Revue Gibraltar : escales, récits et imaginaires en Méditerranée

Fidèle à ses engagements éditoriaux, la revue Gibraltar, Un Pont entre deux Mondes revient avec de nouvelles escales qui racontent, en faisant un pas de côté, des histoires fortes, emblématiques, autour de la Méditerranée, sans souci des frontières et des murs érigés de-ci, de-là. Cette publication papier (180 pages, sans publicité) parait une fois par an en fin d'année. 

Deux mille ans après la mort du poète romain Ovide, on lit toujours ses Métamorphoses. Jean-Luc Lévrier, spécialiste d'Ovide et ovidien passionné, décrit la gloire rencontrée de son vivant puis son banissement par l'empereur Auguste pour de mystérieuses raisons.

Ce nouveau numéro se penche dans son dossier sur les îles de Méditerranée, entre récits et imaginaires. Dans ce foisonnant vivier de mythologies, évocations romancées ou véridiques, Gibraltar a choisi plusieurs histoires aux antipodes. 

Mathieu Arnal raconte le tournage épique du film Stromboli, terra di Dio par le réalisateur italien Roberto Rossellini sur l'île éponyme. Il y dirige en 1949 sa muse Ingrid Bergman, associant deux mondes opposés : l'austère mode de vie insulaire aux cinémas des stars, d'Hollywood à Cinecittà deux univers opposés, sur fond de trahisons et de vengeances amoureuses. Les soubresauts du volcan Stromboli font écho au calme trompeur des îles de Lérins ouvertes vers le grand large, face à la ville de Cannes, sous la plume d'Hubert Prolongeau.

Et qui mieux que le roman ou la fiction pour évoquer d’autres intimités, celles des familles grecques parties vivre sur l’un des confettis de la mer Égée, dans l’archipel des Cyclades, pour échapper à l’horreur économique dans Le salut viendra de la mer du romancier grec Christos Ikonomou (Quidam Editions).

Fiction toujours avec un récit parodique de Renato Baretic qui évoque les tribulations d’un politicien déchu sur l’île croate de l'Adriatique et ses habitants farfelus, que vous ne trouverez dans aucun atlas : Sur l'île de Terzola, il était le Huitième envoyé, tiré du roman Le Huitième envoyé (Gaïa Editions).

Dans Hélène, retour à Beni Bahdel, Pierre Daum, journaliste au Monde diplomatique, revisite le passé colonial de la France en Algérie à travers un regard féminin dans une fiction très actuelle. Hélène, fille d'un ancien appelé, accompagne son vieux père sur les lieux de son affectation militaire. Le passé refait surface d'une manière inattendue sur la question des harkis, ces supplétifs de l'armée française dont beaucoup ont survécu, contrairement à l'idée répandue de leur massacre systématique lors de l'indépendance.

 Une télé touareg, un village espagnol englouti, le périple d'une famille syrienne…

Les mémoires des vaincus sont tenaces. Même niées ou dédaignées, elles finissent toujours par resurgir et prendre la parole comme celle de TV Toumast, la première télévision destinée aux Touaregs qui a émis de 2014 à 2016 depuis Londres. Un récit d'Isabelle Mayault.

Dans un récit à deux voix intitulé Ode à la Isabela, Santiago Mendieta évoque un village en Espagne à la brève existence (1826-1955), vu à travers les jours lumineux de l'enfance et englouti sous les eaux d'un des innombrables barrages édifiés sous le franquisme,

Les escales de Gibraltar nous mènent des pistes de Toulouse-Montaudran à Casablanca sur les premières lignes aériennes Latécoère qui transportaient et inventèrent dès fin 1918 le courrier postal. Une libre évocation en bande dessinée d'un pilote à la recherche d'un fils né au Maroc, signé de Yohan Colombié-Vivès, intitulée Toulouse-Casablanca, aller simple.

Ils ont aussi des prénoms et des visages. Le récit photographique d'Olivier Jobard raconte l'intimité des migrants fuyant la guerre en Syrie. Avec “Tu seras suédoise ma fille”, deviennent enfin palpables la route de l'exil d'une famille syrienne, avec Ahmad, Jihane et leurs enfants, arrivée sur l'île grecque de Kos à bord d'un zodiac surchargé, et sa traversée clandestine de l'Europe jusqu'en Suède, sa terre d'accueil.

En Palestine, sur la rive ouest du Jourdain, Hacène Belmessous décrit la ville mythique de Jéricho, administrée par l'Autorité palestinienne, qui vit comme l'ensemble de la Cisjordanie dans l'ombre de l'occupation civile et militaire israélienne. Écrasés par un quotidien sans perspectives, avec une économie atone, les habitants de Jéricho se réfugient dans une parenté légèreté faite de repas, de fêtes et d'une dolce vita factice.

Sur les contreforts du Haut-Languedoc (Hérault), écoutons la parole de Jean-Baptiste Libouban, apôtre de la non-violence, co-créateur du mouvement des Fucheurs volontaire et, fidèle à la pensée de Lanza del Vasto.

Enfin, dans un riche entretien, le chercheur et essayiste Thierry Fabre, concepteur des Rencontres d'Averroès à Marseille, esquisse pistes et réflexions pour “penser l'après du désastre” en Méditerranée.

La revue Gibraltar et ses précédents numéros sont disponibles sur le site :

Revue Gibraltar