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Billet de blog 8 février 2014

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LE TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

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Abdenour DZANOUNI

Falloudja, bombardements chimiques au phosphore des américains (Novembre 2004)

Intéressons-nous aux marines américains de retour de l'Irak, ou précédemment du Vietnam, et mal accueillis aux USA, aux paras français revenant du même Vietnam ou de l'Algérie et pas mieux reçus en France, aux soldats britanniques ou canadiens en campagne en Irak ou en Afghanistan et retournant aux brumes et au froid déprimants de leur pays, aux mercenaires saoudiens quittant le soleil énervant d'Algérie et trouvant la douceur de l'asile à Qatar et un peu partout en Europe, aux prêtres et miliciens Huttus, auteurs du génocide, fuyant les collines et vallées funestes du Rwanda pour se réfugier dans les églises accueillantes de cette Europe magnanime et généreuse, aux militaires allemands de la Deutsches Heer ou de la Wehrmacht défaits et prisonniers à l'issue de la première et seconde guerre mondiale, aux soldats israéliens du Tsahal de retour du Liban ou de Gaza, les chargeurs vidés et les bombes larguées... Qu'ils soient dans la honte ou dans la parade, dans l'examen de conscience ou l'allégresse du retour, que se passe-t-il dans leur tête? 

Massacre de Sabra et Chatila (1982)

par le héros d'Israél, Ariel SHARON.

S'attendent-ils à être admirés tels des héros, entourés et pressés de questions par leurs famille et amis? Ils se voient ignorés et traités de radoteurs, juste bons à ressasser le passé."Ne me raconte pas ta guerre!" entendront-ils souvent quand ils voudront parler. Quel violence inouïe que ce déni du droit à la parole et de se raconter! Car enfin, pourquoi refuser d'écouter  ceux qui, obéissant aux ordres, ont donné la mort à des êtres qu'ils ne connaissaient pas ou qui  ont même vu parfois mourir sous leurs yeux d'autres qu'ils connaissaient.

Les soldats du Tsahal de retour du Liban.(Aout 2006)

 Au delà de la compassion ou du rejet qu'ils peuvent inspirer, voilà l'un d'eux mis à nu , interrogé et ausculté dans une pièce aseptisée, au fond d’une caserne anonyme. Après l’entretien, pendant qu’il se rhabille, le professeur et son assistant tiennent conférence. Ecoutons les discrètement...

Professeur : Au rapport, docteur !

Assistant : Rien de bien nouveau, professeur. La solitude, l'absence du désir sexuel, l'impuissance et la tristesse chronique sont les symptômes relevés chez le patient. Ce sont là des troubles communs aux soldats de retour du théâtre des opérations.

Professeur : Autrement dit,  des dégâts collatéraux du stress post traumatique de la guerre.

Assistant : Tout à fait, professeur ! Nous constatons chez le patient les habituels cauchemars, insomnie et déchaînement de violences fréquents…

Professeur : Ce sont là les manifestations pathologiques ordinaires de ces traumatismes…

Assistant : Effectivement, Professeur ! Mais l'événement répété de mises à mort en masse a pu laisser des traces traumatiques affligeantes dans le cerveau du patient.

Professeur : Humm ! Pas de politique, docteur ! Relevez les symptômes et laissez-moi les interpréter.

Assistant : Bien sûr, professeur. Vous avez remarqué le repli du patient sur sa communauté d’armes. Cette agrégation communautaire ou corporatiste serait-elle un phénomène aléatoire ou persistant?

 Professeur : C’est plutôt une tendance lourde.

Assistant : Nous constatons aussi chez le patient une addiction à l’alcool, à la drogue et même à la prière pour surmonter la terreur des cauchemars et pouvoir dormir…

Professeur : Ce sont là des facteurs aggravants du traumatisme qui peuvent rompre, à tout moment, les digues retenant la violence du sujet...

Assistant :... Cette violence explose fréquemment dans les sphères conjugales ou publiques.

Professeur : Contenez-vous à votre sphère de compétences, jeune homme. Votre patient trouve dans ces crises l'adrénaline de substitution à celle sécrétée par les violences de la guerre.

Assistant : Professeur, nous relevons que ces crises sont cycliques et interviennent à intervalle mensuel régulier.  

Professeur : Vous pensez à la perception périodique de la pension qui déclencherait de manière cyclique les souffrances mentales? Cela pourrait faire l’effet d’une « madeleine de Proust » pour les souvenirs de guerre. Mais plus prosaïquement, la perception de la pension, elle-même, donne les moyens de s’abreuver et de se shooter, docteur.  

Assistant : Affirmatif, professeur ! Question : pouvons-nous établir une corrélation entre ces crises symptomatiques et une addiction à la brutalité et au spectacle de la mort, contractée sur le terrain des opérations, professeur?

Professeur : Ainsi qu’avec l'addiction à la peur et au meurtre…Au paroxysme du manque chez le sujet sevré, le suicide  fait fonction de catharsis. Spectacle, ultime et fusionnel, de l'acte de tuer et de se tuer? La boucle est bouclée.

Assistant : Passionnant, professeur ! La prochaine fois, est-ce que nous étudierons quelle fonction adaptatrice ou réparatrice ont la parole et le rêve dans le dispositif biologique post-traumatique?

Professeur : Inutile, Rien ne vaut, comme remède, le renvoi du soldat sur de nouveaux champs d’opérations.

Quittons cet office médical, au fond de cette caserne, et faisons un zoom arrière pour embrasser un champ de bataille plus vaste, celui de la guerre médiatique. Là, la presse écrite correspond à l'infanterie, la radio à la cavalerie et la télévision à l'aviation et chaque titre ou chaîne a plus de puissance de feu qu'une division armée. L'argent de cette armée est fourni à flots par un dispositif d'agences publicitaires jumelées à des instituts de sondage de complaisance. Aux ordres eux-mêmes, des éditorialistes politiques sont les généraux à la tête de cet armement redoutable et de meutes de programmateurs, de journalistes, d'animateurs, d'amuseurs et de fous du roi sans âme. Et qui sont leurs victimes? Téléspectateurs, auditeurs, lecteurs, cibles massives des campagnes médiatiques, subissent des dégâts psychologiques dont le caractère pernicieux réside dans leur invisibilité immédiate et donc dans la latence de leur manifestation post-événement.

Examinons les conditions générales dans lesquelles les agressions médiatiques provoquent les traumatismes en question. Nous pouvons distinguer les batailles médiatiques, livrées pour la conquête ou la conservation du pouvoir, en plusieurs sortes: L'une vise et attaque le rival politique pour dégrader son image aux yeux du public. L'autre est de susciter le désir d'un meilleur avenir par diverses promesses du candidat au pouvoir. Une autre encore est de crier à la menace que constituerait la prise de pouvoir par le rival. Tous les coups sont permis mais les résultats sont souvent imprévisibles en raison du contexte et du vécu des populations ciblées. Ainsi, l'attaque contre le rival peut se retourner contre son auteur.  Les résultats d'une campagne dépendent moins du sérieux des promesses que de la crédibilité de celui qui les faits ou, ce qui revient au même, de la crédulité de ceux qui y font foi.

Collin Powel, accusant Sadam Hussein de posseder les armes de destruction massives, à la veille de l'intervention criminelle occidentale. (2003)

La menace produit généralement son effet car de tous les sentiments humains, la peur plonge ses racines au plus profond des ténèbres animales de l'humanité  et plante ses mâchoires métalliques dans le cerveau de l'homme. Elle immobilise, paralyse, glace et ainsi empêche de réfléchir celui-là qui alors s'en remet corps et âme au premier sauveur providentiel venu. Fusse-t-il son futur bourreau! Si la menace a pris par définition et le plus souvent l'apparence de l'étranger, du « sans papiers » ou du rom, elle peut tout aussi bien se présenter sous la forme d'une terrible épidémie, d'un changement catastrophique du climat, d'une météorite fonçant sur la planète, d'une horde d'émigrés qui en veut à l'emploi et au pain de l'ouvrier ou de l'insurrection de jeunes basanés des banlieues troublant la paix et la tranquillité du bourgeois de la ville. La menace provoque par la peur l'union sacrée autour du prétendant au trône. Et surtout, elle empêche de réfléchir!

C'est ainsi depuis la nuits des temps. La recette de la soupe médiatique use des mêmes ingrédients: la peur et le désir! Les prêtres de toutes les religions en ont fait leur fond de commerce et leur fortune. Que de peintres, à l'image du talentueux Vinci, ont prêté leur talent à l'horrible propagande de l'église: Le désir du paradis et la peur de l'enfer peints sur la voûte de la Chapelle Sixtine. Ce sont là les Dieux communs qui règnent sur le cœur des hommes. Que font d'autre les chapelles politiques qui se les disputent sur terre?

AD

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