"Educate, Agitate, Organize". "Eduquer, Agiter, Organiser" Ce slogan sous forme de triptyque est né au cœur des International Workers of the World, organisation syndicaliste révolutionnaire Nord Américaine.
Il porte en lui une triple nécessité :
- Éduquer : celle de la prise de conscience de la réalité matérielle qui nous entoure, des rapports de forces sociaux, et notamment de classe, qui structurent notre société, par l'éducation populaire, dans une perspective de conscientisation.
- Agiter, c'est à dire déclencher l'action collective, créer du collectif là où l'ordre social dominant voudrait ne voir en nous que des électrons libres, facile à canaliser et disperser
- Organiser, c'est à dire inscrire dans la durée cette action collective, en permettant l'accumulation des forces, une solidarité qui dépasse le ponctuel
Prisonniers et prisonnières de l'urgence
La situation politique actuelle, avec l'extrême droite aux portes du pouvoir, nous fait ressentir une nouvelle fois, et cruellement, un sentiment d'urgence. Celui de la nécessité d'échapper au piège mortel qui nous est tendu collectivement. De ce sentiment d'urgence, ancré dans le réel de la menace fasciste, nait une envie d'action : agir pour éviter le pire. Cette envie est saine. Mais si cela nous réchauffe assurément dans une période glaciale nous agiter dans tous les sens entre convaincus, sans nous donner les moyens d'AGITER dans la durée le collectif ne peut que nous conduire à l'inefficacité collective et à l'impuissance face à la catastrophe qui vient. Car paradoxalement, ce dont nous avons besoin, dans l'urgence, c'est certes d'aller porter une parole collective non seulement aux convaincu.es mais surtout à toutes celles et tous ceux qui ne le sont pas ou plus, pour les convaincre qu'un autre chemin est possible que celui du racisme et de la régression sociale. Ce dont nous avons besoin aussi et essentiellement, c'est de nous organiser plus sérieusement, et dans la durée, pour faire face à la situation politique et sociale, et renverser le cours des choses.
Le désir d'unité qui est né de le prise de conscience de l'urgence liés à une extrême droite aux portes du pouvoir pose la question de l'unification des contre-pouvoirs, au premier rangs desquels les organisations syndicales. Mais cette unification doit être l'occasion de repenser la structure de ces contrepouvoirs pour les rendre plus efficace et surtout résiliant face aux bouleversements qui s'annoncent, notamment les attaques sur les droits syndicaux et les libertés syndicales : en privilégiant les syndicats de branche à la dispersion du modèle "1 syndicat/1 entreprise". En renforçant les unions locales et en redéfinissant de manière fonctionnelle les champs fédéraux pour en faire des outils d'organisation de la lutte efficaces sous toute une filière de production. Une telle réflexion n'a rien de baroque ni d'innovant : c'est la structuration historique du syndicalisme révolutionnaire, qui a débouché sur la conquête des conventions collectives, et sur celle des congés payés par une organisation efficace de la grève de masse avec occupation en 1936.
La question de l'outil est essentielle : de la même manière qu'il serait vain de dire "il faut construire une digue solide" contre la marée montante sans penser aux outils, savoir-faire, plan, matériaux adéquats, penser la victoire face au fascisme qui s'annonce et à la régression sociale qu'on veut par ailleurs nous imposer suppose non seulement de penser aux outils, stratégies, tactiques de luttes mais aussi au travail organisationnel qui leur permet concrètement advenir. Il ne suffit pas de désirer, la généralisation de la grève même si c'est une condition nécessaire, il faut s'en donner les moyens en renforçant les outils qui nous permettent de la construire. C'est une tâche difficile, fastidieuse, qui semble trop longue et lointaine face à l'urgence du moment. Pourtant, si nous voulons un jour reprendre sérieusement l'initiative, nous devons nous y atteler en même temps que nous nous attelons à faire face à la menace immédiate.
Cet outil doit nous permettre de former pour transformer : dans la guerre idéologique qui fait rage, on ne (re)construit pas un édifice solide sans penser d'abord à la solidité de ses fondation. A trop avoir négligé cet aspect, nous nous retrouvons aujourd'hui à voir des pans entiers de nos espaces de sociabilité et de solidarité influencés par l'idéologie de nos adversaires, qui a su s'ériger comme une nouvelle norme à travers un travail métapolitique visant à installer une hégémonie culturelle autour de leurs thématiques et leur vision du monde.