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Billet de blog 12 mars 2019

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Sur un Air de Campagne (4)

« Qu'y-a-il de plus rond que la pomme ? Si lorsque je dis rond C'est vraiment rond que je veux dire Alors il n'y a rien de plus rond que la pomme »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un Jeu d'Enfants © Santangelo

L'autre jour, j'entendais des Gilets Jaunes dirent qu'ils étaient prêts à se battre jusqu'à la mort...

Que faire devant la mort ? Fumer une dernière cigarette comme le condamné ? Faire l'amour une dernière fois comme dans la chanson ? Prier ? Ou repasser au crible d'un dernier jugement ses souvenirs ?

La réponse, j'ai été la chercher chez les poètes. Chez Guillevic, par exemple - auteur injustement oublié. « Possibles futurs » a été écrit à l'hôpital, sur un lit de mort. On y parle de la nature, d'une femme, du printemps, du silence, de l'espoir qui naît chaque matin. Jusqu'au bout, l'auteur de « Terraqué », né à Carnac en 1907 et poète-fonctionnaire, n'aura eu de cesse de creuser le sillon de la simplicité, et de choyer son coin de ciel bleu enfantin.

« Elle possède

Ce qui fait qu'on regarde

Couler l'eau du ruisseau

Sans jamais se lasser »

Jusqu'au bout, il aura protégé son île des assauts du monde moderne. Jusqu'au bout, il aura loué la femme, le terre, le ciel, l'écriture des petits riens.

Où sont passés les poètes aujourd'hui ? On nous dit depuis longtemps qu'il faut chercher dans la chanson. Voire dans le rap. Mais quelles chansons ? On n'est pas dupes ; les poètes ont quasiment disparu. Cette forme de compréhension du monde n'existe quasiment plus.

Certains résistent pourtant. Je n'ai rien lu de plus lumineux sur les années Macron que les trente premières pages de « Ensemble encore » d'Yves Bonnefoy. Il parle de la révolution en marche, du bleu et du rouge, d'une manière magistrale.

Qui pour prendre la suite ? Qui pour se soucier de la beauté brute du monde ? Qui pour la mettre en forme ? Qui d'assez vaillant pour placer son encrier devant la mort ? J'ai découvert Gérard le Gouic à l'hôpital. Ce Breton trace sa voie depuis longtemps dans le Finistère, et a crée sa propre maison d'édition – Telen Arvor. Au son de Lankou, lui nous parle de lumière, d'un passant, des veuves, des cimetières de campagne.

Hervé Prudon a aussi choisi de se mettre en poésie à l'approche de la Faucheuse. Cet auteur de polars, qui vient de disparaître, électrise sa prose dans « Devant la Mort » en guise de legs posthume.

Est-ce à dire que la poésie est le dernier rempart face à la barbarie ambiante ? Faut-il désormais patienter jusqu'aux dernières heures pour se mettre à croire en la poésie du monde ? Moi, je crois que je choisirai de chanter dans ma voiture sur la route de la corniche. Mais je n'en suis pas encore là... Encore un hiver de passé.

En attendant, ébloui par la joie de vivre de mon petit neveu, je lui ai choisi « Chantefleurs et Chantefables de Robert Desnos.

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