C’était juste après la commémoration du débarquement en France, avec sinon, tous ses mensonges, au moins tous ses non-dits.
Le problème des mensonges, des non-dits, c’est qu’on finit toujours par se prendre les pieds dedans. Là, on a fait une belle pelote. Va falloir beaucoup de temps pour démêler tout cela.
On dira que ça a commencé par des élections Européennes, qui se sont transformées en référendum, tiens, je pense au référendum de De Gaulle en 69 ( !), mais merde, c’est pire.
Ô vieillesse ennemie, je n’ai donc tant vécue que pour cette d’infamie !
Aujourd'hui, ou était-ce hier, monsieur Macron n’a pas annoncé sa démission, mais la dissolution des autres.
Une phrase raisonne dans mon cerveau, « Ça va bien se passer, madame ». Une phrase de prédateur. Non, ça va pas bien se passer, tu me demandes juste de serrer les dents, d’accepter parce que tu es trop fort. J’ai envie de te dire cette phrase, que tu ne veux pas entendre
- Fait gaffe au tapis !
Tu es en train de prendre les pieds dedans, et ce que tu appelles « poussière » n’a pas disparu. Elle pourrait t’étouffer.
Les média de « gauche », que je regarde essaient désespérément de me rassurer, de me faire croire que ce n’est pas si grave. Ce soir, c’est ce que je veux entendre, mais je ne le sens pas, mais pas du tout.
Bilan de la soirée, très peu d’énervés à Paris, force à eux et elles, sidération, fatalité, bref, la merde se répand.
Ici, en province, elle surgit depuis longtemps de toutes parts, même quand on ne s’y attend pas, dans les moindres recoins de la vie quotidienne. Alors je l’évite et me plaît à aimer des lieux où je n’aurai pas soupçonné ressentir un bien-être : les supermarchés pas chers.
Là, les pauvres s’y croisent, conscient·es de leur condition commune se comprennent, discutent, sont « fair-play ». Loin des ambiances des queues à l’entrée des théâtres, les queues à la caisse sont un théâtre de la vie, beaucoup plus drôles, simple, rigolotes, que les spectacles sensés nous représenter. Militant·es sur scène, comptables à la ville, je les appelle, ces théâtreux·ses volontaires. Là, au supermarché, on se travesti un peu, mais on sait bien qu’on est démasqué·es, alors, on joue à être nous-même, un peu plus, parfois.
Franchement c’est un lieu à investir. Peut-être ça peut-être un dispositif, autoriser les gens à crier, puis à dire une phrase de ce qu’ielles pensent vraiment. Pour dire ce que l’on pense, ça prend du temps, pour s’autoriser à crier aussi ; parfois les manifs font du bien.
En vrai, plein de truc m’ont traversé l’esprit ce soir, plein de trucs moches, c’est comme si toutes les « petites » phrases racistes, lgbti-phobes, antiféministes, validistes, et toutes les autres que je remarque moins, hurlaient dans ma tête.
C’est la merde.
Comme si les millimètres conquis (mariage pour tous et toutes, inscription de l’IVG dans la constitution, euh, en vrai ça s’arrête à peu près là) n’étaient que des biscuits minimalistes et rongés pour nous faire croire qu’il y aurait une ouverture à une égalité des droits.
J’ai entendu, mille fois :
- C’est bon, maintenant, vous (les femmes, LOL) vous avez le droit de vote, de travailler, d’avoir un carnet de chèque, à la contraception, qu’est-ce que vous voulez de plus ?
Ce que je veux, c’est simple, le droit de ne plus me faire agresser, le droit de ne plus penser que je suis faible, le droit de ne plus être pensée comme une victime… enfin juste le droit d’être comme je suis, et de me penser, de me rêver comme j’ai envie d’être, ce qui n’enlève rien à personne, en vrai. Le droit de me battre pour autre chose de ce qui est censé me concerner. Le droit de partager les revendications
Bon, c’est la merde, et j’ai peur qu’on prenne beaucoup de temps à réinventer l’eau chaude, un millimètre par siècle, le changement de société est long, mais le backlash nous fait perdre le temps dont on aurait besoin pour s’adapter aux changements pour continuer à penser et à partager nos expériences.
Comme beaucoup de monde, je suis l’actualité de loin, de mon canapé (objet emblématique), mais je ne crois pas que je suis si éloignée que ça des bombes, elle vont me rattraper, alors que je les regarde aujourd’hui de loin, (pas celles de l’organisation sociale, ni celles du climat, mais je sais qu’elle sont pour l’instant soft par rapport à celles que reçoivent les palestienien·nes, ukrainien·es, rdcnien·nes, enfin tout un tas de gens de pays démocratiques ou non, des gens, hommes ou femmes, des gens.)
Alors j’ai peur, parce que, non, tout ne va bien se passer, même si je serre les dents, je suis triste de penser qu’il va falloir continuer à construire tout un processus de changement social, familial enviable, encore et encore et qu’on n’aura toujours pas dépassé le millimètre par siècle.
Comme je ne veux pas finir sur une note pessimiste, je me dis que, vu la dissolution de l’assemblée nationale, il ne pourra pas y avoir l’assemblée du congrès, qu’elle sera reportée, et que, peut-être, les Kanak pourront s’insérer dans l’interstice d’une temporalité suspendue pour … je ne sais pas, peut-être nous apprendre quelque chose.