme-lessive et de l'homme-voiture, ou ce bambin qui déchiquette à belles dents une tartine de bonheur, cet exquis nouveau-né qui sait déjà que demain tout sera nouveau, neuf et rutilant comme le bitume du sentier après l'averse...