Et bien, si vous me demandiez de vous en présentez un échantillon, j’hésiterais tant ils sont nombreux à y prétendre. Ne parlons pas de ce voisin dit « la glu »qui, s’il vous croise matin, vous tient la jambe à deux bras jusqu’à l’heure du dîner. Impossible de décoller ! Si d’aventure,vous rencontrez, sur le chemin, un de ces spécimens, votre journée est perdue ! Revenez vite chez vous. Dites que vous êtes souffrant car vous souffrez d’un mal dont la médecine ignore le nom! Une journée au lit est l’unique remède avec le double avantage de vous protéger de ces rencontres fâcheuses et de vous rétablir du mal quand il est fait ! Celui qui inventerait le vaccin contre les rencontres ennuyeuses ferait fortune, en plus d’être considéré « Bienfaiteur de l’Humanité » comme Louis Pasteur ou Alexander Fleming! Que font nos chercheurs !
Si dans la vie vous pouvez adopter des stratégies de contournement pour éviter de croiser un voisin, un collègue ou un parent… Il est difficile d’ignorer ceux qui prétendent exercer le pouvoir en votre nom et qui l’exerce à vos dépens? Ils sont partout ! Sur les plateaux de télévisions, les couvertures de journaux, les ondes de radio, acteurs de l’actualité et commentateurs de celle-ci,ils nous gavent de conseils et de recommandations qu’ils n’ont pas jugés utile de suivre quand ils étaient en responsabilité !
Contraints,ils se répandent en louanges du mouvement populaire, avant de prévenir celui-ci contre « les demandes irréalisables », dixit le général Gaid Salah, ou contre la « radicalisation», brandie comme une menace par Mouloud Hamrouche. Et ils sont quelques uns à brandir la menace et répandre le mensonge en appelant au « compromis démocratique » dont dépendrait, selon eux,la survie du peuple algérien et l’Algérie même.
Arrêtons nous, sur la signification de ces deux mots : le « compromis démocratique ».Le premier désigne un accord, entre deux ou plusieurs parties, préservant au mieux les intérêts de chacune d’elles. La démocratie est composé de deux mots grecs qui rassemblés veulent dire le « pouvoir du peuple ». Alors, si l’une des parties s’appelle le « Peuple »,quel est l’autre partie avec qui le peuple doit faire un compromis ? L’association de malfaiteurs qui s’est accaparée le pouvoir et les richesses du pays depuis l’indépendance ?
Conseillez-vous,Monsieur Hamrouche, au peuple de faire un compromis avec les imposteurs, les voleurs et les assassins ? Faut croire alors que vous vous entendez comme larrons en foire ! La combine est connue : quand un larron est pris la main dans le sac et qu’il se fait secoué par la victime, il se trouve toujours un complice pour venir à son aide. Sous prétexte de séparer les deux protagonistes, il ceinture la victime. Le voleur s’enfuit souvent après avoir lâchement frappé sa victime sans défense. Voulez-vous participer à un tel attentat,Monsieur Hamrouche ? Préparez votre défense plutôt que de voler, par corporatisme primaire, au secours des imposteurs et de l’imposture.
Pour mémoire, nous étions une trentaine de journalistes le 10 octobre 1988, à adopter une déclaration exigeant pour une issue pacifique de la crise,l’institution des libertés fondamentales dans leur totalité, la libération des détenus politiques, la levée de l’état d’urgence... Au même moment les soldats recevaient l’ordre de tirer sur la foule de manifestants pacifiques à la place des Martyrs à Alger, faisant des centaines de morts.
Pour ne pas faire aboutir nos revendications, le gouvernement de Kasdi Merbah jouait la montre. Vous avez été désigné, par Chadli Bendjedid, pour le remplacer, comme chef de gouvernement, du 6 septembre 1989 au 3 juin 1991. Sous votre gouvernance,la nouvelle constitution instituant les libertés fondamentales fut adoptée par référendum en février 1990. Pour mémoire, le Front islamique du salut avait appelé à boycotter la consultation populaire en raison du caractère « incompatible de la démocratie avec l’islam », disait-il.
Vous, étiez à fond pour la presse démocratique à condition qu’elle dise du bien de vous. En cela, vous n’étiez pas différent de vos prédécesseurs ou plutôt si ! Vos prédécesseurs se suffisaient d’un seul El-Moudjahid, vous en vouliez dix pour vous tout seul. Des journalistes qui avaient servi avec conviction les gouvernements précédents se bousculaient sur les plateaux de la télévision pour se réclamer de vos « réformes démocratiques » et se dire « hamrouchiens ».Les mauvaises langues faisaient remarquer que dans le mot « hamrouchiens »il y a le mot « hamrou ».
Les nouveaux courtisans prenaient la place de vieilles rombières et, en même temps,l’option pour la sortie du sérail, quand le jour viendra de quitter l’alcôve.Est-ce pour ces mœurs, héritées des janissaires, que " le journalisme serait le deuxième plus vieux métier du monde ?" Ou est-ce juste le statut que revendiquent ceux qui, poules de luxe ou maquereau, en font un commerce public et prostituent le métier? Qu’avez-vous à déclarer, Monsieur Hamrouche ? Vous demande le douanier avant de fouiller vos bagages.
Comme vous le faites aujourd’hui pour le Mouvement du 22 février, vous ne cessiez de presser les animateurs du Mouvement de Journalistes Algériens, à se structurer. Vous avez demandé alors à deux journalistes qui ont au cou un collier de la DRS, de vous rédiger au nom du Mouvement une motion de soutien aux réformes économiques, engagées par Chadli Bendjedid. Ces deux faussaires ont un nom : Ammar Belhimer et Fouad Boughanem. Jamais le mouvement n’avait discuté de ces réformes pour la simple raison qu’elle est hors champs, en dehors de son objet, de sa raison sociale. Les initiateurs historiques du Mouvement ont décidé alors de mettre un terme à ces manipulations en le rangeant au musée.
Mais vos tentatives de prévarication ne s’arrêtent pas à cet épisode. Nous ne diront rien des réformes économiques que vous avez entreprises, sous la férule de Chadli Bendjedid, avec une détermination féroce :Le taux de change du dinar, jusque là plus élevé que le franc, a été divisé par cent. Vous alliez, laquais servile, au devant des demandes du FMI en préparant par une restructuration, le démantèlement des entreprises publiques réduisant au chômage des centaines de milliers de travailleurs. Ne cherchez pas plus loin les extrémistes qui menacent l’Algérie et les algériens, vous en êtes.
Autre combine, plus grave encore, où vous avez trempé: Aux premières loges où vous étiez, depuis 1965, vous saviez qu’il n’y a jamais eu aucun scrutin, ni aucune élection démocratique en Algérie. Vous avez toujours su que les résultats sont décidés plusieurs jours avant les élections au cours d’une réunion entre le chef de l’Etat et le ministre de l’intérieur ! Alors pourquoi n’avez-vous pas dénoncé la fraude de Chadli qui, dès le premier tour du « scrutin », donnait le pouvoir au FIS ? Pourriez-vous sous serment, témoigner que vous n’étiez pas au courant de l’arrangement entre Chadli et Hachani pour faire un coup d’Etat bureaucratique au FLN ? Pourriez-vous attester que vous n’étiez pas au courant que Chadli en pèlerinage à la Mecque, se roulait par terre, dans la poussière, à l’intérieur du mausolée,devant Ibn Saoud et lui témoignait ainsi son l’allégeance ? A son retour du pèlerinage, feu le journaliste Djamel Benzaghou témoignait de la scène sidérante à qui voulait l’entendre. Et vous ne saviez pas tout cela !
Revenons à la presse dont vous vouliez faire votre obligée.Rappeler-vous ! Alger Républicain,empêché de paraître depuis le 19 juin 1965, reparaissait. sous l’œil bienveillant de Abdelhamid Benzine et le talent de Mohamed Benchicou. Sans attendre la nouvelle loi sur l’information, le journal reparaissait «quand il pouvait » animé par les belles plumes de Halim Mokdad, Saïd Mekbel, Samia Khorsi, Ghania Hamadou, Mounira Dridi... Il atteint bientôt le seuil dangereux des 100.000 exemplaires, une audience et une influence inquiétante pour le pouvoir en place. Henri Alleg était venu pour la sortie d’un des premiers numéros d’Alger républicain, un quart de siècle après sa troisième interdiction. Henri Alleg avait demandé à Mohamed Benchicou quel était le tirage ? A sa réponse, il hocha la tête et lâcha ; « Il ne vous laisserons jamais continuer à exister ! »
Et vous, Gargamel chez les shtroumpf, tout en proclamant, la main sur le cœur, votre attachement à une presse indépendante,lanciez une OPA ( Offre Publique d’Achat) sur Alger Républicain. Sous couvert de dédommagement pour ses biens confisqués et le préjudice subit durant son interdiction (1965-1990), vous avez mis quelques sept milliards dans la corbeille de la mariée à qui il ne manquait plus qu’un fiancé. Vous l’aviez en réserve en la personne de Madjid Harbi, un de vos subordonnés dans la hiérarchie du renseignement, infiltré au PAGS et qui avait à son tableau de chasse, la liquidation, en quelques semaines de Saout-el-chaâb, le journal du PAGS.
Vous avez convaincu Abdelhamid Benzine de nommer votre homme de paille à sa place pour diriger le journal. L’équipe animée par Mohamed Benchicou, occupée à faire un bon journal, ne comprit pas les raisons du changement. Le clash allait conduire, après plusieurs semaines de conflit, à la création du journal Le Matin. Plus tard, Madjid Harbi, n’ayant pas pris soin de vérifier que les changements qui le faisaient copropriétaire du journal avaient bien été enregistrés par le notaire, demanda à Abdelhamid Benzine et Mustapha Kaid de ne plus remettre les pieds au journal. Et c’est lui qui fut prié de rester chez lui.
Mais le mal était fait. Alger rep’ n’allait plus se relever de votre tentative avortée de faire main basse sur la presse. D’un côté, la relation de confiance avec son lectorat était rompue et de l’autre l’alimentation en ressources publicitaires était coupée. En même temps que sa crédibilité, son tirage s’effondrait à 10.000 exemplaires.
A défaut de pouvoir vous le payer, vous avez décidé de réduire Alger républicain à une figuration symbolique dans le paysage médiatique... Votre objectif avoué était d’en faire un mensuel à 5.000 exemplaires, soit un journal alibi sans prise sur la réalité quotidienne ni réel apport informatif dans la formation de l’opinion. Dans cette situation désespérée, je fus appelé à prendre la direction d’Alger républicain.
Il faut que ceux qui lisent cette contribution, sachent qu’aucun journal ne peut vivre du produit de ses ventes.Le prix du journal couvre à peine la marge du diffuseur et du vendeur de journaux. Comme les autres quotidiens, Alger Républicain avait besoin au moins de six pages de publicité pour payer les salaires et le tirage de l’imprimerie. Nous en avions une demi-page et parfois, les jours fastes, une page entière. Les jours du journal étaient comptés. Vos successeurs poursuivront avec zèle votre œuvre,caporaliser ou liquider, au service de la mafia au pouvoir !
Quelle ne fut ma surprise, un matin où la secrétaire m’informa que le ministère de l’Intérieur commandait deux pages de publicité pour le recrutement d’agents de police à publier pour le surlendemain. Le soir même, le rédacteur en chef m’informa d’un appel téléphonique du directeur de la communication du même ministère, lui intimant de réserver la « une » du journal au discours et portrait pleine page du ministre de l’Intérieur, à l’occasion d’une visite d’une caserne à Biskra. Ne tenant pas compte de cette demande incongrue, j’ai privilégié l’information sur l’assassinat de Marengo. Un vendeur de journaux de la rue Hoche à Alger.
Le lendemain, le directeur de la communication du ministère de l’Intérieur, m’appela au téléphone et protesta.Il me fit part des reproches unanimes que lui avaient faits les directeurs des autres journaux :
« Vous laissez Alger rep’ faire ce qu’il veut alors que nous obéissons sans discuter. » lui auraient-ils dit. Je lui répondis que : « Si je ne peux pas choisir ce que je mets à la une de mon journal, à quoi je sers à cette place ? D’ailleurs, si cela vous amuse, je vous la cède volontiers. Venez ici et faites toutes les« unes » que vous voudrez. »
Deux minutes après avoir raccroché, la secrétaire m’informe que les deux pages de publicité pour le recrutement d’agents de l’ordre public étaient annulées. Le journal, faute de ressources publicitaires, cessa de paraître quelques semaines plus tard et ses journalistes dispersés. Par contre, les autres journaux, plus indépendants que jamais,augmentaient le nombre de leurs pages pour accueillir le tsunami publicitaire.Que pouvaient-ils faire d’autre, face à cette manne qui se déversait dans la corbeille de la mariée, sinon de célébrer les noces de la presse et le jour des funérailles de sa liberté ?
La dépendance des publications vis-à-vis des annonceurs publics et privés, dont le budget publicitaire est géré par des agences sous tutelle de la Direction du Renseignement et de la Sécurité, est telle qu’aucun journal n’est et ne peut être indépendant. Qu’avez-vous fait pour protéger la presse professionnelle de ce danger et assurer le plein exercice du « droit à l’information du citoyen », principe cardinal, s’il en est, de votre loi sur l’information ? Le sort d’Alger Républicain scellé, l’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus des autres journalistes: « Tu la fermes ou tu fermes ! »
Aujourd’hui, vous jouez au bon samaritain qui conseille au peuple de faire un compromis avec les imposteurs, les voleurs et les assassins ? Sachez-le, car de toute évidence, vous ne le savez pas : le compromis a été négocié au sein du peuple, depuis longtemps, en toute démocratie, dans les couches les plus larges, au plus profond des 48 wilayas. Ce congrès permanent du peuple se tient depuis l’indépendance, partout ou se trouvent et se retrouvent les algériens sous leur précieux drapeau. Là, se sont forgés les mêmes mots d’ordre, les mêmes exigences, le même réalisme radical !Le même esprit et comportement pacifiques ! La même écoute des uns, des autres ! Le même respect et le même civisme ! Une immense fierté partagée !
Et vous, Hou… Hou… fais-moi peur ! Que vous êtes pénible… Je rejoins Louis-Ferdinand Céline sur ce qui a été pour lui le plus pénible dans la vie : « Les gens lourds, lourds, lourds… Tellement lourds que quand tu les as rencontrés, tu mets quinze jours à t’en remettre. »
A.D