Quand les historiens analyseront la pandémie, dans quelques années, ils seront effarés. Comment les gouvernements, les médecins, les laboratoires, les experts ont-ils pu se montrer incapables de maîtriser la Covid, malgré toute leur science, leurs technologies et leurs énormes moyens financiers ? Le verdict est sans appel : plus de 34 millions de malades, plus d’un million de morts. Des systèmes de santé débordés, des hôpitaux en crise, une économie paralysée, un chômage qui explose. Et une opinion publique au bord de la révolte. Bref, la pire crise depuis presque un siècle !
Bien sûr, il est facile de critiquer quand on n’a pas de responsabilité, qu’on se contente de suivre les événements devant son écran de TV. Mais, quand même : le spectacle est consternant. Je ne parle pas de l’irresponsabilité criminelle de Trump ou de Bolsonaro, qui nient le virus même après avoir été contaminés. Ni des pseudo spécialistes qui inondent les réseaux sociaux de leur théories absurdes sur l’origine du virus et sa gravité. Comme vous, je suis accablé par les déclarations des dirigeants qui nous ont menti : nous sommes prêts à faire face au virus ; nous avons des stocks suffisants de masques et de respirateurs ; nous fermons les restaurants, les bars et les salles de sport selon l’avis des médecins ; nous aurons bientôt un vaccin ; nous allons vous informer en toute clarté. Des promesses qui ne font plus rire personne ! Si, comme l’aurait affirmé Rudyard Kipling : « La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité », nous sommes en plein désastre de confiance.
Comment des gouvernements qui peuvent mobiliser les moyens les plus sophistiqués pour faire la guerre loin de leurs frontières sont-ils incapables de s’organiser pour lutter contre une épidémie qui tue des dizaines de milliers de leurs compatriotes ? Comment les experts de santé et les centres de recherche les plus prestigieux sont-ils incapables de se mettre d’accord pour conseiller les gouvernements ? Comment les meilleurs communicants ne parviennent-ils pas à utiliser leur savoir pour convaincre l’opinion ?
Depuis des mois, nous sommes abreuvés d’analyses, de rapports, d’opinions, de recommandations et de décisions contradictoires et incompréhensibles, proclamées avec le plus grand sérieux par des dirigeants et des experts en qui nous devrions avoir confiance. Si, comme moi, vous n’avez aucune compétence médicale, comment voulez-vous croire les chiffres dramatiques de la progression du virus ? Comment faire confiance à un ministre français qui promet d’ouvrir 12000 lits en réanimation, alors qu’il sait que les hôpitaux n’ont pas le personnel nécessaire ? Comment croire qu’il n’y aura pas d’augmentation d’impôts pour rembourser les centaines de milliards de dette ?
Nous savons bien que les gouvernements pataugent, qu’ils ne savent pas comment l’épidémie va évoluer, qu’ils n’ont pas de stratégie sanitaire, qu’ils décident au coup par coup de mesures impopulaires, qu’ils font marche arrière quand l’opinion gronde. Nous savons qu’ils proclament péremptoirement qu’ils ont pris les bonnes décisions, alors qu’ils ont déconfiné imprudemment et qu’ils courent derrière la crise sanitaire. C’est une guerre sans stratège, sans coordination internationale, avec des milliards déversés dans l’économie pour la maintenir à flot, mais sans fixer de priorités. Bien sûr, personne n’aimerait être à la place de ceux qui doivent décider s’il faut d’abord préserver la santé ou sauver l’économie. De ceux qui doivent décider de mesures de contrainte qui limitent les libertés publiques.
Le problème, ce ne sont pas le port du masque, la fermeture des bars, la limitation des visites aux personnes âgées, les mesures-barrières obligatoires, les écoles qui limitent le nombre d’élèves. Le problème, c’est que les gouvernants ont été incapables d’expliquer leurs décisions en termes simples, qu’ils n’ont pas su convaincre que les mesures prises étaient indispensables pour freiner l’épidémie. Les déclarations martiales, du genre « Nous sommes en guerre », les appels à la mobilisation générale, l’improvisation masquée par les coups de menton, ça ne produit jamais de la confiance. Comment voulez-vous que les maires auxquels le gouvernement impose la fermeture des restaurants en les informant une demie heure avant aient confiance ?
Gérer une crise, ce n’est pas seulement décider de mesures impopulaires, c’est aussi de savoir les faire accepter par l’opinion. Pas étonnant que les trois quarts des Français estiment que le gouvernement ne prend pas les bonnes mesures, selon un récent sondage. Et que la cote de popularité du premier ministre chute de 9 points à 46%, malgré ces déclaration martiales. Il faut parfois relire les philosophes du XVIIIe siècle, comme Michael Girardi, qui affirmait : « Une confiance en soi trop facile ne fait que des fripons et des dupes ».