Dans un premier temps, tu feuillettes le dictionnaire poussiéreux. Ta volonté de définir les mots agira comme une volupté fugace et rassurante. Tu t'arrêtes à la lettre C ; confetti, confiance, confiant-e, confidence, confident-e, confidentiel-le, confier, configuration, configurer, confiné-e ... confinement. Sans surprise, voilà le mot qui capte ton attention : confinement. Dans le Littré, il est écrit : "Action de confiner, de reléguer" mais aussi "Terme de droit criminel. La peine de l'isolement dans les prisons.".
Tu décides de reléguer au passé ton quotidien décevant et de faire des mots une tentative, celle d'une prison délicieuse.
Le deuxième jour du début du chaos, la pensée d'"enfermement libérateur" revient à ta mémoire. Elle ne t'appartient pas, pourtant tu l'as parfaitement éprouvée et comprise sans doute depuis ton plus jeune âge. Quand accepteras-tu de nous confier l'histoire de ton enfance lointaine et de ses découvertes ?
Ce soir, tu souhaites simplement dire à ton carnet-confident et à qui désire l'entendre que les mots, les phrases et les signes à l'intérieur des livres qui dorment dans nos espaces ont des messages magiques et prémonitoires à nous transmettre.
Nul besoin de tendre la main pour saisir "Lettera amorosa". Une présence invisible a déposé le recueil illustré sur ton chemin. René Char a accompagné tes mains jusqu'à la page 13. Sa voix chuchote cette chanson :
"Je n'ai plus de fièvre ce matin. Ma tête est de nouveau claire et vacante, posée comme un rocher sur un verger à ton image. Le vent, qui soufflait du Nord hier, fait tressaillir par endroits le flanc meurtri des arbres.
Je sens que ce pays te doit une émotivité moins défiante et des yeux autres que ceux à travers lesquels il considérait toutes choses auparavant. Tu es partie mais tu demeures dans l'inflexion des circonstances, puisque lui et moi avons mal. Pour te rassurer dans ma pensée, j'ai rompu avec les visiteurs éventuels, avec les besognes et la contradiction. Je me repose comme tu assures que je dois le faire. Je vais souvent à la montagne dormir.
C'est alors, en vérité, qu'avec l'aide d'une nature à présent favorable, je m'évade des échardes enfoncées dans ma chair, vieux accidents, âpres tournois.
Pourras-tu accepter contre toi un homme si haletant ?"
Avant minuit, tu consens à fermer le livre-messager. Repue d'oiseaux volants et de vertes avenues libres tu avances vers ton rêve quotidien.