La jurisprudence et la mise en danger d'une personne par un journaliste : entre liberté d'expression et protection individuelle
La question de la mise en danger d’une personne citée dans un article de presse par un journaliste soulève des enjeux juridiques complexes. Elle s’articule autour de principes fondamentaux, notamment la liberté d’expression et la protection des sources journalistiques, tout en intégrant les limites nécessaires à la préservation de la vie privée et de la sécurité des individus.
Une liberté d’expression encadrée
La liberté d'expression est une pierre angulaire de toute société démocratique, mais elle n’est pas absolue. En jurisprudence, les tribunaux procèdent à une mise en balance entre plusieurs droits concurrents :
- Le droit du public à l’information, qui justifie la diffusion d’informations d’intérêt général.
- La protection de la vie privée et de la sécurité des personnes, particulièrement lorsque la divulgation peut entraîner des risques significatifs.
Dans une décision récente (Cour de cassation, 4 décembre 2024, n°23-13.280), la Haute juridiction a rappelé que la protection des sources journalistiques peut être limitée lorsque la sécurité d’une personne est mise en péril.
Les critères d’évaluation des tribunaux
Les juges adoptent une analyse au cas par cas pour déterminer si une citation constitue une mise en danger injustifiée. Cette évaluation repose sur plusieurs critères :
- La véracité et l’exactitude des informations publiées : Une information fausse ou incomplète peut davantage exposer la personne citée.
- L’intérêt public de l’information : La divulgation doit répondre à un besoin légitime d’information du public.
- La proportionnalité de la divulgation : Les juges vérifient si la publication est justifiée au regard du but poursuivi.
- Les précautions prises par le journaliste : Notamment, des mesures visant à anonymiser ou protéger l’identité de la personne concernée (Tribunal judiciaire de Paris, 25 septembre 2024, n°24/06035).
Les responsabilités encourues
Si un journaliste agit de manière imprudente ou manque à ses obligations déontologiques, sa responsabilité civile, voire pénale, peut être engagée. Cela inclut les situations où la personne citée subit un préjudice direct du fait de la publication (Cour de cassation, chambre criminelle, 21 novembre 1995, n°93-85.080).
La protection des journalistes d’investigation
La jurisprudence récente témoigne d’une protection accrue pour les journalistes d’investigation, dont le rôle est jugé essentiel dans une démocratie. La Cour de cassation (4 décembre 2024, n°23-13.279) a notamment renforcé cette protection pour les journalistes agissant de bonne foi, dans le respect des règles déontologiques. Toutefois, cette protection reste conditionnée à une conduite responsable et proportionnée.
Un équilibre délicat
En définitive, la jurisprudence s’efforce d’établir un équilibre entre la liberté d’information et la protection des personnes citées dans les articles de presse. Les juges évaluent si la mise en danger éventuelle est justifiée par l’intérêt public de l’information et si le journaliste a respecté les principes éthiques de sa profession.
Ce débat juridique, riche en nuances, souligne l'importance d’une presse libre mais responsable, où l’information d’intérêt général prime sans pour autant sacrifier la sécurité des individus.