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Billet de blog 15 septembre 2014

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MAROC: LIBEREZ LE FOU DU ROI!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Abdenour Dzanouni

Cette histoire incroyable mais véridique rappelle ce film des années trente de Charlie Chaplin où un coiffeur se trouve être le sosie du dictateur... "Il y a quelque chose de chaplinesque au royaume chérifien", dirait cheikh Zoubir (alias Sheakespear).

Un sosie du sultan Mohamed VI, sujet marocain, a été puni de trois années de prison pour s’être fait passer pour sa majesté (1). Que pouvait-il espérer de cette usurpation sinon quelques courbettes serviles ?  Sinon quelques génuflexions et baisers fébriles au bas de son burnous ? Pouvait-il prélever l’impôt ? Non, les agents du makhzen s’en chargeaient pour le vrai roi ? Pouvait-il monnayer une intercession pour trouver un emploi à un chômeur ou pour un jugement favorable à un sujet spolié de ses droits ? Non, le roi n’intercède pas, il ordonne. Sa majesté n’est pas encore rendu à cet état de nécessité pour descendre dans la rue, collecter le bakchich chez ses humbles sujets. Ses agents s’en chargent avec grâce et un certain succès.

Le sosie du roi a dit qu’il n’était pas un escroc. Il a ajouté qu’il aimait le roi et qu’il aimait s’habiller comme lui. Hormis qu’il etait fan du roi, qu’a-t-il fait de répréhensible ? Il a conduit une voiture de luxe et a salué la foule qui, croyant reconnaître son bien aimé souverain, l’acclamait. Sans qu’il ne le demande, des policiers zélés, croyant servir le monarque, lui ont ouvert la route, agissant en professionnels soucieux de le protéger de la foule en délire. Qu’auraient pensé les sujets de sa majesté si son sosie les avait méprisés ? Que serait devenue l’autorité des policiers aux yeux de la foule, s’il les avait rabroués,  en chassant son escorte du geste ou du verbe ? Le trône un moment aurait vacillé à Tétouane.

Revenus de leur illusion, les policiers crièrent à la supercherie et alertèrent la foule. Tous ces gens, un moment alanguis au pied du monarque, se dressèrent furieusement pour lui donner la chasse.  Partout, des barrages étaient dressés et des hélicoptères décollaient pour survoler la scène du drame. Le sosie du roi voyant, dans le rétroviseur, la foule à ses trousses, puis, en face, un barrage avec des troupes armées jusqu’aux dents, et, au-dessus de lui, le ciel assombri et vrombissant de pales d’hélicoptères, abandonna sa voiture pour s’enfuir à travers champs. C’est là, dans le lit sec de l’oued, que la foule le rattrapa,  l’encercla et se referma sur lui. Il ne fut plus qu’à un pas d’être lynché et dévoré s’il n’avait avoué dans un ultime cri de détresse : « Je ne suis pas le roi !». Quelle présence d’esprit ! Il eut la vie sauve.

Ne disons rien de l’imbécilité du juge à jeter trois années en prison, un sujet, aimant et dévoué, de sa majesté ! En l’âme de larbin de ce juge, se cache peut être une haine du monarque, assouvie en jetant au cachot son sosie ? Qu’en savons-nous ? Notre amie la psychanalyste, Iassina Amrani, pourrait, si elle le désire et si nous insistons, nous éclairer sur ces mystères de l’âme humaine ?  Mais, tous respects confondus pour le roi et son ascendance, ces gens du palais qui font les vierges effarouchées et crient au crime de lèse-majesté, ne pouvaient-ils pas y voir une opportunité d’alléger la charge du roi et même de le protéger contre ses ennemis? Eux les courtisans, vils et veules,  ne pouvaient-ils imaginer d’employer ce sosie royal pour les célébrations protocolaires, l’accueil des chefs d’Etat et autres souverains ennuyeux et peut-être même comme cible éventuelle d’attentats probables en ces temps troubles où les trônes chancellent ?  

Mais non, puisque le roi est emprisonné à perpétuité, au fond du palais, gardé nuit et jour, par des courtisans obséquieux, l’empêchant de voir et d’écouter ses sujets. Tandis que son sosie croupit pour trois ans à Tétouane parce qu’il lui ressemble sans l'avoir voulu. Nous citoyens du monde, face à cette injustice insupportable, partageons la supplique à sa majesté magnanime de libérer le fou qui a illuminé un moment son image.

AD

(1) Les faits se sont passés le 20 aout 2014 et jugés le 15 septembre 2014 à Tétouane au Maroc

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