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Billet de blog 6 avril 2021

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L'économie pour les nuls

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand on évoque l’argent, nous sommes tous les mêmes.  Nous n’aimons pas beaucoup parler de pognon, mais nous y pensons souvent. Quand il s’agit de notre argent, nous sommes des êtres imprévisibles.  Dans mon pays, la Suisse, avant le Covid, nous préférions payer cash avec les beaux billets de la Banque Nationale, qu’on peut voler ou falsifier, plutôt qu’avec le pognon numérique, celui de notre carte de crédit. En France, où je passe ma retraite, on paie encore en chèques. En Suisse, il y a plus de 30 ans que les banques ont renoncé aux chèques, qui coûtent cher à traiter. Je n’ai jamais plus de 30 € dans mon porte-monnaie. Alors, je règle presque toutes mes dépenses avec ma carte bleue.

À cause de la pandémie, l’OMS nous a conseillé d’éviter les billets de banque, qui pouvaient être contaminés.  Alors, les derniers récalcitrants sont rentrés dans le rang. Ils se sont convertis à la monnaie numérique. Ce qui fait très plaisir aux banques centrales : les billets de banque, surtout les grosses coupures, ça ne laisse pas de traces et ça permet de financer toutes sortes d’arnaques et de trafics. La monnaie numérique, au contraire, on sait qui l’utilise, quand, et pour quelles transactions. Alléluia, nous sommes enfin devenus des êtres économiques raisonnables !

Eh bien, pas du tout, vous n’avez rien compris.  Selon la Banque centrale européenne, il y a un paradoxe des billets de banque. Nous utilisons de moins en moins les billets de banque, mais jamais on en a autant fabriqué : en un an, la valeur des billets en circulation a augmenté de 11 % . Elle s'élève à 1435 milliards €. Mais alors, où sont tous ces milliards ? Élémentaire, mon cher Watson : quand on a peur pour l’avenir, quand on ne sait pas si on va garder son boulot à cause du virus, quand on ne peut pas partir en vacances ni aller au restaurant, on met son argent de côté dans son bas de laine, c’est-à-dire dans son compte d’épargne. L’an dernier, les Français ont déposé 326,5 milliards d’euros sur leur Livret A, 35 milliards de plus en une année. C’est un cadeau à leur banquier, puisque le livret A ne rapporte que 0,50 %, le même taux que l’inflation. 

Le ministre français des Finances aimerait bien que les Français puisent dans leur bas de laine pour relancer l’économie. Il proclame à son de trompe que les impôts n’augmenteront pas et que c’est la croissance économique qui remboursera la dette publique, qui atteint 2650 milliards. Les bons Français devraient se dépêcher de dépenser leur pognon. Mais les Français savent bien qu’on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. On leur a fait trop souvent le coup des impôts qui n’augmentent pas, alors qu’ils sont matraqués par des taxes de toute nature. En France, l’inculture économique est sidérante. Comme l’avait révélé l’incompétence manifeste de Marine Le Pen lors de son célèbre débat avec Macron, lors de la dernière campagne présidentielle. Alors, les Français, déboussolés par le confinement, se ruent sur les offres mirobolantes de placements juteux. Les réseaux sociaux en regorgent et les pigeons se font flinguer. Comme cette brave dame, qui a raconté à la télévision qu’elle avait investi 15 000 euros dans un placement à 4,16 % d’intérêt sur un site inconnu. Évidemment, c’était une arnaque fomentée de l’étranger. Et la pauvre dame n’a plus que ses yeux pour pleurer. 

D’autres pigeons croient avoir déniché la poule aux œufs d’or : le bitcoin. Cette cryptomonnaie gérée par un logiciel vaut actuellement 48 872 euros. De quoi attirer tous les gogos fascinés par des sites enchanteurs, qui promettent : "un système financier d’un nouveau genre, un système monétaire alternatif complètement décentralisé, totalement libre". Puisque le milliardaire américain Elon Musk a investi 1,5 milliard de dollars en bitcoin, c’est bien la preuve que ça paie ! Les gogos ne comprennent rien à la complexe et mystérieuse mécanique du bitcoin. Ils oublient que le cours de la cryptomonnaie a dévissé de 50 % en quelques jours. Peanuts pour Musk, qui a une fortune de 20 milliards $. Mais pas pour Dupont ou Dubois, qui met ses économies sur le Livret A. 

Tout le monde se demande comment faire fructifier ses picaillons qui dorment à la banque. Alors, on se tourne vers la Bourse, dont les cours atteignent des niveaux stratosphériques. New York, Francfort, Paris, Londres, Tokyo, ça flambe partout. Les arbres grimpent jusqu’au ciel. On n’y comprend rien : partout, l’économie est sinistrée, les entreprises licencient à tour de bras, le Covid précipite des millions de gens dans la précarité...et les actionnaires jubilent. Encore une fois, élémentaire, mon cher Watson : les taux d’intérêt sont au-dessous du plancher, les États croulent sous les dettes, alors, les banques centrales maintiennent l’économie sous perfusion en déversant des centaines de milliards de crédits bon marché. La Bourse est en apesanteur. Le bon Joe Biden promet d’injecter 3900 milliards de dollars dans l’économie américaine, la Commission européenne, 750 milliards d’euros. Vous allez voir quand les consommateurs vont enfin se décider à dépenser leurs économies. Ce sera un boom économique comme le monde n’en a pas connu depuis la dernière guerre. Champagne pour tout le monde ! Enfin, pour ceux qui n’auront pas fait faillite ou perdu leur job et qui n’auront pas mis leurs œufs dans le mauvais panier ! 

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