Depuis toujours, les hommes aiment rire. Bergson l'a dit, et je suis d'accord. Une journée sans rire, c'est long comme un jour sans pain. Parce que rire est le propre de l'homme, il préfère souvent ne pas se salir. Victor Hugo, aussi, l'a écrit, dans « L'Homme qui rit », mais ce n'est pas une histoire drôle. Et, si je suis un peu triste aujourd'hui, en ce week-end pascal, c'est que je pressens la catastrophe, le retour de bâton, pour avoir trop ri, d'un seul coup. C'est une drôle d'histoire. Et je ne sais toujours pas si on peut rire sérieusement. C'est trop tard ; c'est déjà un livre-culte. Je n'ai jamais su raconter les histoires belges, mais ce sont des tireurs au cul, comme dit la chanson. Les histoires de blondes non plus. Et, si je me penche en arrière, je constate que j'ai raté ma vie à cause de mon humour de merde. Connaissez-vous la différence entre un lapin et un pneu ? Il n'y en a pas. Ils sont tous les deux ne caoutchouc, sauf le lapin. Mais on ne peut plus dire ce genre de choses, de nos jours. Il ne faudrait pas heurter les antispécistes. D'ailleurs, on ne peut plus rien dire du tout. Voilà. « Où tu vas sans lumière ? » est enfin un livre. Il est disponible sur Amazon au juste prix de 19 euros. C'est cher, mais il fait 631 pages et avant de vendre du papier, il faut bien l'acheter. Ce n'est pas une blague. Voilà. On peut rire sérieusement, à mon avis, et j'espère vous avoir fait sourire. Si vous n'achetez pas mes romans, je ne ferai pas la gueule. Mais vous n'êtes pas obligés, non plus, de venir gueuler sous mes fenêtres juste pour me dire que vous ne voulez pas me lire. Il ne faut pas se sentir obligé. Même si, parfois, vous le faîtes avec humour, c'est un peu lourdingue. Desproges l'a dit : on peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Et, malgré une capacité de résistance à la frustration qui dépasse celle du commun des mortels, et une légère tendance maso, qui me pousse à prêter l'oreille à tous les quolibets, et à envisager d'en sourire, je suis comme tout le monde : je n'aime pas trop qu'on se moque de moi. Surtout de face et en groupe. Pour le reste, chacun fait comme il veut. Et, si « Madame Bovary » est ironique, c'est parce que ce n'est qu'une vaste blague. Après quarante ans de lectures sérieuses et autant d'années de pratique de l'écriture, je sais maintenant que la littérature ce n'est pas très sérieux. Voilà. À votre bon cœur messieurs-dames... Oh, ce n'est pas tant pour l'argent, même s'il faut bien manger. Mais un peu de rire et de chaleur, c'est tout ce qu'on peut partager, quand on écrit sérieusement, depuis si longtemps, solitaire et seul. Je sais que certains voudraient me faire passer l'envie de rigoler. Ne les laissez pas faire ! Ils feraient un bon mot pour tuer... Allez, quoi ! Encore un petit peu... De quoi m'acheter le permis, cette année encore, la seule chose qui compte vraiment : le droit de continuer.
Santangelo