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Billet de blog 16 septembre 2014

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LE BATEAU DE LA MECQUE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Abdenour Dzanouni

1914. Cette photo a un siècle. Au port d'Alger, les pèlerins embarquent sur le bateau pour la Mecque. Une question fait alors polémique : Est-ce que le pèlerinage par bateau yadjouz (1) ? Est-il  admissible, au titre des obligations religieuses ? Ne faut-il pas plutôt y aller à pieds ou à dos de monture pour être meilleur à la face de Dieu ?

 Les uns soutenaient qu’il y avait plus de mérite à y aller à pieds car l’effort des pèlerins témoignait de la force de leur foi. Ils ajoutaient que les rencontres et les échanges qu’ils faisaient  grâce à l’hospitalité accordée, sur le chemin de la Mecque, par les serviteurs de Dieu, étaient bénéfiques.  Elles instruisaient le pèlerin et son hôte par la reconnaissance des signes d’identité et la découverte des particularismes des communautés.

Les autres, sans réfuter tous les arguments des partisans du pèlerinage pédestre, doute que la marche à pieds, avec son lot de cloques et d’œil de perdrix, soit préférable tant la dévotion ne peut être confondue avec la souffrance. Ils disent avec une certaine pertinence que Dieu en leur donnant des pieds, leur a recommandé d’en prendre soin. Il est en effet plus confortable pour le pèlerin d’aller à la Mecque à dos d’âne ou de mule, à cette réserve près que ces créatures de Dieu partagent le mérite du pèlerinage avec le pèlerin. Soyons justes, ces créatures ne méritent-elles pas, à la face de Dieu, le titre de Hadj et de Hadja ?   

Ah, Dieu de la création, que d’injustices commises par des pèlerins, orgueilleux et ingrats, envers tes créatures humbles et dociles. Aujourd’hui, ces bêtes ont fini de souffrir du pèlerinage à la Mecque. Restent les hommes qui vont, le fardeau de leurs fautes sur leur épaule effondrée, laver leur conscience sombre des pêchés véniels accumulés toute une vie. Ils y vont par avion et sont en quelques heures dans leur chambre d’hôtel cinq étoiles là où leurs aïeux mettaient plusieurs semaines ou plusieurs mois, dormant souvent à la belle étoile, pour conquérir l’auréole de Hadj(2). Est-ce que le pèlerinage par avion yadjouz ?  La question ne se pose pas.

De Tanger à la Mecque, le pèlerin qui voudrait y aller à pieds, sur une monture, ou même en voiture, risque de rencontrer des « serviteurs de Dieu » d’un nouveau genre : des égorgeurs au service de l’émir du Qatar et du roi Abdallah el Saoud. Ces mercenaires, anticipant le sacrifice du mouton, t’égorgeront au nom d’Allah, en tournant ta face vers la Mecque.  Ils l’ont fait avec des centaines de milliers d’algériens, irakiens, syriens, égyptiens, tchétchènes, afghans, tunisiens, marocains, maliens, libyens… Pourquoi pas toi ? Toi qui va donner ton argent au roi Abdallah el Saoud qui a fait assassiner les meilleurs fils et filles de ton pays !  Es-tu sûr que ton pèlerinage yadjouz, ya Si el Hadj  ?    

AD

(1) Yadjouz: admis, licite, hallal... ici appliqué au pèlerinage.  

(2) Si el Hadj: titre du pèlerin de retour de la Mecque.

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