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Billet de blog 22 janvier 2014

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« ET LA CONSTITUTION, BORDEL ! »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Abdenour DZANOUNI 

Bienvenue,

Ce billet n’est pas soumis à commentaire ou discussion. Ce n’est ni une pétition, ni un forum. Si éventuellement, vous avez un avis sur la question posée ici, vous pouvez le faire connaitre par la messagerie. Merci.                                                                           ____________________________________________________________________________

«Oui, j’ai peur, mais j’aurai eu beaucoup plus peur si j’étais resté silencieux » (un calabrais face à la mafia)

Tout était verrouillé à la conférence de Presse de la mi-janvier 2013 à l'Elysée. Les questions déposées la veille, validées ou rejetées, les réponses préparées et apprises par cœur, la mise en scène organisée, dans les ors et la splendeur du décors, les français dans leur chaumière face à la télévision, le spectacle pouvait commencer…

Question: pourquoi convoquer cinq cents journalistes, puisqu’ils  n’ont pas tous le droit de poser des questions? Parmi ceux qui en ont le droit, certains ont même reçu la question qu’ils devaient poser, alors pourquoi déranger toute la presse ? Il paraît  que tout est «communication et spectacle». Mais que  fait-on de la crédibilité ? C'est bien le dernier capital à dilapider en politique comme dans la vie.

Passons! Un des heureux élus à poser une question, un journaliste de Radio « J », a accusé sans rire Dieudonné M’bala M’bala d’avoir supprimé de son spectacle les passages antisionistes  parce qu’au final les spectateurs pensaient, en cachette dans leur tête, à ces passages supprimés et riaient sous cape. Puis le journaliste a demandé, sans ciller « Quand allez-vous supprimer le spectacle de Dieudonné, le Théâtre de la Main d’Or et Dieudonné  d'internet... »  Ce n'était d'ailleurs pas tant une question, qu'une injonction à votre adresse, et vous ne vous en êtes pas formalisé autrement.

La circulaire Valls ne suffirait donc pas aux censeurs, elle qui tord allègrement le cou au principe de la liberté d’expression et rejoint le cortège des lois scélérates* comme la loi Gayssot. Elle viole les principes fondateurs de la république sur lesquelles repose la paix civile. Mais aussi elle transforme le gouvernement, ses préfets et maires, en officiers  de la censure des spectacles, de la presse, de l’opinion et des goûts esthétiques et littéraires. Elle met en péril les libertés en ouvrant la voie à l’adoption de lois d’exception à son exemple.

VOUS, PRESIDENT...

Dans votre réponse, vous président avez opiné du chef à chaque mot, et  félicité le représentant de Radio "J",  le ministre de l’intérieur, la ministre de la justice  pour leur rôle dans la battue  et vous êtes engagé à relancer la  chasse à courre de Dieudonné sur terre et sur Internet et de tous ceux qui soutiendraient le griot! Là, le souffle glacial de la terreur a balayé la salle des fêtes. Robespierre et Saint Just réunis  n’auraient pas produit plus terrible effet. Il y eût un bruit de papier froissé et de stylos rangés. Les journalistes français qui voulaient vous interroger sur l'avenir de la liberté d’expression dans le royaume de France ont eu une envie pressente et irrépressible à satisfaire. Ils ont fissa ravalé leur question de crainte d’être embarqués dans une charrette au sortir du Palais.

Vous président, si le journaliste de Radio « J » avait demandé le pouvoir pour le  Consistoire israélite d'exercer la censure, en France, de tout article, livre, dessin, peinture, spectacle, film, pièce de théâtre, recherche universitaire, information ou pensée qui évoquerait Israël et le sionisme, l’auriez-vous approuvé? Prudence, car dans la foulée des rabbins intégristes, les curés et les imams fondamentalistes pourraient, au nom de l’égalité de traitement, vous demander les mêmes pouvoirs de  censure pour ce qui touche à ce qu’ils estiment être leur domaine réservé.  Tout ce qui traiterait des religions et s’écarterait  des dogmes validés et des traditions présumées, serait soumis à leur visa, à leur « imprimatur » de triste mémoire pour qui savent.

Tout  pourrait être alors interdit par eux au prétexte qu’il troublerait l’ordre public ou  qu’il serait une atteinte à la dignité humaine. Dans les salles d’attente de ces juridictions d’exception, des responsables de presse, des directeurs de théâtre, des éditeurs de livres et de bandes dessinées, des chefs de département de recherches universitaires, des producteurs de films et d’autres encore, contrits et humiliés , soumettront leur œuvre pour obtenir le label « cascher », « hallal » ou « l’imprimatur »  du clergé.

Le blasphème redeviendrait l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête d’artistes, d’intellectuels et de citoyens libres penseurs.  Combien a-t-il fallu de siècles de luttes, jonchés de bûchers, pour que  la pénalisation du blasphème soit abandonnée en Europe ! «  Mais rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse… » Chantait Louis Aragon.

Pour qui l’ignore, il fut un temps où le métier de comédien, vouait son serviteur à être excommunié et  le condamnait , comme Molière, à être enterré de nuit , sans cérémonie, dans une fosse commune. « Il ne faut, sans doute pas,  dirait le marquis de Sade, aller si loin dans ces temps affreux de l’ignorance, où courbés sous les fers religieux, on punissait de mort celui qui voulait les apprécier, où les bûchers de l’inquisition devenaient le prix des talents. «

 Quelle actualité ! Sade connaissait la cruauté de la répression religieuse et politique, lui qui a enduré les épreuves terribles de vingt-sept années, aliéné dans les sombres geôles de la Bastille et de Vincennes et dans les asiles de fous de Bicêtre et de Charenton. Qu’aurait-il dit, lui le divin marquis , apprenant que le spectacle d’un clown de la république était interdit?  

« Quelle pitié ! De vos jours, des auteurs et des comédiens sont encore persécutés pour la haute idée qu’ils se font de la liberté et de leur art! Quelle pitié que ce silence imposé qui entoure l’arbitraire et le crime ! Hélas, les lettres de cachets des despotes et le fanatisme des censeurs séviront encore longtemps, et la peur et le silence aussi ! «

« Que d’œuvres ont ainsi péri dans les autodafés dressés au nom de la religion et de la  pensée de service. Pourtant à mesure que les esprits se corrompent, qu’une nation vieillit, en raison de ce que la nature est plus étudiée, mieux analysée, que les préjugés sont mieux détruits, il faut les faire connaître davantage. Cette loi est la même pour la comédie comme pour tous les arts.  Ce n’est qu’en avançant qu’ils se perfectionnent, ils n’arrivent au but que par des essais. Et c’est contre cette loi salutaire et vitale que s’exercent les freins pesants des forces d’inertie et de régression pour pétrifier la société et neutraliser ses talents. Ces politiques funestes ne s’embarrassent pas du respect des libertés, ni de la protection des arts pour imposer leur vision totalitaire et y soumettre les gens jusqu’à l’abrutissement, par la culpabilisation ou la terreur. «

Vous président, de quelle dignité et de quel ordre vous réclamez-vous?

Vous président, que ne demandez-vous à Israël et à l’Arabie saoudite de commencer à balayer devant leur porte, au nom de la dignité humaine dont vous semblez, vous et votre gouvernement, tellement préoccupés mais de manière si sélective.

Vous président, comment qualifiez-vous l’agression au quotidien du gouvernement d’Israël contre !es Palestiniens et les immigrés au mépris de leurs droits légitimes et des droits humains les plus élémentaires. ?

Vous président, que pensez du statut et de la condition de la femme et de l’émigré en Arabie saoudite ? Comment qualifiez-vous les agissements de cette monarchie théocratique qui recrute, arme et finance des mercenaires fanatisés pour agresser les peuples et les états arabes et africains. Vous président comment juger-vous les vendeurs d’armes à ces pays belliqueux?

Vous président, Quelle  estimation faites-vous de l'efficacité des bombes et des canons à instaurer la démocratie en Irak, en Lybie , en Syrie… ?

Vous président, avez brandi  le sabre, à vous offert par le sultan wahabi Abdallah de la lointaine Arabie et déclaré ouverte la chasse au comédien et auteur  français Dieudonné M’bala Mbala. 

C’est inédit qu’un souverain donne le haro et sonne la charge contre le bouffon ! Le drôle est dans son rôle. Et le président ne doit surtout pas lui voler la vedette. Pourquoi donc avez-vous lancé, à partir d’une capitale étrangère,  cet  appel à la curée d’un  auteur et comédien français, né à Fontenay-aux-roses en France, d'un parent français, époux d’une française et père d’enfants français ! Le sultan d’Arabie saoudite , a du apprécier ce gage, lui dont la principale contribution à l'histoire contemporaine est d'avoir fourni 17 sujets parmi les 19 terroristes impliqués dans l'attentat du 11 septembre 2001. Sa majesté n’a pas dû rire du sketch sur la "fine équipe du 11".

Que les sionistes dictent sa politique culturelle et l'écriture de son histoire à la France, c'est entendu et gravé dans le marbre depuis la loi Gayssot ! Que Dieudonné M'bala M'bala chasse sur les terres du " colon Jacob et du palestinien Mokhtar" et tourne en dérision l'épisode du Testament où Abraham  veut faire passer "Dieu" pour le directeur d'une agence foncière, suffit aux sionistes pour crier au sacrilège.

Pour les évangélistes, quel blasphème que "Judas l'Iscariote"  et la question est tranchée d'arracher à la tenaille la langue du clown. L'autre est posée aux trois intégrismes religieux: "Faut-il brûler, crucifier ou lapider Dieudonné M'bala M'bala?"

Mais que vous président,  livriez le bouffon de la république à un baril de pétrole coiffé d'un chèche, appelé Arabie saoudite,  juste pour pouvoir lui fourguer la quincaillerie de Dassault et Lagardère, laisse songeur. C'est une alerte inquiétante sur le degré de déliquescence des principes de la république, sur la confusion effarante des pouvoirs et sur le danger inédit de rire et de faire rire dans le royaume de France et de Qatar.

Revenons à ce prétexte  de « troubles à l’ordre public », alors que les seuls désordres visibles sont constatés lors des déplacements de votre ministre de l’intérieur. Que fait-il de son domaine souverain, lui qui affirme avec véhémence dans une vidéo sur internet : « Je suis éternellement lié à Israël par ma femme ! ». Et, la France ? Une passade? 

Passons ! Voyons, quels plus grands « désordres » a connu la France sinon lors de la révolution en 1789, la commune de Paris en 1871 et le mois de mai 1968 ?  Et le général de Gaulle, à qui on suggérait de mettre aux fers Jean-Paul Sartres pour que cessent les troubles, s’exclama : « On ne met pas Voltaire en Prison ! »

Devrions-nous crier : « Au secours de Gaulle, ils sont devenus fou ! ». Mais peu de chance que l’homme providentiel vienne sauver la France une troisième fois ! La France ne manque pourtant pas d’hommes libres et courageux et qui, pour la haute idée qu’ils se font de l’idéale républicain et de la France libre refusent que la « démocratie » soit le cheval de Troie de l’intégrisme saoudien, comme hier « la mission civilisatrice de l’occident » a été la tenue de camouflage des guerres de conquête et de rapine?

Pour mémoire, vous, président, avez fait répondre à un citoyen français qui avait remis à votre conseiller une cassette et une lettre dénonçant la possession d’un compte non-déclaré à l’étranger par Jérôme Cahuzac, que cela relevait de la justice à laquelle il n’avait qu’à s’adresser. Cela était l’attitude la plus conforme à vos engagements électoraux de ne pas vous substituer aux institutions et de respecter l’indépendance de la justice.  Combien vous honore le respect de cette règle, et de manière générale le respect du principe de séparation des pouvoirs notamment  le judiciaire de l’exécutif.

À vous président, nous n’apprendrons pas combien, le respect de ce principe est essentielle  pour garantir l’intégrité des institutions, l’égalité des citoyens devant la loi, et à terme la paix sociale. Tout ce qui n’est pas conforme à ce principe est la source de conflits et de désordres qui se manifestent à terme par la violence et la destruction des biens et des personnes. 

Vous président que n’avez-vous respecté le même principe immuable quand il s’est agi de Dieudonné M’bala M’bala ? 

Force est de constater : quand il s’agit d’exécuter les injonctions d’Israël et de l’Arabie saoudite, plus de principe républicain à respecter ! plus de contre pouvoir de l’opposition pour rappeler ce principe ! plus  d’engagement du candidat président qui tienne!

Face à cette dérive qui met en péril les lois de la république: Il est du devoir de ceux qui en connaissent les périls, aiment la justice et la paix, de relever la tête et de prendre la parole pour défendre sans merci:  

  1. La liberté d’expression
  2. L’indépendance des juges et de la justice
  3. La souveraineté et l’indépendance de la France  

Salam

  AD

*  Lois scélérates: le dictionnaire politique de Mustapha Lakhehal, publié en 2005 chez l'Harmatan, donne cette définition: " Les lois scélérates sont les lois qui présentent l'une des caractéristiques suivantes : recours à des procédures expéditives, répression disproportionnée par rapport aux actes commis, sanctions lourdes uniquement conçues pour dissuader un individu de commettre un acte proscrit". La circulaire Valls , tombe sous le sens.

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