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Billet de blog 23 mars 2025

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Sur un Air de Campagne (507)

Jeudi, c'était le premier jour du printemps, le jour de l'équinoxe. Selon un spécialiste, sur Internet – puisque les spécialistes sont sur Internet – l'hiver aura duré 88 jours 23 heures et 40 minutes. Cette semaine, c'est aussi le Printemps des Poètes. Les poètes sont-ils sur Internet ? En ville, aujourd'hui, c'est le Printemps des Transitions.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon Territoire © Santangelo

Lu avec beaucoup de plaisir « L'intranquille Monsieur Pessoa », un roman graphique sur les derniers jours du grand écrivain portugais, qui raconta, dans un déluge d'inventions, à la première personne, la vie de ses « hétéronymes » - alter ego peut-être pas si imaginaires que cela. On trouva les dizaines de livres, à sa mort, dans une grande malle. Le travail est très léché, le scénario intelligent, le dessin nous plonge vraiment dans le Lisbonne de 1935, et le tout est agrémenté d'une bibliographie conséquente. Pourtant, dès le début, et tout au long de ma lecture, je n'ai pu me départir d'une drôle d'impression de déjà-vu. Je me suis rendu trois ou quatre fois au Portugal, au cours de mon existence, depuis un premier voyage de jeunesse qui m'a mis en tête que les Français y étaient les bienvenus, et je garderai à jamais la scène d'un grand buffet improvisé sur la place d'un village de montagne, dans lequel on nous avait fait la fête, autour du four à pain. Des années plus tard, fuyant l'hôpital et mon triste sort, j'ai exploré, seul au volant de ma voiture, d'autres contrées, de Braga à Coimbra, jusqu'à Porto et, une fois, j'ai même voulu descendre jusqu'à Gibraltar, pour prendre un hypothétique ferry et gagner les côtes africaines, d'où j'aurais rejoint un cousin, prof de maths en Tunisie... Mais je suis presque certain de n'avoir jamais visité Lisbonne. À la fin de mon roman graphique, j'ai trouvé : plusieurs pages sont des reproductions intégrales de scènes d'un film, que j'ai vu il y a vingt ans, intitulé « Mensagem », et dont on ne trouve plus que quelques traces sur Internet, parmi lesquelles une affiche qui a fini par me convaincre. J'ai encore pris une petite claque.

Il y a trente-cinq ans, j'avais pris une énorme baffe, pour le coup, en lisant, au gré de mon appétit littéraire, « La Vie Est Ailleurs », de Milan Kundera. Je l'ai racheté, en Folio. J'ai commencé à le relire et l'ironie du grand auteur tchèque me paraît toujours aussi féroce, cruelle, impitoyable. À l'époque, en tournant la dernière page, j'ai pris la décision d'arrêter d'écrire de la poésie. Et je m'y suis tenu. Que m'arrivera-t-il si je le relis entièrement ? On ne sait pas où nous conduisent les pas que nous faisons dans les romans. Mais lorsque le chemin est balisé, c'est tout de même moins risqué. Réponse la semaine prochaine, si les conditions me permettent de mener ma lecture à son terme.

À peu près à la même période, j'ai commencé à envisager sérieusement d'écrire un roman. En considérant ma situation, je me suis donné vingt ans pour parvenir à en écrire un grand – persuadé que les meilleurs livres s'accouchent à quarante ans et, surtout, conscient de mes lacunes, décidé à les combler, dans cet espace de temps qui paraissait raisonnable alors, en travaillant sur la Bibliothèque. C'était un projet de vie. J'ai gardé le cap. Pour quel résultat ? L'avenir nous le dira.

Mais les chansons, alors ?! C'est quoi, si ce n'est pas de la « poésie » ? Peut-être, plutôt que des résidus de cette jeunesse poétique, des manifestations de ma volonté de travailler, et de vivre, dans la joie et la bonne humeur – c'est à dire de conserver le sourire, malgré tout, et à tout prix. Peut-être, aussi, simplement, des grands ronds de fumée dans de petites bulles de savon.

Je ne vais jamais sur YouTube. Je ne regarde pas d'images animées depuis des années. Mais, il y a quelques semaines, je suis tombé sur la vidéo (j'avais coupé le son) d'une femme qui reprenait la chanson de Barbara « Dis, quand reviendras-tu ? » Elle ressemblait, traits pour traits, à mon premier amour – jeune beauté classique - mais comme avec trente ans de plus, et je suivais les mouvements de ses lèvres charnues, fasciné. En me couchant, j'étais fermement convaincu que c'était elle. Et, au réveil, j'avais oublié. « Oublié » ? Vraiment ?

Santangelo

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