
Le journaliste et syndicaliste, Mohamed Hassaine a été enlevé le 27 février 1994, à Larbaâtache près d’Alger, sur ordre de Tayebi Youcef, dit cheikh Youcef imam à la mosquée du même village et chef d’un groupe de terroristes affiliés au FIS ("Front Islamique du Salut"). Originaire de Ain Bessam où il était connu pour avoir été harki de l’armée française pendant la guerre d’indépendance et d’où il a été chassé pour actes pédophiles.
Je vous livre les faits de l’enlèvement tels que rapportés par le journaliste Youcef Rezzoug. Journaliste à Alger-républicain, natif du même village et ami de Mohamed Hassaine, il a recueilli ces témoignages sur les circonstances de son enlèvement, des sévices qu’il a subi et de l’horreur de son assassinat. Ecoutez-le :
« Je t'écris pour apporter juste un témoignage à propos de tout ce qui a été dit sur l’enlèvement de Mohamed et le dénis subi par sa famille par la suite...Un témoignage pour l'histoire et Mohamed le mérite... Pour paraphraser le poème de Jean Senac, Larbatache c'est comme Paris en commune". Ce n'est pas un article, tout est livré en vrac, sans consulter mes documentations. »
» On se voyait tous les jours jusqu'à quelques semaines de son enlèvement et on s'attablait au même café. On a discuté longuement, et parfois en présence de Omar Dahmani, un camarade du village qui était enseignant à la fac de Bab Ezzouar, sur l'éventualité, même la nécessité de quitter le village et quelles dispositions prendre. J'ai quitté pour ne plus revenir en janvier suites à plusieurs menaces, guet-apens et une tentative des terroristes de s'introduire chez mes parents...Un jeune que par la suite j'ai appris qu'il travaillait avec les terroristes m'a demandé de partir : " Ne reviens plus", m'a-t-il conseillé. Le lendemain, j'ai vu Mohamed Hassaine à la cafette de la Maison de la Presse et je lui ai dit qu'il ne restait rien à faire la bas; il n' y a plus de possibilité de se défendre ou d'être protégé... »
» J'ai publié le jour d'après sur Alger Républicain un reportage, intitulé le « village de la peur». Deux ou trois jours après, la première victime fut enregistrée. Mohamed et moi, on a rediscuté sur l'éventualité de son départ de Larbatache. Il craignait pour ses enfants, sa femme. On a même envisagé qu'elle pourrait partir chez ses parents à Constantine. Le temps pressait mais, aussi, certains camarades que Mohamed respectait beaucoup l’ont conforté dans l'idée qu'il pouvait rester et qu'il ne risquait rien. J'étais par la suite en colère contre ces personnes. L’enlèvement s'est déroulé à 7 heures 30 du matin dans la rue et en face de la maternité du village, là où la plaque commémorative a été déposée en 1999. »
» Quatre terroristes, dont un cousin de Mohamed, à bord d'une Renault 4 l'ont cerné... Il les a reconnu et, tout en tentant d'alerter les habitants de la rue, il a refusé de monter dans la voiture. C'est le témoignage de la sage femme que j'ai rencontré quelques mois après à Rouiba où elle a déménagé...Elle n'a pu parlé qu'après avoir quitté le village et avec des blessures et des souvenirs qui hantaient ses nuits. Elle est restée tétaniser dans son balcon alors qu'elle assistait à l'enlèvement d'une personne qu'elle connaissait pour son militantisme et son engagement. C'est la raison pour laquelle elle a insisté auprès de son mari pour organiser notre rencontre et témoigner...Le jour de l’enlèvement, au soir et après El Ftour, les quatre sont revenus et ils ont tenté de faire irruption dans la maison de Mohamed ou il y avait son épouse Nacera et ses enfants. Nacera a identifié parmi les assaillants le cousin de Mohamed qui sera abattu quelques années après. »
» En 1995, j'ai rencontré feu le commandant El Mekhefi, ancien officier de l’Armée de Libération Nationale et chef des patriotes de Lakhdharia, alors que je travaillais au Matin. Je lui ai parlé de la disparition de mon ami Mohamed et il m'a dit, " on a justement un repenti " dans le cadre de la Rahma" qui nous a rejoint et qui est de la région de Khemis El Khechena. Il aurait des informations sur l’enlèvement de Mohamed Hassaine. Le repenti m'a expliqué qu'il n'était pas, à M'Hamedia, l'endroit où Mohamed fut amené le premier jour de son enlèvement et situé sur les hauteurs surplombant le barrage d'El Hamiz. Mais il avait peu après entendu parler de ces faits en rejoignant le groupe terroriste qui écumait la région. Selon lui, lorsque Mohamed Hassaine a été kidnappé, puis amené à M'Hamedia, à 4 kilomètres de Larbatache, où " il devait être présenter" devant Cheikh Youcef, ancien imam de Larbatache et élu député du FIS en 1991 et qui devint chef de l'AIS de la région Khemis El Khechena-Meftah. »
» Mohamed aurait été, selon le témoignage de ce repenti, assassiné le jour même après avoir subi des tortures atroces. Son corps aurait été découpé et jeté dans le barrage, à la demande de Gadouche, son cousin le terroriste, afin, disait-il à ses acolytes, qu'il n'aie pas de tombe. ( j'ai écrit un article dans le Matin en 1995 relatant ces informations ) »
» En 1998 ou en 1999, lorsqu'on a déposé la plaque commémorative en présence de plusieurs de ses anciens amis et camarades Des jeunes du quartier m'ont parlé d'un nouveau repenti de l'AIS ( Armée Islamique du Salut)habitant Khemis El Khechena. Ce dernier m'a confirmé les faits relatés par le premier repenti et avec plus de détails, puisqu'il était présent lorsque Mohamed fut amené à M'Hamedi, ou se trouvait le groupe de Cheikh Youcef. Ce repenti avait même déposé auprès du procureur pour bénéficier de la loi sur la Concorde. Tayebi Youcef a bénéficié en 1999 de la loi amnistiante de la " Concorde Civile". Il réside au village agricole, el-Qaria, possède un camion et a une pension d’Etat. »
Personne ne lui parle au le village.