Par Abdenour DZANOUNI
La circulaire Valls rejoint en fanfare le cortège des lois scélérates et ouvre large la voie à d'autres abus liberticides. Le dictionnaire politique de Mustapha Lakhehal, publié en 2005 chez l'Harmatan, donne cette définition: " Les lois scélérates sont les lois qui présentent l'une des caractéristiques suivantes : recours à des procédures expéditives, répression disproportionnée par rapport aux actes commis, sanctions lourdes uniquement conçues pour dissuader un individu de commettre un acte proscrit". La circulaire Valls , tombe sous le sens: elle invente le délit d'opinion sur scène et charge les maires et les préfets de le réprimer.
La circulaire Valls dit, toute honte bue, que « de nombreux maires et préfets ont fait valoir que le spectacle de Dieudonné, « le mur », contenait des propos antisémites et infâmants à l'égard de personnalités de confession juive ou de la communauté juive dans son ensemble. ». Des maires et des préfets se déplaceraient donc, en si grand nombre, depuis les huit coins de la France, pour venir voir Dieudonné M’bala M’bala au théâtre de la Main d’Or ! Pardi, c’est le droit des maires et des préfets d’aller au spectacle, mais pourquoi veulent-ils nous priver de ce qu’ils s’accordent en si grand équipage? Qui sont-ils, ou plutôt qui êtes-vous monsieur Valls pour décider de ce qui est bon à voir ou pas, de ce qui est drôle ou pas? Si un spectacle ne vous plait pas, n'y allez pas. Mais de grâce, épargnez-nous les fers de la pensée unique!
Autre entorse au fonctionnement normal et démocratique des institutions. Pourquoi votre autorité veut-elle se substituer aux « personnalités de confession juive » dans leur droit à la défense ? Seraient-elles sous curatelle de votre administration ? N’ont-elles pas les mêmes droits que tout citoyen pour ester en justice quand elles s’estiment victimes de « propos infamants »? Quand à « la communauté juive dans son ensemble », permettez de douter de tant d’unanimité communautaire. Le rabbin du ghetto de Varsovie sélectionnait lui-même les enfants et les vieillards juifs à envoyer au four crématoire. Il les remettait lui-même aux officiers nazis aux portes du ghetto.
Passons ! Votre circulaire invoque abusivement l’arrêt du Conseil d'Etat Benjamin du 19 mai 1933 pour lui faire dire le contraire de ce qu’il dit. Vous l’invoquez en soutien à l’interdiction du spectacle alors que l’arrêt cité annule l’arrêté municipale d’interdiction pris par le maire de Nevers, condamne celui-ci à des dommages et intérêts et autorise la conférence de M. René Benjamin. Pour la portée générale, le Conseil d’Etat reconnait sans équivoque que "les requérants sont fondés à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d'excès de pouvoir." Suivez mon regard...
Oui! Que dire de votre circulaire? Vous justifiez l’interdiction du spectacle par « l'existence de risques de graves troubles à l'ordre public induits par cette manifestation. » À ce jour, La seule agitation constatée est la votre et celle que provoquent vos déplacements publics. N’est-ce pas ceux-là que vous devriez interdire ?
Vous voulez faire passer la quenelle que représente votre circulaire à l’adresse de la liberté d'expression, pour une mesure « exceptionnelle » alors que vous appelez tous les maires et préfets des villes de France et de Navarre à prendre des mesures d’interdiction du spectacle. Nul doute que le Conseil d’Etat n’aurait pas manquer de « statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir» dont vous vous faites le promoteur auprès des maires et des préfets. Mais l'allure à laquelle, vous avez fait trotter le juge du Conseil d'Etat qui, sans même instruire et en l'absence souhaitée de la partie adverse, a jugé... Laisse doucement rigoler sur l'indépendance présumée de la justice en France. Maintenant, que les lettres de cachets sont remis au goût du jour, les pouvoirs spéciaux et les juridictions d'exception de si triste mémoire, ne sont pas loin.
Plus loin, votre circulaire dénonce … « le message insoutenable que les propos véhiculent est parfaitement compréhensible de la plupart des spectateurs ». « Message insoutenable ? » Les spectateurs n’ont pas été ramenés là de force dans des paniers à salade, obligés de payer leur place et d’assister au spectacle ligotés sur leur fauteuil! Nous n’avons pas eu vent de protestations ni de cris de « rembourser!» de la part d’un public forcé ou déçu, mais bien au contraire ravi et hilare !
Citons une autre accusation : « message parfaitement compréhensible… » Est-ce que vous reprochez à Dieudonné de parler clairement la langue Française? En quoi est-ce un délit de se faire comprendre et de comprendre ce que Dieudonné raconte? Et l’autre partie moindre des spectateurs qui paye pour assister au spectacle et ne comprendrait rien, selon vous, doit-elle être rangée dans la catégorie des bons citoyens ? Sur quels critères, estime-t-on que ceux là n’ont rien compris : Un sondage à la sortie du théâtre? Les maires et préfets suscités ayant compris, on en a conclu que la plupart des spectateurs ont dû comprendre. Avouez! que voulez-vous dire ou insinuer par cette phrase à la subtilité inquiétante. « le message... est parfaitement compréhensible de la plupart des spectateurs ». Elle rappelle la définition de la démocratie qui courait la rue arabe, après les soulèvements populaires : « La démocratie ? Si vous voulez prier, vous allez à la mosquée. Si vous voulez boire, vous allez au bar. Si vous cherchez à comprendre, vous allez en prison. »
Monsieur Valls, au tableau ! Examinons les abus sémantiques pollueurs des opinions et dévastateurs des intelligences… Pourquoi dites-vous antisémite quand vous voulez dire antijuif ? Il n’y a ni honte, ni mérite d’être né juif ! Juif n’est ni une insulte ni un compliment. Car en dernière instance, on ne choisit pas sa langue maternelle. Apprenez qu’un journaliste, juif autrichien. Moritz Steinschneider, a composé le mot « antisémitisme » (antisemitisch en allemand) pour qualifier l’idéologie laïque, née il y a un siècle et demi, en Allemagne. Elle prônait le rejet des juifs au prétexte qu’ils étaient « inassimilables à l’occident », non pas en raison de leur religion, mais par leur « nature orientale ». Le reproche fait à l’époque aux juifs allemands rappelle, curieusement, vos propos récents sur « l’inadaptabilité du peuple rom, qui ne veut pas s’assimiler ». Echo sinistre aux invectives « laïques » poursuivant les Juifs jusqu’aux fours crématoires.
Vous avez, écrit, citons votre circulaire : «…Il y a lieu de faire preuve de la plus grande vigilance lorsque sont prononcés des propos incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée. ». Si, comme le dit avec ferveur votre circulaire, « la lutte contre le racisme et l'antisémitisme est une préoccupation essentielle du Gouvernement » pourquoi a-t-il manqué à son devoir « de la plus grande vigilance » vis-à-vis de vos propos « et d’énergie dans l’action »… pour redresser les torts que vous avez causés aux Roms par vos déclarations?
Alors, qui est le serviteur zélé du racisme et le cheval qui mène au trot Marine le Pen à l’Elysée?
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