Une jeunesse sérieuse, comme toutes les jeunesses, de l'autre côté de la Méditerranée ; l'autre qui prend la vie pour un jeu puéril, qui nous casse les oreilles et nous « troue le cul » par sa bêtise. L'une qui use de l'humour pour sortir la tête de l'eau ; l'autre qui ne connaît plus que la dérision à marche forcée et ne cesse de se chercher des boucs-émissaires.
L'on pense à la solitude de Noël Le Graët lors du retour des champions du monde, qui nous a définitivement fâchés avec la télévision. L'on pense à l'insolence des jeunes caissières de supermarché chaque semaine. L'on pense à la morgue de la plupart des Youtubeurs. L'on pense à la hargne des nouveaux employés des services publics, que l'on a mis en place pour accompagner la dématérialisation. L'on pense à leur ridicule sur Youporn. L'on pense à la stupidité de l'utilisation des smartphones... Une jeunesse qui croit au cœur, l'autre qui croit à la toute-puissance de la technique.
Cette jeunesse française, coincée entre son puritanisme et sa volonté de puissance, ne doute de rien, ne respecte rien, rit jaune à longueur de journée. Hier, au drive du petit supermarché où je fais mes courses, l'hôtesse, à peine bonjour, même pas un coup de main pour mettre les courses dans la voiture alors qu'il pleuvait et que je marche avec une canne, et deux coups de téléphones sur le chemin du retour de sa supérieure, du même âge, me disant qu'elle s'était plaint du fait que je lui « avais mal parlé » et me menaçant d'utiliser les bandes d'enregistrement vidéos. J'ai dû appeler la directrice pour obtenir de timides excuses. La semaine dernière, un jeune homme de vingt ans se disant de la ville voisine et auquel j'ai vendu par l'intermédiaire du Boncoin.fr un microphone usb. Il s'est fait passer pour une fille sur Internet et, malgré sa barbe naissante, est venu en motocyclette accompagné de sa mère en voiture pour effectuer la transaction en rougissant sur le parking, alors que je lui avais proposé de monter jusqu'à mon appartement. Il y a deux mois, la juge et la substitut du procureur, à peine trentenaires, au Tribunal de Grande Instance lors d'affaires banales ; et le pauvre greffier sexagénaire ne sachant plus où se mettre...
Cette jeunesse-là, qui n'est pas toute la jeunesse française, loin de là, est en train de s'engouffrer dans le populisme le plus vil en s'armant des armes d'un progressisme d'un autre temps. Cette jeunesse qui use parfois de la cocaïne, jusque dans nos campagnes, sans même savoir ce qu'est un psychotrope, et joue à vider et à se remplir. On attendait autre chose qu'un jeu de jambes stupide, que des phrases toutes faites en guise de conversation, et des tics stupides pour toute expression corporelle, en lui confiant les clefs.
Cette jeunesse du « pipi-caca-miam-dodo » qui a une motocyclette à seize ans, une grosse voiture à 22 ans avant même de savoir conduire – et qui ne dépassera jamais les frontières du pays -, et une maison sur plans de catalogue à trente ans, pour loger avec un premier amour.
Pour toute éducation sexuelle : le crétinisme alpin à la sauce Internet. Pour tout bagage philosophique : quelques articles de Wikipedia. Les jeunes ont de tout temps cru tout savoir, mais, auparavant, ils avaient envie d'apprendre. Combien d'idoles caduques pour un M'Bappé ? Combien d'exemples People désastreux pour un Defalvard ? Combien de musiciens et de chanteurs foireux pour un Kalkbrenner ? Lorsque l'on tape « nouvelle génération d'écrivains » sur Google, on ne tombe que sur des liens faisant référence à d'autres pays que la France.
Les quadras macronistes ont abandonné les rênes à leurs enfants sans même leurs avoir appris le minimum de règles pour vivre en société. Ils jouent aux mêmes jeux, sauf qu'eux avaient reçu un minimum d'Humanités. Combien de "petits-bleus" savent que Macron a une double formation en économie et en philosophie ? Combien savent que les dirigeants sont passés par la messe, les Jeunesses Socialistes ou les syndicats étudiants ? A présent, ils ont tous envie d'appeler grand-mère ou grand-papa, parce qu'ils n'ont plus de repères à l'âge de devenir parents.
Cette jeunesse-là ne comprend même pas que la jeunesse algérienne a souffert avant de descendre dans la rue, ne connaît même pas l'expression « voir du dur. » D'un côté, un pays jeune dirigé jusque-là par des vieux ; de l'autre un pays vieux dirigé par des jeunes.
Dans le Finistère, la volonté des lycéens de suivre le mouvement des Gilets Jaunes a duré deux jours. Et pas un mot des étudiants. Alors, les « fils de ploucs », comme je l'ai été, s'en vont faire leurs études dans des villes de quinze mille ou vingt mille habitants, sans même avoir eu l'idée qu'ils auraient appris plus de choses à Paris ou à Marseille. Ils ne comprennent même pas que la décentralisation des universités est une mise en place d'un plafond de verre et de murs culturels infranchissables dès l'entrée dans l'âge adulte.
YouPorn a envahi tous les smartphones, et ils croient avoir tout compris de la sexualité à vingt ans, sans même avoir pris du plaisir, sans avoir connu de partenaires d'autres classes sociales, d'autres pays. Du temps où j'étais au lycée, la seule occurrence que l'on faisait du mot « juif », c'était pour désigner quelqu'un de radin. Un tic de langage qui disparaissait à l'entrée à l'université ou à la lecture de « Si c'est un Homme ». Aujourd'hui, les jeunes campagnards portent des capuches et se traitent de « sales feujs » ou de « bâtards », alors qu'ils ne croiseront jamais un concitoyen de confession juive ni un Arabe de banlieue de toute leur vie.
Ces jeunes-là méprisent la culture et se vautrent sur Internet, sans même savoir que leurs parents ont fait des rencontres, se sont écrits de longues lettres, ont débattu sur le Web. Ils jouent à se baisser la tête sans même savoir ce qu'est la honte.
D'où ces regards éperdus vers la jeunesse algérienne. Mais est-elle si différente de la notre ? Et ne suffirait-il pas de rétablir la communication en posant quelques règles de base pour rétablir la juste place des générations ?
Post-scriptum : une oreille à la bande-son 2018 des Inrocks me rend triste... C'est la même qu'en 2008...
Saul Santangelo des Regs
(Plus de chansons sur SoundCloud : https://soundcloud.com/santangelosaul)