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Billet de blog 3 janvier 2023

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Démocratie interne dans un mouvement comme LFI

La « démocratie interne » est une question qui revient régulièrement, car c'est normal de vouloir améliorer son organisation, mais malheureusement souvent sous pression médiatique externe, comme les appels à des « primaires » lors des élections présidentielles. Ou encore aujourd'hui avec une remise en cause de la nouvelle organisation adoptée par LFI et sur fond d'affaire Quatennens.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai commencé à m'intéresser à la politique à l'occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005. J'ai participé à l'étude du traité avec Etienne Chouard.
Et depuis je n'ai eu de cesse de m'intéresser à la question démocratique et des institutions, de participer aux différents débats et de militer en faveur de la démocratie, que ce  soit en interne mais surtout dans le débat public.

Je me suis engagé au parti socialiste en 2006 et l'ai quitté en 2009 pour rejoindre le parti de gauche créé par Jean-Luc Mélenchon. J'ai participé à l'expérience du M6R. Et j'ai rejoint LFI à sa création.
J'ai donc expérimenté des organisations internes très différentes. 

I - Les objectifs à atteindre pour une démocratie interne

Sur le modèle de la constituante, je crois en l'intelligence collective et aux vertus du travail collaboratif / du débat public. Et pour moi il n'y a pas  de démocratie sans égalité.
Bien que l'élection présidentielle incite à la personnalisation de la politique, et qu'elle nous condamne à tout miser sur un candidat, rien ne nous oblige à reproduire ce schéma pour tout le reste.
Nous devons pouvoir voter pour élaborer un programme commun / faire des choix d'organisation ou de stratégie.
Mais pour désigner des gens (représentants/responsables/portes paroles etc ...), bien évidemment cela doit se faire sur la base du volontariat,  nous devons utiliser le tirage au sort et pour les postes décisifs comme le candidat à l'élection présidentielle de préférence le consensus. 

II - La nécessaire représentation des idées

Voter lors d'une primaire, c'est choisir un candidat et une orientation politique. Peu importe les artifices utilisés, le programme est élaboré par le candidat et ses proches. C'est l'exact opposé du travail collaboratif. Les citoyens sont restreints à un rôle de consommateurs comme l'explique Bourdieu.

Mais surtout cela revient à éliminer des orientations politiques du débat public. Et c'est ça l'aspect le plus problématique.

C'est quelque chose qui n'est pas évident à comprendre mais que j'ai vécu au parti socialiste. Bien qu'à l'époque il ne s'agissait pas de primaires le principe était grosso modo le même, un congrès était organisé pour choisir l'orientation politique. Il existait plusieurs courants politiques. Et à leur tête une personnalité qui briguait le rôle de 1er secrétaire du parti. Sachant que ce rôle était un tremplin pour devenir candidat à l'élection présidentielle.
Lors de ce congrès, chaque courant présentait au débat et au vote ce qu'ils appelaient une motion décrivant pour résumer une stratégie et une orientation politique. 
Nos idées étaient représentées par la motion de Benoit Hamon et était arrivée en dernière position.
Dans le débat public au niveau national du coup nous n'étions pas représentés.

Partir du parti socialiste, nous a permit de défendre nos idées directement dans le débat public. Et le résultat c'est que quelques années plus tard ces mêmes idées qui ne représentaient quasiment personne lorsque nous étions au parti socialiste ont pu réunir plus de 8 millions de personnes et n'ont donc plus du tout le même poids politique.

III - Les primaires => mauvaise idée

Le problème posé par les primaires est le même, il s'agit d'éliminer au préalable des idées politiques qui ne seront donc plus représentées dans le débat public.

Et cela n'a absolument rien de démocratique. Dans une démocratie, toutes les idées ont le droit d'être représentées et à égalité.

Et cela favorise évidemment les gagnants en leur mettant à disposition l'ensemble des moyens médiatiques, matériels et financiers. Les primaires sont biaisées par les inégalités de moyens pour faire campagne et l'intervention des médias / des oppositions qui vont favoriser la ligne politique qui les dérangent le moins. Et socialement, les nouveaux adhérents vont avoir tendance à venir renforcer la ligne "majoritaire"  car la seule visible tandis que les autres placés en situation de "minorité" vont avoir tendance à partir car lassés de ne pas être représentés.

Il faut se rappeler qu'à la base ce système de primaire est importé des Etats-unis, où il produit un système politique polarisé autour de deux groupes politiques écrasant tous les autres. C'est un système qui favorise clairement le bipartisme, et c'est pour cette raison qu'il a été importé par le PS et LR comme tentative ultime de maintenir leur hégémonie face au déclin qu'ils subissaient.

Il faut donc avoir la mémoire courte pour présenter ce système comme démocratique et l'exemple à suivre.

IV - Une démocratie interne centrée sur un programme commun

LFI a le mérite d'avoir tiré des enseignements de tout ça et d'avoir centré son action autour d'un programme politique. Mais je peux comprendre que cela frustre les gens qui voudraient que collectivement on défende d'autres idées. En devant batailler autour de bouts de programme plutôt qu'autour d'une orientation politique pouvant tout remettre en cause d'un seul coup, il y a un choix assumé de rendre plus difficile une évolution du programme et d'obliger les gens à faire des compromis  dans un  souci d'apaisement plutôt que les confrontations induites par les votes à scrutins majoritaires.

Mais c'est ce qu'oublient la plupart des gens, toutes les idées ont le droit d'être représentées. Et les gens qui défendent l'AEC ont le droit de vouloir le défendre dans le débat public et de ne pas vouloir participer à des primaires.

Ce qui compte c'est bien le débat public au niveau national.
Il faut donc trouver le juste milieu entre les nécessaires remises en causes salutaires qui peuvent être bénéfiques à tout programme, et le risque qu'un groupe interne impose une nouvelle ligne idéologique qui pourrait conduire les gens à ne plus se sentir représentés comme ce qui s'est passé dans les autres partis politiques ( PS / EELV ou PCF ).

C'est une erreur de croire que la démocratie consiste à imposer aux autres de défendre des idées auxquelles ils sont opposés / de les éliminer du débat public.
La démocratie c'est bien le pluralisme.

V - Trop de degrés de représentation à LFI

Le défaut du système LFI n'est donc pas là bien au contraire.

Il est qu'en dehors du programme il n'existe pas la possibilité de voter pour choisir une stratégie ou une organisation. Il est dans le fait que beaucoup de choses échappent aux citoyens du fait d'un système ayant recours à trop de degrés de représentation.
Et c'est précisément ce qui se passe aujourd'hui, avec une nouvelle organisation qui a été décidée par peu de personnes au final sans réel débat. Et une nouvelle organisation qui continue de poser une barrière entre les décideurs et les citoyens.

La solution n'est pas de copier le système de primaires comme le martèlent les médias .

Elle reste à inventer !

Si un groupe est suffisamment homogène, les désignations peuvent se faire par tirage au sort, et pour les désignations vraiment décisives, à voir si un consensus existe déjà ou s'il faut en passer vraiment par un vote.
Le problème de l'orientation politique et du candidat à l'élection présidentielle va se poser plutôt au niveau de l'alliance.

VI - S'allier plutôt que s'éliminer

Et si le système majoritaire des élections présidentielles et législatives oblige à se rassembler pour espérer gagner (et donc pouvoir changer les institutions). Rien n'empêche des alliances comme le prouve la NUPES.

La solution est la même, établir un programme commun derrière lequel tout le monde se sentira un minimum représenté. L'important reste le progrès. Si une partie significative de ce que l'on défend est appliqué, ça reste toujours mieux que de voir Macron détruire la France et nous amener collectivement dans le mur. Et c'est en prouvant que nous défendons les bonnes solutions que les français  nous  laisseront appliquer le reste.

Le choix du candidat à la présidentielle restera toujours le principal problème. Chercher l'hégémonie n'est clairement pas la bonne solution. Une alliance ça s'entretient et tordre le bras de ses alliés ne va pas dans ce sens. Organiser les débats, voter, éliminer les candidats dont l'ambition les pousse à nous diviser. Il y a bien une personnalité qui en ressortira.

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