Te dire Albertine que le chiffre des jours que l'on bouscule vaillamment se couche et se transforme dans sa chute ; il devient l'Infini qu'on désire. Bien plus que l'infini précédé du signe de l'addition des souffrances. Ton frisson parfumé de liberté, ton utilité évidente et ta beauté secrète habitent pour toujours toutes les saisons et les murs se souviennent de ta présence ici et là.
Dans les couloirs de la prison, tes pas résignés se sont transmués en une jolie aubade.
"Il y a des mois que j'écoute Les nuits et les minuits tomber Et les camions dérober La grande vitesse à la route Et grogner l'heureuse dormeuse Et manger la prison les vers Printemps étés automnes hivers Pour moi n'ont aucune berceuse Car je suis inutile et belle En ce lit où l'on n'est plus qu'un Lasse de ma peau sans parfum Que pâlit cette ombre cruelle La nuit crisse et froisse des choses Par le carreau que j'ai cassé Où s'engouffre l'air du passé Tourbillonnant en mille poses C'est le drap frais le dessin mièvre Léchant aux murs le reposoir C'est la voix maternelle un soir Où l'on criait parmi la fièvre Le grand jeu d'amant et maîtresse Fut bien pire que celui-là C'est lui pourtant qui reste là Car je suis nue et sans caresse Mais veux dormir ceci annule Les précédents Ah m'évader Dans les pavots ne plus compter Les pas de cellule en cellule"
Albertine Sarrazin
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