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Billet de blog 26 janvier 2015

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Le manteau de Spinoza

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C'est ainsi que les abus sont entrés dans l'Église, et qu'on a vu les derniers des hommes animés d'une prodigieuse ambition de s'emparer du sacerdoce, le zèle de la propagation de la foi se tourner en ambition et en avarice sordide, le temple devenir un théâtre où l'on entend non pas des docteurs ecclésiastiques, mais des orateurs dont aucun ne se soucie d'instruire le peuple, mais seulement de s'en faire admirer, de le captiver en s'écartant de la doctrine commune, de lui enseigner des nouveautés et des choses extraordinaires qui le frappent d'admiration. [...] Et quels préjugés, grand Dieu ? des préjugés qui changent les hommes d'êtres raisonnables en brutes, en leur ôtant le libre usage de leur jugement, le discernement du vrai et du faux, et qui semblent avoir été forgés tout exprès pour éteindre, pour étouffer le flambeau de la raison humaine. La piété, la religion, sont devenues un amas d'absurdes mystères, et il se trouve que ceux qui méprisent le plus la raison, qui rejettent, qui repoussent l'entendement humain comme corrompu dans sa nature, sont justement, chose prodigieuse, ceux qu'on croit éclairés par la lumière divine.

Baruch Spinoza. Traité théologico-politique. Préface.

Spinoza fut excommunié en 1656 à l'âge de vingt-quatre ans. En 1670, il fait paraître le Traité théologico-politique où il soutient que "la liberté de philosopher peut être accordée sans dommage pour la piété et la paix de la république, mais aussi qu'on ne peut l'ôter sans ôter en même temps la paix de la république et la piété".

Le manteau de Spinoza d'Ivan Segré reprend — pour mieux les démonter — les arguments du herem prononcé contre Spinoza, arguments repris par ceux qui relaient la malédiction originaire lancée contre le philosophe. Segré en pratiquant l'art méconnu de l'exégèse hébraïque rétablit Spinoza dans sa pleine modernité. Il rend hommage à l'homme qui reprenant les concepts des théologies juive, chrétienne et arabe les a réellement pensés. Car si la théologie a toujours et profondément senti l'infinité de Dieu en s'efforçant d'imaginer sa puissance, sa volonté, son entendement, elle ne les a pas conçus. Segré en s'attachant à concevoir à partir de la théologie fait oeuvre de résistance première, fondamentale à toute éthique : la compréhension. Celle-là même qui a fait dire à Spinoza Deus sive Natura : Dieu, autrement dit la Nature.

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