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Billet de blog 7 février 2011

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Facebook, Twitter : guerre sur le Nil

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une implacable bataille est en cours au Caire pour conquérir l’opinion et influencer les gouvernements. Une bataille d‘images que vous regardez chaque jour sur l’écran de votre téléviseur ou de votre ordinateur et à la une de vos journaux. Et cette guerre est nourrie par les réseaux sociaux. Ce ne sont pas Facebook, You Tube ou Twitter qui ont persuadé les Egyptiens de descendre dans la rue pour manifester sur la place Tahrir, en risquant la violence, la prison ou la mort. Mais ces médias sociaux ont accéléré la révolte et ont permis de l’organiser. Sans eux, peu d’Egyptiens auraient su qu’une manifestation était prévue le 25 janvier ou auraient eu le courage d’y participer. Quand des milliers de manifestants ont réclamé le départ de Moubarak en criant un slogan déjà entendu en Tunisie - “Dégage” - les médias du monde entier se sont rués au Caire pour filmer la “kermesse de la liberté”. Et les grandes chaînes de télévision - CNN, BBC, ZDF, TF1, Al-Jazeera - ont transmis en direct la “révolution” du Caire.

Même si la révolte paraît spontanée, sa mise en scène est réglée de main de maître. Les premiers jours, on nous a montré des hommes jeunes, enthousiastes, brandissant des pancartes en arabe et en anglais, à l’intention des équipes de télé. Peu de femmes, les premiers jours, et pas de barbus. Et des témoignages émouvants, en arabe et en anglais, d’Egyptiens “de la rue”. Un message simple : tout le peuple se soulève, pas de partis, pas de religions, tous Egyptiens.

Bataille d’images encore quand les partisans du Raïs ont attaqué les manifestants sur la place Tahrir. Montés sur des chameaux ou des chevaux, armés de longs bâtons, ils ont affronté la foule. Pendant des heures, ces images des violences ont repassé en boucle. Les images de manifestations violentes, de répression et de chaos se vendent bien, à la télévision. Et elles ont un violent impact émotionnel, surtout auprès du public qui ne prend pas le temps de lire les reportages et encore moins les analyses des experts. Les images ne disent pas forcément la vérité, mais elles influencent notre opinion.

Le gouvernement égyptien a senti le danger : il a coupé les liaisons Internet et les téléphones mobiles, il a bloqué Twitter et Facebook et ses nervis s’en sont pris aux journalistes occidentaux, accusés de soutenir la révolte populaire. Trop tard. Comme l’écrit E.B. Boyd dans le magazine américain en ligne FastCompany : “Trop d’informations s’échappaient du pays. En partie à travers les médias. Mais aussi sur You Tube. Et particulièrement via Twitter. Un flot apparemment sans fin de détails s’écoulait, s’orientant à tort ou à raison en faveur des manifestants et donnant l’impression qu’une vraie révolte se déroulait.”

Les réseaux sociaux n’ont pas seulement organisé les manifestations. Ils ont aussi contribué à mettre en forme le récit des événements. Boyd explique que quand les pillages ont commencé au Caire, l’opinion aurait pu tourner en faveur du gouvernement : les hooligans mettaient à sac la ville, il fallait restaurer l’ordre. Mais grâce à Twitter, les journalistes ont appris que des groupes de vigilance avaient arrêté des policiers déguisés en pillards. Et la télévision a même montré les cartes d’identité de ces policiers. Vrai ou faux, impossible à vérifier. Mais évidemment, cela donnait un autre sens aux pillages. Une image vaut mieux que mille mots !

Comme l’écrit The Washington Times : “Les troubles politiques qui explosent au Moyen-Orient sont la dernière illustration que les médias sociaux ne sont plus seulement un moyen pour les adolescents d’envoyer des tweets sur leur vie, de faire des jeux et d’envoyer des photos de leur dernière fête. Aujourd’hui, ces réseaux ont le pouvoir de secouer les régimes et de chasser du pouvoir les leaders”.

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