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Billet de blog 24 juillet 2011

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L'écosophie, remède à l'écocitoyenneté.

 En 1989, dans Les trois écologies, Félix Guattari défendait sous le terme « écosophie » une approche écologique qui articulerait les questions environnementales aux questions mentales et sociales. On réduit trop souvent, à tort, l'écologie à la défense de l'environnement, à la protection d'une nature mise à mal par la société industrielle.

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En 1989, dans Les trois écologies, Félix Guattari défendait sous le terme « écosophie » une approche écologique qui articulerait les questions environnementales aux questions mentales et sociales. On réduit trop souvent, à tort, l'écologie à la défense de l'environnement, à la protection d'une nature mise à mal par la société industrielle.

L'auto-désignation du parti écolo dominant par l'adjectif « vert » alimente en partie cette confusion. Cette réduction laisse à penser que les problèmes environnementaux ne trouvent une solution que dans une succession de mesures, de "petites gestes", pour sauver la planète : tri sélectif, énergies renouvelables, utilisation de matériaux de construction recyclables, etc.

« Bien qu'ayant récemment amorcé une prise de conscience partielle des dangers les plus voyants qui menacent l'environnement naturel de nos sociétés, elles se contentent généralement d'aborder le domaine des nuisances industrielles et, cela, uniquement dans une perspective technocratique, alors que, seule une articulation éthico-politique - que je nomme écosophie - entre les trois registres écologiques, celui de l'environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine, serait susceptible d'éclairer convenablement ces questions. » (p.12-13)

L'écocitoyen est la figure par excellence de cette approche « technocratique » des problèmes écologiques. Le réchauffement climatique et le pic pétrolier n'ont plus de secrets pour lui. Il peut, chiffres à l'appui, délimiter avec précision les contours de la catastrophe à venir. Un seul mot d'ordre : réduire à tout prix son empreinte écologique. Chacun doit s'y mettre, si nous voulons éviter le pire. Il est prêt d'ailleurs à se faire notre mauvaise conscience, si la nôtre fait par hasard défaut. On en trouve une belle illustration critique dans L'écologie en bas de chez moi de Iegor Gran (P.O.L, 2011) : « Soyons honnêtes, je n'ai pas été pris au dépourvu, pas entièrement. Depuis quelques années j'avais remarqué la pandémie, l'encombrement de vélos en bas de chez moi, les poubelles de tri sélectif et leurs mollahs, la dame du 3, escalier C, et le généraliste crétin, toujours aux avant-postes de la surveillance, du contrôle, et bientôt, de la rééducation forcée des récalcitrants - nous y viendrons. »

L'écocitoyen envisage les problèmes écologiques et leurs solutions dans la forme de pensée qui en est à l'origine. Sa démarche est donc perdue d'avance. Il sépare les trois domaines que Guattari entendait relier. Eléments de démonstration. Il se rend bien compte que notre mode de vie a des effets néfastes sur l'environnement. Il va donc chercher à modifier son comportement individuel, comme l'Etat et les associations l'invitent à le faire. Il ressaisit majoritairement ces injonctions sur un plan individuel, alors même que les problèmes sont directement reliés à une structure sociopolitique. Le choix de l'énergie nucléaire est par exemple étroitement dépendant d'une forme de pouvoir oligarchique. Une caste de potentats décide, au nom de tous, des modes de production énergétique qui engagent la communauté. Le problème « environnemental » des déchets nucléaires est ainsi relié à un problème institutionnel : nous vivons dans une société où les choix qui engagent l'avenir ne sont pas pris par les populations elles-mêmes. Cela n'est possible que parce qu'il nous semble légitime que des « experts » politiques décident de ces questions à notre place. On retrouve ici un problème d'écologie mentale: on pense majoritairement que la politique est une affaire d'experts et que notre investissement se réduit au vote et à la contestation.

Tant que l'écologie se résumera à sa dimension environnementale, elle ne sera qu'un cache-misère. Elle revalidera le système politique et les représentations subjectives à l'origine des problèmes qu'elle prétend combattre.

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