C'est le printemps. Je suis seul. J'ai éteint mon petit chauffage – un "grille-pain", non compatible avec les convictions profondes de nombre de mes contemporains – dont le thermostat était sur 15.55, la journée, depuis le mois de novembre. On dira ce qu'on voudra, un bon convecteur c'est tout de même une présence.
Reçu la visite de mes parents. Je n'avais parlé à personne, en face-à-face, depuis deux mois. Je leur ai offert, à chacun, un exemplaire de « une Promenade bienheureuse », tout juste sortis des ateliers polonais d'Amazon, après avoir réfléchi, durant des heures, à mes dédicaces. Ils ont opiné, tenté la blagounette, simulé l'indifférence, et puis on a changé de sujet. Y'a pas à dire, un livre, c'est aussi une présence.
À l'école, à l'occasion du Printemps des Poètes, mon petit-neveu a dû apprendre par cœur, le fameux poème de Du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse. » Un pensum innommable, que ce texte en français du 16ème siècle, pour un enfant de cet âge. Je lui ai fait écouter une version chantée, qui date d'une quinzaine d'années, interprétée par Ridan. Il a adoré. Et puis, j'ai tenté de chanter ce poème de Verlaine, qu'il avait appris au premier trimestre. Un travail pénible, pour un écrivain comme je le suis. Y'a rien à faire, une Pénélope, ça aurait fait une présence.
Santangelo
Note : La preuve par 9 ! Dans le poème de Verlaine, les sanglots "blessent" ; dans ma chanson, ils "bercent". Un simple regard par-dessus mon épaule, ça aurait pu faire une présence...