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Billet de blog 2 décembre 2010

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“J’aime pas les Suisses”

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le début de l’année, j’écris régulièrement des chroniques d’abonnés pour Le Monde et pour le site d’information en ligne Mediapart. Je les signe de mon nom en précisant : journaliste suisse. Dans ces chroniques, je commente librement et sur un ton critique l’actualité française et ce qui se passe en Suisse.

Je m’attendais bien sûr à provoquer des réactions. Quand on donne son opinion franchement, il ne faut pas craindre les critiques, même acerbes. Cela fait partie du jeu et tous les chroniqueurs y sont habitués. J’ai été journaliste pendant presque quarante ans dans la presse et à la télévision suisses. Cela m’a rendu le cuir assez épais pour supporter les remarques les plus critiques. Je m’y attendais, mais j’ai quand même été surpris par la violence de certaines attaques.

Que certains lecteurs me reprochent avec véhémence de critiquer la politique française, d’un point de vue suisse, j’ai un peu de peine à le comprendre. Après tout, selon la belle devise du Figaro de Beaumarchais : «Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur». Lorsque je commente les grèves contre la réforme des retraites, (“France : la culture de la grève” ), l’affaire Bettencourt (“Du bon usage des fuites”), le Tour de France et le dopage (“Tour de France : la farce tranquille”) ou l’interdiction de la burqa (“Burqa : liberté v. fraternité”), je suis surpris par certaines réactions : de quel droit ce journaliste suisse se permet-il de juger la France où il a choisi de passer sa retraite ? On me reproche même de distribuer des coups à droite et à gauche, de donner des leçons en se moquant de la France et des Français.

Mais c’est quand je commente l’actualité suisse que les critiques sont les plus virulentes. Evidemment, je m’y attendais : les votes de l’initiative contre la construction de minarets et celle sur le renvoi des délinquants étrangers ont soulevé des passions et suscité des commentaires pas toujours aimables sur “le modèle suisse de démocratie”, sur la xénophobie helvétique, sur la comparaison entre l’UDC et le Front national. Ces votes ont aussi révélé que beaucoup de Français ne comprennent pas la Suisse.

C’est mon commentaire sur la la politique européenne de la Confédération (“La Suisse dans l’UE : pas demain la veille”) qui m’a fait comprendre que, si certains lecteurs sont bien informés, d’autres réagissent avec leurs tripes à chaque fois qu’on parle de la Suisse. Tout y passe : l’argent sale des dictateurs et des trafics, l’arrestation de Polanski, les fonds juifs, le secret bancaire, les exilés fiscaux...

Il ne faut pas généraliser. Mais la plupart des Français n’aiment pas les Suisses. Ou plutôt, ils ont avec la Suisse des relations d’amour-haine, de mépris et d’envie. Vu de France, la Confédération apparaît comme un îlot au système politique exotique, qui cultive sa méfiance de l’Europe et sa peur des étrangers. Une nation de gens coincés, trop polis pour être honnêtes. Un pays qui incarne le libéralisme économique - presque un gros mot en France - et la mondialisation. La crise économique n’a évidemment pas arrangé les choses. Le franc suisse sert de refuge aux capitaux quand l’euro vacille. Et le taux de chômage suisse paraît irréel en France. N’allez surtout pas expliquer que la prospérité helvétique ne vient pas de l’argent sale caché dans les banques, mais d’une politique économique et financière raisonnable, d’une industrie performante et d’un système politique qui a permis aux électeurs de donner leur avis au lieu de descendre dans la rue. Vous ne convaincrez personne et vous vous exposerez à une volée de bois vert.

Non, vous ne me ferez pas dire que tous les Français pensent comme le regretté Fernand Raynaud et son célèbre sketch : “J’aime pas les étrangers”.

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