La poésie persiste en dépit de l'abandon, de la trahison et du dénuement. Elle reste l'unique pays sans patrie . Poète, tu as traversé ces contrées enchanteresses malgré la faim et le mauvais temps. Étrange et inaccessible poète, gardien constant du Beau et de l'étonnement inaltérable.
" - Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
- Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère. Tes amis ?
- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J’ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L’or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !"
Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869
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