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Billet de blog 16 août 2014

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LEXIQUE JOURNALISTIQUE OU CULTURE POLITIQUE ?

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Vendeurs de journaux à Paris.

 Par Abdenour Dzanouni

Dans un billet sur son mur, mon confrère et ami de longue date, Mohamed Balhi s’est désolé qu’une consœur de la radio Alger chaîne 3 traite la guerre d’agression d’Israël contre le peuple palestinien de conflit entre deux « belligérants ».  À mon avis, la journaliste a, à sa décharge, le sentiment louable de rechercher une « objectivité »  de l’information en observant une équidistance vis-à-vis des « parties » en présence.  Comment la journaliste peut-elle traiter « l’événement » (un euphémisme qui a par exemple qualifié longtemps la guerre de libération de l’Algérie !) avec objectivité si elle n’a pas d’autre choix que relayer les informations d’agences occidentales? Celles-ci ont la spécificité dans la guerre de communication d’approvisionner en permanence en munitions de propagande les autres médias. Comment poser ses mots en lieu et place de ceux des agences de presse occidentales pour désigner les faits et les actes? Il n’est pas innocent d’appeler « dégâts collatéraux » des crimes de guerre et crimes contre l’humanité sans s’en faire complice.  S’il est légitime d’accorder aux mots leur sens, un lexique serait-il nécessaire et suffisant pour remplacer celui de la propagande des médias occidentaux ?

 Faut-il suivre l’exemple de Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères français, qui courrait les plateaux de télévision pour dire aux journalistes qu’il ne fallait plus écrire « islamiste » mais « djihadistes » Et dès le lendemain, dans un même mouvement d’ensemble, les journalistes écrivent, comme sous la dictée, « djihadistes » ! Indigence ou impuissance ? Les journalistes ne peuvent-ils pas choisir, en conscience, le mot juste et clair et le poser sur les auteurs des faits et des actes? Ce qu’ils appellent « guerre civile » n’est-elle pas une guerre de conquête menée par l’Arabie wahhabite et Qatar?   C’est connu, les journalistes n’ont pas besoin de plus de 300 mots pour écrire leurs articles. Mais, sans leur faire injure, le mot « mercenaire » ne devrait pas leur être étranger. Est-ce un gros mot ? Pourtant, posé sur la chose qu’il désigne, il jetterait une lumière nouvelle sur les événements qui agitent depuis trente ans, l’Afghanistan, le  Mali, le Centre Afrique, la Tchétchénie, l’Algérie, la Tunisie, l’Irak, la Lybie, l’Egypte, le Maroc, le Pakistan. Il rendrait transparent le projet de l’Arabie saoudite d’établir un Etat islamique où sévirait la Charia wahhabite et qui s’étendraient du Maroc à l’Indonésie et de la Tchétchénie au Sénégal.

 « On nous appelés fellaghas » titrait son livre le commandant Azzedine. Rien n’est plus instructif que les mots dans la bouche de l’autre pour révéler l’image que tu représentes à ses yeux et deviner le sort qui t’est promis. « Fellaghas » (Coupeurs de routes) est le mot que la France coloniale donnait aux combattants de l’Armée de Libération Nationale qui allaient provoquer l’effondrement de l’empire français en Afrique. « Viêt-Cong » était le nom péjoratif donné au Front National de Libération du sud-Vietnam qui de 1960 à 1975 allait mener la lutte, chasser l’armée américaine et réaliser l’indépendance totale du pays. Le journaliste de la chaîne 3 remplaçait alors « Viêt-Cong » par « combattants du Front National de Libération du Vietnam» sans attendre d’un ministre qu’il lui fasse une leçon de vocabulaire.

Pour tous les peuples, en Afrique et Asie, luttant pour leur indépendance, le terme « rebelle » était généralement le plus communément utilisé par les centrales comme l’Agence France-Presse, l’américaine Associated Press et la britannique Reuter auxquelles sont abonnés des milliers de journaux, radios et télévisions dans le monde. Ces agences généralistes qui en principe sont « chargées de collecter, vérifier, recouper et diffuser l'information, sous une forme neutre, fiable, et utilisable directement par les autres médias »comme elles le prétendent, agissent en vrai comme de simples officines de propagande dont les pratiques peu avouables sont bien éloignées des règles et de l’éthique du journalisme. Que faut-il au journaliste pour corriger les termes de propagande qui polluent les dépêches des agences occidentales qui disent « Gaza » au lieu de Palestine, « Hamas » au lieu des combattants palestiniens, « victimes collatérales » au lieu de crimes contre l’humanité… Que faut-il, un lexique ou une culture politique ?

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