Abdenour DZANOUNI

Julie Gaillet apprenant sa nomination aux Césars pour le meilleur second rôle.
Fi de la réputation, bonne ou mauvaise, madame ! Vous rêviez de gloire ? c’est fait, vous êtes célèbre dans le monde entier. Où que vous alliez, vous n’aurez plus besoin de vous présenter. Vous serez désormais accueillie à bras ouverts aux festivals et réceptions du show-biz, suivie d’un essaim de photographes dont vous serez la légende. Que d’inconnus vous colleront pour être dans la photo et mériter une gloire qu’ils n’auraient jamais eu autrement. Les journalistes s’arracheront, comme des chiffonniers, vos interviews sur le statut précaire des intermittents du spectacle et votre prochain film : « Ces femmes qui nous gouvernent ». Les nouveaux milliardaires, suivant l’exemple du prince Albert de Monaco et d’Onassis, en quête de reconnaissance de leur rang ou de leur réussite financière, vous offriront leur bras et leur fortune, pour partager votre célébrité.
Vous choisirez selon votre cœur, c’est fatal ! Méditez toutefois l’histoire de ce magnifique rossignol, appelé La Callas, qu’Onassis acheta pour l’enfermer dans une cage en or. L’oiseau en perdit la voix. Quel gâchis ! Et quand La Callas a refusé de faire la potiche chez ces pauvres milliardaires, Onassis la répudia. Il récidiva avec Jackie Kennedy, sans plus de succès que quelques couvertures de magazines éphémères achetées à grands frais. Vanité, tout est vanité ! La presse est le tonneau des Danaïdes des vanités. Pour cela, tous les « Closer » de la planète rapporteront les émois du pauvre petit cœur en peine et tiendront chaque semaine l’humanité en haleine, suspendue à vos lèvres... « Quel sera le prochain élu ? » Je vous laisse imaginer. Quand d’autres vont, cahin-caha, en route pour la gloire. Vous y êtes déjà !
Est-ce pour fuir ce miroir aux alouettes que Greta Garbo a fui l’œil des Leica et des caméras? Les mufles de photographes racontent qu’elle cachait ses rides. Vous, vous leur avait intenté un procès. C’etait la meilleure manière d’avoir la meute au tribunal et de passer de la rubrique des spectacles à la rubrique judiciaire, escortée de chiens efflanqués et pelés. À l'avenir, si vous voulez garder la haute main sur votre image, demandez à Alain Delon, il est de bon conseil.
Laissez-moi vous prévenir contre ces journalistes eunuques, usant de leur feuille de chou comme d’un cache-sexe pour faire croire qu’ils en ont, et qui voudraient légitimer votre noble amour par une longue lignée d’ancêtres socialistes. Vos aïeux seraient tous compagnons et compagnes de Saint Simon, Auguste Blanqui et Jean Jaurès. Quels imbéciles, ces larbins égarés, au cœur froid et machinal, ignorent l’amour qu’ils rabaissent à une idéologie sanguine au ressac redoutable… Votre talent et votre charme suffisent à votre gloire d’être aimée par le plus grand nombre. Que de personnages féminins, auxquels vous avez offert votre corps et votre âme, vous doivent d’être à l’écran. Et vos aïeux se suffisent de leurs mérites pour ne pas convoiter les vôtres.
Tenez ferme aux principes, madame Julie. L’Amour n’obéît à aucune loi sinon la sienne. N’allez surtout pas, comme dans la remise des trophées du cinéma, vous répandre en « Merci Mamy, Merci Papy ! ». Cette humilité, sincère ou affectée, serait d’un effet désastreux pour l’image de femme intelligente que tous vos fans vous reconnaissent. Certes, Tous ne savent pas que votre ascension fulgurante est le fruit d’un effort patient et laborieux où vous avez beaucoup donné de votre personne. Que ne faut-il sacrifié pour réaliser 70 films. Le succès, c’est 10% de talent et 90 % de transpiration, disait Jacques Brel qui mouillait la chemise.
Mais n’allez pas non plus dédier votre trophée à Michel Ferracci, le producteur corse, qui n’aurait peut-être pas souhaité une telle gloire posthume ! Le défunt aimait la discrétion. Maintenant que vous avez rejoint l’Histoire de France, dans la galerie des « Femmes qui nous gouvernent », faites des films, on mettra vos erreurs de casting sur le compte de vos nécessaires études des personnages de la république. Faites des films, ou ce que vous savez faire, on vous aimera davantage de ne pas nous ennuyer en vous encanaillant dans les bas-fonds du pouvoir.
AD