Sarah MC

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 janvier 2015

Sarah MC

Abonné·e de Mediapart

Et Après ?

Hier, dimanche 11 janvier 2015 j’ai fait partie de ce mouvement national extraordinaire qui a rassemblé près de 4 millions de citoyens dans les rues de France. Hier j’ai marché à Lyon, au milieu d’amis éparpillés dans le cortège et beaucoup d’autres anonymes.Je suis plutôt habituée aux manifestations, humblement du haut de mes 25ans j’essaye de m’intéresser autant que possible à ce qui se passe dans le monde et de faire part de mon opinion sur certaines problématiques qui me touchent.

Sarah MC

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Hier, dimanche 11 janvier 2015 j’ai fait partie de ce mouvement national extraordinaire qui a rassemblé près de 4 millions de citoyens dans les rues de France. Hier j’ai marché à Lyon, au milieu d’amis éparpillés dans le cortège et beaucoup d’autres anonymes.

Je suis plutôt habituée aux manifestations, humblement du haut de mes 25ans j’essaye de m’intéresser autant que possible à ce qui se passe dans le monde et de faire part de mon opinion sur certaines problématiques qui me touchent. J’ai participé entre autres aux manifestations des Indignés, des retraites, des intermittents, contre le réchauffement climatique, contre le nucléaire, contre le G20, pour la paix Israélo-palestinienne, contre le FN, et jamais aucun de ces mouvements n’a été autant soutenu. Sûrement parce qu’il s’agit là d’un attentat contre des Français et qui plus est à Paris sous l’œil témoin de milliers de gens se sentant touchés de près : « ma fille habite seulement à 2km de la fusillade », « un ami de mon mari travaille dans les bureaux d’à côté », « je passe tous les jours devant ce magasin pour aller travailler »…

Ces actes d’une telle violence m’ont aussi bouleversée. L’attaque du symbole de la liberté de la presse, de la liberté d’expression m’a secouée.

J’ai détesté la désinformation par la surinformation des médias ainsi que de me faire happer par ce flux de renseignements continus, ce voyeurisme dangereux (qui a failli porter préjudice à l’opération et aux otages) alimenté durant ces évènements, à la manière d’un feuilleton, d’une série policière aux dialogues de mauvaise qualité.

Je déteste cette peur oppressante qui gravite autour de ces évènements (statistiquement nous avons plus de chance de mourir d’une tumeur – 30% des principales causes de décès en France – que d’une nouvelle attaque terroriste) et les amalgames qui s’y rattachent.

J’ai détesté la tentative de réappropriation des évènements par certains groupes de personnes (comme le FN) et la solennité limite hypocrite de certains qui se sont exprimés sur le sujet (comme s’il n’était pas possible de faire un hommage simple il faut du dramatique dans la voix et de la théâtralité dans le regard).

Néanmoins, tout le monde réagit de manière différente, parfois maladroitement. Pour ma part, il était important de marcher ce dimanche pour protester contre la montée de la violence et de l’extrémisme (sous toutes ses formes), pour soutenir la liberté d’expression attaquée en France et rendre hommage aux victimes de ces évènements. Mais pas seulement. Il était tout aussi important pour moi de marcher ce dimanche sans identité propre, noyée dans la foule, pour revendiquer la liberté d’expression, de pensée comme un droit que tout homme devrait avoir ainsi que pour rendre hommage à toutes les victimes de l’oppression, de la dictature et de la haine. Il m’importait peu le petit cortège des hypocrites à Paris (les seuls à avoir eu le droit d’avancer dans cette manif), les représentants des pires lieux où les libertés sont bafouées. J’étais là pour tout, sauf pour eux. J’étais là pour sentir cette force puissante créée par une foule de gens différents réunis pour des raisons plus importante que la première démarque des soldes.

Dimanche c’était hier… Aujourd’hui les vagues d’applaudissements résonnent encore dans nos têtes, le nom Charlie sonne bizarrement à l’oreille… et après ? Demain on recommence comme avant ?

Cette manifestation a de bon pour moi le fait que certaines consciences se soient probablement réveillées. Combien de personnes n’avaient encore jamais manifesté de toute leur vie ? N’avaient pris position pour ou contre quelque chose ? Combien ont brandi avec sincérité d’un geste solidaire les mots « je suis Charlie » ? A toutes ces personnes, et à toutes les autres, si nous souhaitons vraiment être/suivre Charlie il est alors temps de se pencher sur les vraies problématiques. Il est temps d’affronter les interrogations importantes pour transformer l’avenir, de créer encore et toujours (combien de gens ont redoublé de créativité pour des slogans, des pancartes), de s’indigner. Il est temps de prendre conscience de cette liberté que tant d’autres n’ont pas.

Il est important de se lever, de se soulever au nom de la liberté d’expression française, mais qu’en est-il de tous ces peuples opprimés dont la libertés de pensée, d’expression et d’action sont réduites à néant ? Comme en Russie, en Corée du Nord, en Chine… Une victime n’est pas à pleurer simplement parce qu’elle est française, qu’elle a les mêmes origines ethniques que nous, parce qu’elle est connue ou parce qu’on a le même tee-shirt qu’elle. Il est important de se lever pour rendre hommage aux 17 victimes françaises, mais qu’en est-il des 132 enfants tués par les talibans pakistanais le 16 décembre 2014 et des 2000 nigérians abattus par Boko Haram le 7 janvier dernier ?

Beaucoup encore brandissaient des stylos pour la liberté d’expression. Maintenant que nous savons que nous avons une telle arme entre les mains n’hésitons pas à nous en servir : avec humour, passion, colère ou que sais-je encore. Des milliers de pétitions n’attendent que d’être signées pour faire pression sur un gouvernement, pour soutenir une cause qui semble juste, même si celle-ci ne nous concerne pas directement. Des rassemblements citoyens, des associations en tout genre de quartiers, nationaux ou internationaux n’attendent que nous pour participer au débat et à l’action. Il est aussi important de soutenir la presse indépendante avant qu’elle ne s’effondre et qu’on l’a regrette. Bref, j’ai marché ce dimanche 11 janvier malgré la controverse, malgré la peur de la réappropriation politique de certains pour continuer l’action commencée la veille et soutenir celle qui continuera demain.

J’en appelle donc à tous les participants de cette manifestation et tous les gens qui se sentent concernés : il est temps de retrouver son nom, sa propre identité (puisqu’il faut bien le dire nous ne nous appelons pas tous Charlie) et de l’utiliser à sa juste valeur pour honorer la liberté d’expression que l’on ne pourra jamais nous ôter.

Sarah Métais-Chastanier
Le 12-01-15

« Ce qu’il y a devant nous et ce que nous laissons derrière, ceci est peu de chose comparativement à ce qui est en nous. Et lorsque nous amenons dans le monde ce qui dormait en nous, des miracles se produisent. »

Henry David Thoreau (l’homme qui a inspiré Gandhi, Martin Luther King et tant d’autres)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.