Plus, plus, plus : toujours plus ! Plus de pouvoir, plus de pognon, plus de gloire. Mais, non. Pas plus : moins ! Moins de Mozart, moins de Shakespeare, moins de Balzac, moins de Proust et de Céline. Moins de Chet Baker et de Django Reinhardt. Moins de Moins de Michon et de Houellebecq. Moins de bouffe, moins de célébrations amicales. Moins de plaisirs délicats et de désirs grandioses. Moins de belles expos, moins d'échanges choisis. Beaucoup moins de bon vin. Pourquoi toujours plus ? Moins. Encore moins.
Je n'ai pas regardé une seule fois la télévision depuis plus de cinq ans. Je n'ai pas écouté ne serait-ce que cinq minutes la radio. Aucune image en mouvement, aucune vidéo Internet, pas la moindre tentative de trouver du rire sur Youtube. Et je n'ai pas mis les pieds dans un cinéma – autrefois une passion – depuis douze ans. Je ne suis pas présent, non plus, sur les réseaux sociaux. Ces privations ne me rendent pas coupable. Malgré la radicalité de mon mode de vie, je ne doute pas. Je suis serein, de ce point de vue. Mais, parfois, je me demande tout de même si je ne suis pas passé à côté de quelque chose. Oh, pas quelque chose de vraiment essentiel... mais, peut-être que ce biais – ce grand pas de côté – aurait pu, plutôt que d'apporter du sens, me priver d'éléments nécessaires, sinon à la compréhension du monde contemporain, au moins à un minimum de vie sociale. Dimanche, faisant fi de ces règles strictes, j'ai regardé, sur mon smartphone, la bande-annonce de « Anatomie d'une Chute » et le clip d'une des dernières chansons de Madonna. Sans frayeur. Et bien, une fois passé le trac, je ne regrette pas d'avoir fait ces choix. Même si je ne m'interdis pas non plus, plus tard, de revenir à plus de normalité dans ma pratique de consommation de produits culturels.
Trouver du sens ? Il faudrait donc chercher ? Mais, le sens, on le fabrique...
Je me souviens d'une autre réflexion de mon père, lorsque j'étais enfant. Pour résoudre tous ces problèmes de logement et d'environnement, il me disait qu'il suffirait de construire les villes à la campagne, et de déplacer la campagne dans les environnements urbains. Et bien, cette remarque, devenue cliché, a trouvé son plein accomplissement depuis. On y est.
Moins qu'on ne le prétend ; mais plus que ce qu'on me prête. Moins que ce dont on m'accuse ; mais plus que ce qui me rend coupable.
On n'est pas responsable de sa naissance, ni des circonstances qui entourent nos premiers pas. Mais, dès l'enfance, on fait des choix qui nous engagent. À défaut de pouvoir choisir le meilleur ; on cherche à faire les meilleurs choix. Afin d'éviter le pire. Puis, on travaille. On travaille toujours pour les autres – la famille, les amis, le patron, l'État, les pauvres, les fidèles, ou les camarades de lutte. Et on finit par comprendre que, ce qui nous paraît le plus important, et qui est aussi le plus difficile à obtenir, est gratuit. Dans ces conditions, au bout du long chemin, tout le monde peut atteindre l'harmonie avec son environnement – social, naturel, familial etc. Puisqu'il suffit de faire une promenade de vingt minutes dans un parc pour se sentir en communion avec les éléments. Pour le reste, c'est presque la même chose. « Il en faut peu pour être heureux / Vraiment très peu pour être heureux / Il faut se satisfaire / Du nécessaire / Un peu de miel etc. » Mais si, après bien des échecs douloureux, et des efforts continus et quotidiens, on parvient à cet état d'ataraxie, ce niveau rare d'existence, il est probable que, déjà, sous peu, on aura perdu le tout.
Mais d'où vient tout cet argent ? Mais des mots. Des mots. Toujours...
Santangelo