Le Professeur Laurent Thines est un médecin estimable, et qui essaie à juste titre de tenir une position mesurée dans la cacophonie actuelle sur la crise sanitaire. Son blog est largement suivi et chacun fait passer à d’autres, fait lire son texte parce que chacun a le sentiment d’une parole de bonne foi, chacun veut trouver une position de juste milieu, raisonnable, autorisé et lucide.
Laurent Thines pose une question que je trouve particulièrement juste : « Où se trouve notre véritable combat ? » Et il essaie d’organiser sa réflexion en pointant autant que possible une suite de faits. A juste titre il commence par évaluer la gravité de la situation, la mortalité du virus, la possibilité qu’il tue en masse dans la population. Il dit :
Premier argument : « Le Covid 19 est mortel ».
C’est vrai, mais les chiffres suivants donnés par L. Thines sont faux : « on parlait de 2 à 3 % de mortalité » Mais qui « on » ? Les médias de masse ? Le Président de la République qui a confiné pour la seconde fois avec les projections fantaisistes de Pasteur ? Où sont les 400 000 morts prévus sur un an ? Laurent Thines sait ce que sont un taux de létalité et la différence avec un taux de mortalité. Les membres du Conseil scientifique, peu suspects de vouloir minimiser les chiffres, parlaient en avril 2020 de 0,4 ,à 0,6 % de létalité (et non de mortalité) c'est-à-dire d’un calcul portant sur les malades relevant de l’hôpital et diagnostiqués positifs au Covid. Depuis les démographes, gens qui savent compter les naissances et les morts, indiquent qu’il n’y a pas de surmortalité entre 0 et 65 ans en 2020, soit 80% de la population. Les démographes font également remarquer que lorsqu’on prend en compte la dynamique structurelle de la population, son vieillissement, ses pics et ses creux de mortalité annuels, il se produit lors des épidémies de grippe (désormais de Covid) des « effets de moisson », c’est le terme technique consacré et plutôt expressif, c'est-à-dire la surmortalité qui se produit tous les 2 ou 3 ans, lorsque ceux qui étaient en risque de mourir d’usure et de vieillesse, ont conservé 2 ou 3 ans de vie en plus parce que les affections respiratoires, les virus de la grippe ont été ces années-là plus bénins. Au total, Toubiana et Chaillot estiment à 23000 morts en excès sur les 629500 morts attendus la mortalité du Covid en 2020[1].
Je ne souhaite pas insulter, blesser ou peiner ceux qui ont perdu un membre de leur famille, un proche. Leur douleur est légitime et chacun doit la respecter. Une chose en tout cas est nécessaire : discuter – et démocratiquement, longuement, nettement, – pour savoir quel est le pic de mortalité à partir duquel nous devrons désormais nous passer de démocratie ?
Laurent Thines ajoute : « près de 300.000 morts potentiels à l’échelle de la France. Nous en sommes déjà à 111.000 soit 10 fois plus que la grippe saisonnière ». Il se comporte ici comme les médias de masse, ou comme Macron-Véran, qui brandissent des chiffres potentiels pour faire peur, mais certainement pas pour réfléchir. Ces chiffres ne sont pas des faits, et je reproche à Laurent Thines ce premier dérapage, chiffres contredits par ceux dont c’est le métier que de compter les naissances et les morts.
Il ajoute : « On pourra cependant trouver indécent la poursuite des fermetures de lits, de services et d'hôpitaux pendant ces vagues épidémiques. » Oui, cependant ! Curieuse concession ! Ce n’est pas « cependant » ! Il est indécent, scandaleux, inique, d’avoir réduit les moyens de l’hôpital public, quoi qu’il en soit de la gravité réelle ou supposée du Covid. Peut-être avons-nous ici un point d’accord fondamental.
Deuxième argument de Laurent Thines :
« Le covid-long menace: Nous avons appris à connaître maintenant un peu mieux les séquelles sur la Santé de la contraction du virus (60% des patients [lesquels ? ] ont encore au moins un symptôme à 6 mois): épisodes de fièvre, fatigue profonde, toux et difficultés respiratoires persistantes (fibrose pulmonaire), fatigabilité et malaise à l’effort physique, douleurs thoraciques et palpitations, maux de tête et douleurs musculo-articulaires, perte d’odorat et de goût, troubles de mémoire et de concentration, rétraction pénienne... Ce florilège d’effets tardifs balaie à lui seul l’argument de ceux qui défendent la notion d’une maladie bénigne qui ne tue que ceux dont la Santé était très dégradée et qui « allaient de tout façon mourir dans l’année ».
Laurent Thines ne s’attarde pas sur ce florilège, il ne donne pas de référence(s) sur les études qui les mentionnent, il joue de l’effet rhétorique de l’accumulation et de l’auréole de son statut de médecin et d’universitaire. Il écarte ainsi le nombre de guérisons, le nombre relatif des personnes atteintes, la durée des symptômes qu’il mentionne … Encore une fois, je n’ai pas l’intention de blesser ceux qui souffrent, ni de nier cette dimension du problème. Mais la prendre en compte, c’est la contraster, la comparer avec d’autres maladies, respiratoires, cardiaques, les cancers, et que sais-je encore ? Je soupçonne Laurent Thines (pardon !) et de très nombreux médecins avec lui, d’avoir une vue sur les choses qui écarte systématiquement les données sociales et politiques pour ne se concentrer que sur les menaces. Peut-être notre société choisira-t-elle un jour d’installer des pratiques de coercitions sociales de manière courante, dès qu’une menace sanitaire pointera le bout de son nez ? Mais cela devra au moins se discuter, longuement, pleinement, dans l’espace public. Pour ma part, je n’ai pas élu un ou des médecins pour faire les lois et diriger démocratiquement la République. Chacun son travail. Et passer du stade qui était celui avant-Covid à un stade de prévention de tous les risques au mépris de ce que le peuple peut en penser, je ne trouve pas que cela soit souhaitable.
Troisième argument : « Le traitement miracle n’existe pas : Nous avons vu au début de l’épidémie s’exposer sur les plateaux un étalage de potions magiques vendues par des bonimenteurs dont la soif de notoriété était proportionnelle à leur égo surdimensionné. » (…) Malheureusement pour nous tous, aucun médicament magique n’a passé le cap des essais randomisés. Seuls les corticoïdes, les anticoagulants, les antibiotiques (en cas de surinfection pulmonaire) ont fait la preuve de leur bénéfice à ce jour. »
Ce que nous avons vu, c’est une équipe de chercheurs (et non un bonimenteur) qui accueillaient les malades, qui les dépistaient et qui tentaient de les soigner. Honte aux médecins qui ne l’ont pas fait, qui ont dit aux malades d’attendre chez eux et de venir à l’hôpital en cas d’aggravation. Si Didier Raoult (c’est toujours le même qui est visé, n’est-ce pas ?) était effectivement un bonimenteur qui vendait une potion magique, alors que fait la police ? Pourquoi ne sont-ils pas tous en prison ?
Laurent Thines devrait essayer de comprendre ce fait : dans les sciences, il n’y a pas UNE rationalité, mais DES rationalités distinctes, qui ont chacune leur histoire, leurs racines, leurs argumentaires, leurs pratiques … Je trouve pour ma part admirable que l’hôpital existe, mais je n’écarte pas les médecines de cabinet et je ne suis pas dupe du caractère idéologique du « tout technologique » pratiqué dans certaines parties du corps médical. Didier Raoult développe, non un traitement miracle, mais un traitement qui stimule les défenses immunitaires des patients, - et c’est aussi la recommandation de l’Académie nationale de Médecine en date du 22 mai 2020 -, d’un antibiotique – et c’est ce que Laurent Thines lui-même recommande également, et d'Hydroxychloroquine, le tout en traitement précoce. Des notes nous parviennent de l’Institut Pasteur (peu suspect de sympathie pour Raoult et son équipe) sur de possibles effets bénéfiques, en traitement précoce, de l’Ivermectine. Et il y a des questions têtues : pourquoi avoir interrompu les essais en cours sur ce traitement et aux doses proposées par l’IHU Méditerranée ? Pourquoi l’affaire du Lancet ? Pourquoi l’achat pour trois milliards d’euros par l’Europe de Remdesivir, dont toute la communauté scientifique, d’accord pour cette fois, s’accorde sur l’inutilité ?
Laurent Thines, vous semblez être de bonne foi. Pourquoi refusez-vous d’envisager qu’il puisse y avoir, non pas seulement les plateaux techniques des hôpitaux et les vaccins, mais aussi le fait même de prendre les malades en charge, et de soigner avec des traitements, non pas magiques mais précoces, qui aideraient les patients à ne pas faire de cas graves ? Que se passe-t-il dans l’imaginaire des médecins depuis 18 mois pour que cette polémique absurde avec l’IHU Méditerranée cesse, pour que procès soit fait à ceux qui ont vraiment et gravement fauté (le laboratoire Gilead, manifestement) et qu’on trouve enfin une combinaison de solutions partielles, depuis l’immunité naturelle des organismes humains en passant par les traitements précoces jusqu’aux plateaux techniques des hôpitaux et aux vaccins ?
Troisième argument : « Le confinement est un mauvais recours ». Laurent Thine, comme c’est étrange de vous voir utiliser cet argument : c’est donc « un mauvais recours » mais vous pensez quand même que c’est la seule mesure capable « d’enrayer la croissance exponentielle du pic épidémique ». Mais bon sang, prouvez-le ! Le confinement des travailleurs a-t-il eu lieu une seule fois ? Et que s’est-il donc passé en Suède ? Allez-vous enfin parler de ce qui s’écarte ne serait-ce qu’un peu de votre grille de lecture, finalement macroniste dans sa logique profonde, fonctionnelle, techniciste, paternaliste et méprisante, même si vous ne vous en rendez pas compte ou si vous ne le souhaitez pas ? Oui, le confinement est quoi qu’il en soit un mauvais recours. Et nous sommes des millions à douter qu’il ait une vertu sanitaire. Il n’a que des vertus policières, et vous n’en dites pas assez là-dessus ! Quelle colère est la mienne, celle de millions de gens, à qui l’on tente de faire avaler que la perte de toute démocratie est obligatoire pour « sauver des vies », puisque c’est l’argument ultime qui court à travers l’ensemble de votre texte. Pourtant, encore une fois, ni la preuve scientifique, ni la discussion démocratique n’ont appuyé cette pauvre raison, répétée 100 000 fois depuis 18 mois.
Dès lors, voici votre argument de conclusion :
« C’est dans un contexte social, politique et sanitaire dégradés, que nous avons pris en pleine face cette pandémie de Covid-19. Si l’on veut se donner une chance de sortir de cette stratégie de confinement-déconfinement dévastatrice pour notre société, la vaccination semble, à l’heure actuelle, la seule alternative sur laquelle on peut raisonnablement parier. » Oui « parier » est le mot ! La vaccination de toute la population ? Celle des enfants y compris ? Celle des gens qui ne la souhaitent pas, compte tenu d’un vaccin un peu trop vite fabriqué et qui gadouille dans des milliards de dollars de profits ? La vaccination de 6 milliards d’humains ? N’entendez-vous pas que cette solution prométhéenne est idéologique ? Déjà une 3° injection en Israël …
Cette « stratégie » c’est celle de Macron, et c’est celle qui nous est présentée par ce pouvoir comme – comme toujours – la seule possible. Que vous ne soyez pas sensible au sens que prend l’obligation vaccinale (peu déguisée) dans ce « contexte social » infantilisant, policier, cela me stupéfie et me révolte. Macron dit aux français : « Vous allez vous vacciner de gré ou de force, et je prendrai toutes les mesures qui vous y obligeront jusqu’au moment où vous plierez ! » Voilà le sens fondamental de l’obligation vaccinale et du passe sanitaire qui l’accompagne, faisant de millions de français les douaniers sanitaires de l’autre partie de la population. Comment pouvez-vous ne pas comprendre la subjectivité qui se noue ici entre chaque sujet humain et ce président-dictateur sanitaire ? Ne voyez-vous pas que depuis le 12 juillet, vous n’êtes plus des soignants et des personnes qui aident la population mais vous devenez, à votre corps défendant sans doute, mais de fait, la milice sanitaire de Macron ?
Votre programme d’après Covid est sympathique, j’y adhère (« ce sera à nous de défendre concrètement notre système public de Santé, saccagé depuis 30 ans par les gouvernements successifs, à nous de demander la création d’un « Pôle Public du Médicament » pour produire, indépendamment des grandes firmes, les thérapies du quotidien mais aussi celles qui permettront de soigner les maladies rares ou émergentes et à nous de nous battre pour plus de démocratie sanitaire et de démocratie tout court ».
Mais le corps social violé ne voudra plus participer à rien de ce qui fait démocratie. Peut-être y réfléchirez-vous enfin, en vous souvenant du score des dernières abstentions ? Les manifestations qui ont lieu chaque samedi désormais, nombreuses, fortes, combatives, que vous méprisez parce qu’elles ne sont pas « pures » politiquement (après une désertion infinie de la gauche !), sont pourtant le seul signe de bonne santé que j’entrevois pour ma part.
[1] http://recherche.irsan.fr/Var/documentations/documentation_154/La%20mortalite%20de%20coronavirus%20France_Preprint2021-04-03.pdf