La déclaration du FMI sur laFrance en date du 15 juin est édifiante. Le FMI, nous dira-t-on, prend particulièrement garde à ce que ses membresn’interfèrent en aucune manière avec les enjeux de politique intérieure de leur pays respectifs. Or, il n’auraéchappé à personne que Dominique Strauss-Kahn assure la direction du FMI - grâce à Nicolas Sarkozy,soit dit en passant ! Le satisfecit décerné à la politique de NicolasSarkozy est patent, notamment en matière de retraites, bien que ce texteait été publié juste avant l’annonce officiellepar Eric Woerth du contenu de la réforme projetée. Le texte est aussiparticulièrement habile en ce sens où il parvient à s’insérer dans le débat ouvert par Ségolène royalà propos de l’organisation d’un référendum sur ce thème.
I) LE FMI félicite en faitN. Sarkozy pour ses « efforts » et plébiscite sa politique
A) Il salue les mesures de rigueur budgétaire du gouvernement
- évoque la nécessité de « limiterla hausse disproportionnée des dépenses des collectivités territoriales »[1]
- à ce propos, parmi lesréformes « bienvenues »: la réforme récente de la taxeprofessionnelle, ainsi que le geldes transferts en valeur nominale de l’État vers les collectivitésterritoriales sur la période 2011-2013 qui favoriserait les gains d’efficacité ! [2]
- applaudit le non-remplacement d’un fonctionnaire surdeux , le gel des dépenses publiques (sous couvert de « maîtrise » des dépenses sociales) [3]
- poursuit la culpabilisationdes chômeurs : « Les mesures destinées à augmenter les incitations àtravailler, telle que la mise en œuvre effective d’exigences en matière derecherche d'emploi, doivent être poursuivies » (point 20) .
- applaudit la volontéd’inscrire dans la constitution une règle budgétaire contraignante (point 10)[4]et l’interdiction de nouvelles dépenses fiscales (point 7) - ce qui revient àligoter le futur Président élu en 2012 et vouloir garantir la poursuite de lapolitique de N. Sarkozy ; car enfin, si évidemment, il nous faut parvenirà maîtriser la dette publique, la possibilité d’un déficit dit« keynésien » ne doit pas nous être ôtée !
B) Il avalise l’esprit mêmede la réforme des retraites et lerelèvement de l’âge légal
Selonle FMI, « la réforme desretraites et du système de santé doivent constituer la pierre angulaire dela stratégie budgétaire de moyen terme. … Le gouvernement accorde donc à juste titre une attention particulièreà une réforme des retraites visant à repousser l’âge effectif de départ à laretraite, des mesures concrètes devantêtre dévoilées sous peu » (point 8). « Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, inclus dans la réforme des retraitesannoncée, constitue un facteur décisifde l’accroissement du taux d’emploi des seniors » (point 20) .
Mieuxencore : « il convient toutefois de résister aux pressions qui conduiraient à ne pas corriger les déséquilibresfondamentaux et à s’appuyer démesurément sur des mesures d’accroissementdes recettes »(point 8).
Apparaîtici en creux la crainte de voir examiner le volet « recettes » et … de faire cotiser le capital ! Nous sommes bien loin de lavolonté de Ségolène Royal , rejointe en cela par le reste du PS : outre le maintien de l’âge légal de possible départ, prendre en compte tous les paramètres, faire cotiser lecapital et non pas seulement letravail
II) Pour les retraites : sous le couvert d’appeler lui aussi à un référendum, les jeux politiciens
A) Le fond du message : que le gouvernement « résisteaux pressions » !
Alors que le PS et lessyndicats s’opposent fortement auprojet de réforme des retraites, le FMI appelle le gouvernement à ne pas céderaux revendications (aux « pressions » ou oppositions de toute sorte,si j’ai bien compris ! ) . Or, Martine Aubry a déclaré très clairementêtre sur la même ligne que DSK,notamment sur France Inter. Comment peut-elle dès lors diriger ce mouvementd’opposition de la gauche ?
Rappelonsque le 17 janvier 2010 , Martine Aubry déclarait penser « qu'on doit aller, qu'on va allertrès certainement vers 61 ou 62 ans.». Michel Rocard, lui même« catastrophé » en 1982, devait acquiescer : « Mon amie et camarade Martine Aubry a euraison, il lui a fallu du courage ». L’ ajustement auquel elle aura ensuite procédé sous la pression, semble bien plus un ajustementstratégique que de conviction.Il estvrai que le FMI s’y connaît en matière d’ajustement !!!
N’a-t-on pasles deux versions d’un même discours : Recadrée par Laurent Fabius, MartineAubry s’attache désormais à défendre – à usage de politique intérieure – laretraite à 60 ans, tandis qu’à l’extérieur DSK professe un tout autre aspectdes choses ? Martine Aubry tient-elle les fers au chaud, pour mieux ferrer l’électeur en 2012, tandis que soitDSK, soit elle-même, une fois parvenus au pouvoir en 2012 ne reviendraient finalement pas sur l’abandon de la retraite à 60 ans, arguant pour l’un l’avoir pressenti, pour l’autreque les conditions ont changé etque sa première intuition était la bonne ? Ah , la belle tactique !Pourquoi donc Martine Aubry, conseillée par Laurent Fabius, fait-elle rejouer au PS cette partition du discours degauche dans l’opposition et de la dérive libérale une fois revenu auxaffaires ? Les citoyens n’enveulent plus.
B) L’habillage :le ralliement de DSK à unréférendum ?
La suite logique dece discours est de parvenir cependant àfaire croire au citoyen que l’on prend en compte sa parole. Ainsi le FMI note-t-il dans ladéclaration datée du 15 juin 2010 :
« Ilest important qu’une consultation publique ait lieu sur une telle réformedécisive » (point 8, toujours).
Ah,la bonne idée que voilà, défendue précisément par ….SégolèneRoyal (et par Jean-Luc Mélenchon). Maisil est clair qu’est ici attendue par le FMI une réponse positive des électeursà la réforme projetée par NicolasSarkozy !
Encoreune fois du « ségolénisme sans Ségolène » ? ou une idée deSégolène Royal devenant peu à peu « patrimoine commun du PS » ?(selon les termes de Jean-Louis Bianco - cf. http://www.lepost.fr/perso/tefy-andriamanana/)… Ou alors: comment s’engouffrer dans la brèche … sans s’y engager réellement oubien encore sans reconnaître aucune antériorité de la démarche ou du moins originalité de celle-ci ?
La crainte desmembres du PS de voir Ségolène Royal porter une idée qui ne serait pas la leuret qui la placerait plus encore en position de porte-parole ou porte-drapeau (républicain, bien sûr ! ) des catégories populaires est insupportable àbeaucoup d’éléphants solférinesques, caciques soudain épouvantés !
La voie choisie par Ségolène Royal :défendre le peuple, donner la parole aux citoyens, être la voix des sans-voix... marque autant sonancrage à gauche sur le fond que sa volonté d'un nouveau fonctionnementpolitique. Elle inaugure tant unenouvelle ère politique que toutes les stratégies sont bonnes à son encontre : d’abord la taxer d’anti-parlementarismeou de démagogie puis lui emboîterle pas ! (cf. ici même Pour un-referendum-sur-les-retraites, avec-segolene-royal-et-une-gauche-enfin-citoyenne)
En bref, ici,pour DSK : vouloir lui aussi ce lien avec le peuple qu’il n’a pas, marquer lui aussi son intérêtpour la parole citoyenne, couperl’herbe sous le pied de Ségolène Royal … Mais surtout : que le peuple votedans le sens qui lui aura été assigné : faire d’une pierre deux coups, enquelque sorte !
SOURCES :
- France : Consultations de 2010 autitre de l’article IV - Conclusions de la mission du FMI, 15 juin 2010,disponible sur : http://www.imf.org/external/french/np/ms/2010/061510f.htm
- Contespublics Just another Blog.lemonde.fr weblog : Pour le FMI, la Francepourrait sous-estimer les efforts de redressement
- [ 18/06/10 - 01H00 - Les Echos - actualisé à 00:35:53] : Les mesures d'économies vont dans le bon sens, selon le FMI
Ainsi, si (seul bémol) la Francepeut sous-estimer les efforts de redressement, selon le FMI, les mesures d'économies vont dans le bonsens !
[1]- dansle point 5 : « D’importantes réformes de long terme (en particulierconcernant les retraites et le système de santé), ne produiraient que deséconomies limitées dans l’immédiat, mais auront des effets positifs et significatifsen termes de crédibilité auprès des marchés financiers et sur la demandeintérieure. La stratégie budgétaire devra également veiller de façon adaptée àlimiter la hausse disproportionnée des dépenses des collectivitésterritoriales.
[2]- point 9 : Les efforts déjà mis en œuvre pourmaîtriser les dépenses des collectivités territoriales doivent être poursuivisavec détermination sur le moyen terme.L’accroissement des dépenses publiques avant la crise est attribuable pour unegrande part aux collectivités territoriales, dont la forte autonomie dedécision en matière de dépenses complique le processus de consolidation.Cependant, la réforme récente de la taxe professionnelle et les efforts pourrenforcer la transparence et l’obligation de rendre compte, y compris en liantles futures augmentations de la fiscalité locale des entreprises à cellesappliquées aux ménages, constituent des initiatives bienvenues. La réformeprévue en matière de consolidation budgétaire au niveau des collectivitésterritoriales pourrait contribuer à promouvoir un comportement plus responsableen matière budgétaire. Le gel des transferts en valeur nominale de l’État versles collectivités territoriales sur la période 2011-2013 favorisera les gainsd’efficacité, notamment en réduisant la taille de chacun des quatre niveauxd’administration locale et en limitant les doublons.
[3] - point 7 : La stratégie de consolidation budgétaire annoncée réunitun certain nombre d’éléments indispensables, mais la maîtrise des dépensessociales est cruciale.Les mesures de rigueur prises par les administrations centrales, notamment lapoursuite de la réduction des effectifs des fonctionnaires (avec le nonremplacement d’un départ à la retraite sur deux) et l’annonce récente des gelsdes dépenses publiques en valeur nominale, permettront de maîtriser la haussedes dépenses des administrations publiques. Pour réussir, la démarche deconsolidation doit inclure un contrôle renforcé des transferts de ressources del’État à la fois vers les administrations de sécurité sociale et vers lescollectivités territoriales. La proposition d’interdire l’introduction denouvelles dépenses fiscales et exonérations de cotisations de sécurité sociale(mesure appliquée de fait à compter de mi-2010 et destinée à être, inscrite parla suite dans la Constitution) constitue un progrès encourageant dansl’amélioration de la discipline budgétaire.
[4]- point 10 : « Les mesures plus ambitieuses envisagées à ce stade comprennentl’adoption d’une règle budgétaire: Cette mesure constituerait une réformesignificative, en particulier si elle était formulée en termes structurels envue de garantir la poursuite des efforts budgétaires après la sortie de crise.Afin d’être parfaitement crédible, cette règle devra être inscrite au plus hautniveau de la hiérarchie des normes. Elle doit surtout englober lesadministrations centrales et le système de sécurité sociale et prévoir undispositif efficace afin d’assurer un comportement responsable descollectivités territoriales. Une telle approche – déjà adoptée par d’autrespays européens – enverrait un signal important qui stimulerait la confiance.Pour qu’une règle budgétaire structurelle fonctionne correctement, les calculsde production potentielle devraient être préparés ou validés par une autoritéindépendante.