AVERTISSEMENT : il est probable, qu'au cours de votre lecture de « Où tu vas sans lumière », aussi légère et enjouée soit-elle, vous vous heurtiez à diverses anomalies - d'ordre orthographique, syntaxique et typographique – et que cela interroge votre désir de la poursuivre (ou de l'entamer.) Sachez que, en dehors d'un contexte particulier, et des conditions exécrables qui ont rendu l'écriture de cet improbable roman parfois laborieuse, et les corrections impossibles, il se pourrait bien que tout ça prenne sens au fil des pages, et que vous en retiriez même un plaisir supplémentaire. Il est même possible que le doute instillé produise de la valeur, artistique et pécuniaire, jusqu'à faire de l'ouvrage une véritable œuvre d'art. Mais chut... Tout ça reste entre nous...
Le privilège du critique littéraire, celui de lire les livres avant les autres, gratuitement, et qui fait aussi sa grandeur et sa fierté, lui permet surtout de découvrir les futurs prix d'automne avec trois mois d'avance. Le revers de la médaille – puisque tout privilège s'accompagne d'un devoir – c'est que, pour être certain d'être le premier à lire le Goncourt, il doit s'en taper trois bonnes centaines, afin de ne pas le rater. Tu parles d'un cadeau ! Ainsi, le critique littéraire vit avec le sentiment d'avoir trois mois d'avance sur son époque...
J'ai déjà évoqué cette tendance de nos contemporains à vouloir à tout prix se montrer plus drôles que les écrivains qu'ils ne lisent pas, et leur entrain à venir le dire in situ. C'est gênant, mais c'est sans compter sur l'inclination toute aussi répandue à prendre les blagues au sérieux. Et, quand ce n'est pas les leurs, ce sont les vôtres, qu'ils tournent et retournent dans tous les sens, jusqu'à en faire une arme. Ainsi, j'ai pu entendre, ces derniers mois, des tas de menaces de mort bien réelles, uniquement parce que j'avais pu rire de l'euthanasie. Et, évidemment, ce sont toujours les partisans de la vie et les adeptes de la morale, qui se mettent en tête de vous supprimer.
Ces dernières semaines, les débats ont surtout porté sur la question de savoir si j'étais vraiment une « grosse pute » ou une « teupu ». La foule n'a pas encore tranché. Et les insultes et les menaces de rebondir sur les murs gris, dans la rue vide, en écho, en plein soleil. Le Sud en Bretagne ?
Pourtant, quand les pompiers et les ambulances ont allumé la nuit du village avec leurs gyrophares, cette semaine, à la suite d'une bagarre, personne n'avait envie de rire. Je ne devrais pas le dire, mais, par ici, il semble que, pour démontrer sa virilité et sa capacité à trouver une femme, c'est la seule voie. Encore une blague qui a mal tourné ?
À l'hôpital, à chaque nouvelle entrée, avant un autre séjour toujours plus absurde que le précédent et aussi inutile, ma mère venait m'apporter quelques affaires de toilette. Elle ne manquait jamais d'y glisser un flacon de gel douche « le petit Marseillais. » Mais, tout ça étant renvoyé aux calanques, depuis toutes ces années, je me savonne à présent avec du savon de Marseille « le petit Olivier. » De petits pains de savon que je trouve au discount, là où je fais toutes mes courses, toutes les cinq ou six semaines. Jusqu'alors, je ne connaissais que celui à la glycérine. Ainsi, c'est avec une joie non feinte que j'ai reçu mes savonnettes à l'huile d'olive achetées sur Internet. Un pur bonheur d'enfance de retrouver cette odeur si particulière qui parfumait la maison.
Je me suis souvenu aussi que mon père, en rentrant des champs, se lavait les mains comme un chirurgien. Il frottait longtemps les doigts, en les croisant, tournait et retournait ses paumes, jusqu'aux poignets et haut dans les avants-bras. Avant de recommencer. Je me demande même si je ne vais pas abandonner eau de toilette et papier d'Arménie pour cette senteur unique dans tout l'appartement.
J'ai terminé ma lecture de « Yellow Cab. » Sur le cul. C'est vraiment incroyable ce qu'ils parviennent à faire dans leurs romans graphiques. Celui-ci est adapté, fidèlement, d'un roman de Benoit Cohen, dans lequel il narre au quotidien (et heure par heure) son expérience en tant que chauffeur de taxi à New York, et que je me suis procuré pour tenter de comprendre comment on peut illustrer une histoire aussi magistralement. Visiblement, ça aurait dû être un film – sans parler de la mise en abyme. Mais, c'est encore mieux. La galerie de portraits a-t-elle été générée par des algorithmes ? Je me souviens que Kiarostami avait développé la même idée, à Téhéran, il y a une vingtaine d'années, dans « Ten. ». Mais, ici, sur le papier, c'est époustouflant. Le roman graphique, dernier des ridicules ? Ou vraie alternative ?
You're talking to me ??!! Hey, hey !!! You talkin to me ???!!!
Santangelo