
Agrandissement : Illustration 1

Chère Margarita,
Né marseillais, dans les quartiers qui portent mon nom : Abdel Nord, j’ai entendu dire que vous vouliez vendre mon club : l’Olympique de Marseille. Alors, ne cherchez plus, j’achète ! Vous n’êtes pas intéressée par l’argent, Margarita ? Ca tombe bien, moi non plus ! Vous cherchez quelqu’un qui veut investir sur le long terme? J’investirai tout mon cœur dans l’affaire ! Plus qu’un projet, j’ai une vision pour mon club.
Nul besoin de vous convaincre davantage : collez l’oreille à un coquillage de la plage des Catalans, vous écouterez mon cœur battre: « Allez-l’OM ! Allez-l’OM ! ». Je ne suis pas chauvin madame… je suis pire. Mon sang est l’écume blanche des vagues qui lèchent les rochers des calanques et qui, sans cesse, partent et repartent à l’assaut du ciel bleu de Marseille… Qui dit mieux ?
N’allez pas vous laisser séduire par les nouveaux riches chinois qui ont réussi leur grand bond en avant en expropriant les travailleurs chinois de leur travail ! Aussi vrai qu’on est passé du socialisme au capitalisme, sans transition, en détournant le sang et la sueur du peuple au profit de quelques mandarins, Marseille serait-elle pour vous une parcelle de vignoble bordelais qu’on vendrait à l’encan au nez des marseillais ?
N’allez pas céder l’OM à ces nouveaux russes blancs et moujiks de paille qui, sans rougir, sous le portrait de Lénine et le soleil de Cannes, financent Monaco ! Passe pour l’imposture, mais la faute de goût ? Que les bolchéviks, recyclés en pirates de la finance, planquent leur butin dans l’Ile de Sakhaline si chère à Tchékhov plutôt qu’au rocher des Grimaldi ! Personne n’ira si loin leur chercher querelle, les menacer de bloquer leurs avoirs et les détrousser ! Passe ton chemin moujik et vas t’occuper de ton football !
L’Olympique de Marseille deviendrait-il le terrain de jeu des Fonds de pensions de retraites américains ? Ces caïmans, analphabètes es-football, veulent acheter tout en gros puis tout vendre au détail : vendre les joueurs, le staff technique , le centre de formation, la pelouse par morceau, le vélodrome, parpaing par parpaing, et, enfin, les supporters marseillais orphelins de leur club et endettés pour la vie, seront loués au PSG et acheminés par huissiers au Parc des princes, pour chanter « Paris est magique ». Avec, peuchère, l’accent marseillais !
Pendant ce temps à Marseille, l’ancien gardien du stade et unique survivant du club, fera visiter les ruines silencieuses du vélodrome à un groupe de vieux touristes japonais. Évoquant l’épopée de l’OM, la voix éraillée et les yeux embués, il racontera les prodiges d’une gloire oubliée : « … Imaginez la course, la balle au pied, le dribble sorcier, la passe lumineuse, la reprise de volée, le but et la clameur qui s’élève des gradins et remplit le stade ! » Et les touristes nippons, sans imagination, prendront les photos muettes de restes de gradins et d'une poignée de mauvaise herbe de ce qui fut la pelouse splendide du stade.
Vous avez, Margarita, le chic de pencher gracieusement la tête, semblant me prêter une oreille attentive, et dans le même temps vous avez ce regard au loin où brille une lueur amusée. Avec vous, comme disent les français, on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon. C’est énervant ! Je crains pour l’OM que vous ne songiez à le vendre à un vulgaire baril de pétrole enturbanné ? Attention, Marseille n’est pas Paris qui ne peut, la bouche pleine, dénoncer celui-là qui a armé et financé les assassins de ses enfants. L’OM n’est pas rendu à cette déchéance de servir de feuille de vigne à des émirs et sultans dont la soudaine richesse à réveillé la nostalgie d’empire et les instincts meurtriers. Protégez-nous, Bonne mère !
Certes vous n’y êtes pour rien, Margarita, alors n’y soyez pas pour quelque chose. Si d’en avoir hérité vous disculpe, n’allez pas fourvoyer le club dans une aventure improbable qui portera à jamais votre griffe! La question du problème, dirait le vénérable journaliste Saoudi Abdelaziz, est simple lorsqu’elle procède d’une vision claire. Mobilisons les marseillais partout dans le monde pour sauver Marseille. Clamons à l’envie : « C’est nous l’OM ! » Et chiche ! Prenons la parole ! instaurons le débat ! Proposons les remèdes et mettons-les en œuvres !
Enfin, tout ce que les politiques en responsabilité ne font pas, occupés qu’ils sont à proclamer des fatwas pour libéraliser le marché du cannabis. Des députés, comme Jean-Marie le Guen, en font la promotion à la télé, assurés qu'ils sont de l’impunité attachée à leur fonction, . Jean Claude Gaudin, lui-même, maire de Marseille, revendique sans vergogne la paternité de l’idée mirifique de faire de l’Etat un pourvoyeur de drogue, sans se soucier de la Loi Evin contre le tabac qu’il a pourtant votée. Il est vrai qu’une jeunesse anesthésiée, réduite à un sac de jute vide et poisseux, jetée dans un coin sombre de la cité, sous un lampadaire sans lumière, n’a pas l’énergie de s’intéresser à son avenir et à sa ville. Et ça arrange le Guen, Gaudin et bien d’autres dealers de soporifiques frelatés au henné.
Au sortir de la cité, au premier carrefour, le jeune découvre les plaques de signalisation indiquant quatre directions : La Cité d’où il vient, le Chômage, la Prison et le Cimetière. Des députés-maires, à défaut de tenir leurs engagements électoraux à donner vie à la ville, proposent le cannabis pour embrumer les jeunes et les endormir. Ce cynisme fielleux me révoltera toujours ! Pas vous Margarita ? N’avez-vous pas rêvé, et seulement rêver, de remplacer, au carrefour de la jeunesse, ces plaques de signalisation, par : Avenue de la Formation, Boulevard de l’Emploi, Cité du bonheur ? Quand à l'Allée du Cimetière, faute d’y échapper, ça peut attendre encore, ne pressons pas le pas !
Pendant ce temps, « Nous, l’OM », que faisons-nous, sous nos couleurs, pour développer le sport dans les quartiers et les écoles et protéger les enfants et les jeunes du tabac, de l’alcool et de la drogue ? Que faisons-nous pour empêcher la dérive des gamins vers le crime ? En 1920, les premiers supporters de l'OM ont, de leur poche, financé l’aménagement du stade de l'Huveaune? Près d'un siècle plus tard, pouvons-nous mieux faire que tenir une billetterie sur internet et enlever le pain de la bouche des guichetiers?
Sauf l'honneur, que font Zinédine Zidane, Basile Boli, Samir Nasri, Lassana Diara, Hatem Benarfa, Didier Deschamps, André-Pierre Gignac… et j’en oublie, pour Marseille qui les a vu, les uns naître, les autres jouer et les a tous, à bout de bras, portés aux nues? Ne pourraient-ils pas se réunir en aparté, eux et d’autres gloires, pour faire un examen, non pas de conscience, mais de la situation dramatique de Marseille, ville et club confondus ?
Margarita Louis-Dreyfus, vous avez raison, ce n’est pas une question d’argent même si vous y pensez un peu quand vous l’évoquez. Il s’agit surtout de réfléchir et de mettre en œuvres une politique du club et de la ville, une politique protégeant ses enfants, une politique favorisant le talent et le dévouement, une politique pour une cité du bonheur : Marseille !
Abdenour DZANOUNI