Que faire devant la mort ? Je me suis souvent posé la question. Rire ou pleurer ? Chanter ou faire l'amour ? Prier ou maudire ? Je croyais avoir trouvé la solution. La bonne attitude. La posture qui me correspond le mieux. Je voulais passer la serpillière, et écrire une blague, sur une feuille volante, que j'aurais laissée à mon chevet. Mais en réfléchissant encore, je veux passer la serpillière et, à mon chevet, laisser cette note : « Pas besoin de laver le sol. Je viens de passer la serpillière. »
J'ai compris pourquoi je n'avais jamais voulu demander le RSA, même si j'ai été R-M-iste, brièvement, il y a vingt ans. Parce que les allocataire du RSA n'ont pas de nom.
Ça y est. Le bistrot est ouvert. Adieu bienheureuse tranquillité... Après un an de travaux, qui ont bousculé la vie du village, les premiers clients viennent boire et manger, juste sous mes fenêtres. Je n'ai pas encore osé y mettre les pieds. Ce sont mes plus proches voisins, et il convient de prendre des gants. Surtout après toutes ces histoires alcoolisées, pendant toutes ces années.Vais-je en venir à regretter autant les verres que je n'ai pas bus, que j'ai regretté les bouteilles vidées, durant toutes ces années ?
Toujours pas d'eau courante. Je n'ai pas pris de douche depuis plus de six mois. Je fais ma toilette devant le lavabo, comme avant, comme depuis l'internat. Mais quel plaisir de faire un shampoing, pour laver cette tignasse que je n'ai pas coupée depuis deux ans, chaque semaine, le soir venu, le dimanche, avec pour seule eau – tiède - celle de la bouilloire qui chante !
Ce vendredi matin, dans le Finistère, on était censés pouvoir admirer le merveilleux spectacle d'une « lune de sang » - une éclipse totale, visible deux fois par an – vers sept heures ; j'avais repéré sa position les jours précédents, il fallait regarder vers l'Ouest. Las ! Le ciel était couvert, et les seules rougeurs observables étaient celles du Levant. Une éclipse lunaire se produit lorsque la lune, la terre et le soleil sont parfaitement alignés. La lune se trouve alors dans l'ombre de la terre. J'ai tenté de comprendre. La lune tourne autour de la terre, qui tourne sur elle-même et tourne autour du soleil. Et tout ça en une journée, en 28 jours ou en une année entière. Tout tourne. Et, soudain, le malaise : ça tourne... tout tourne... qu'est-ce qu'il se passe ? Ça tourne... tout tourne...
À plusieurs reprises, durant ces très pénibles années, entre l'hôpital et le domicile de mes parents, en sus d'écrire mon testament, j'ai songé à ma messe d'enterrement. Même si je ne suis pas croyant, je préfère. J'en ai imaginé le déroulement, à partir de mes souvenirs de jeunesse : quelques prières, deux lectures – une issue de l'Ancien Testament, une autre des Évangiles – et des chants. C'est ce dernier choix qui pose problème. Chansons de variétés ? Chanson française ? Cantiques ? En français ou en latin ? En breton ? Chants grégoriens ? Extraits du Requiem de Mozart ? De revirements en revirements, j'ai oublié la dernière version de ce programme, et j'ai également oublié où je l'ai rangé. L'ai-je confié à un proche ? J'aurais peut-être dû écrire à un curé... Dix ans ont passé. Aujourd'hui, je crains que, si j'en venais à trépasser, je risque fort de finir dans la fosse commune. Ah, non ! La fosse commune, c'est un coup à se briser les os !
Le 29 mars prochain, dans le ciel breton, on pourra admirer une éclipse solaire...
Santangelo