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Billet de blog 8 mars 2021

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Tempête sur l'Helvetia

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Mon pays, la Suisse, vient de subir un sacré coup de Trafalgar. Le fier vaisseau à croix blanche sur fond rouge est au cœur de la tempête. Son gouvernement vient de recevoir deux baffes des électeurs : oui, à l’interdiction de la burqa ; non à la loi sur l’identité électronique . Et Genève, mon canton natal, vient de remettre en selle un politicien de droite condamné par la justice pour avoir fait financer par un émir un voyage avec sa famille.

Bon, la Confédération helvétique n’est pas sur le point de sombrer. Mais ce méchant week-end électoral fait souffler un mauvais vent. Attisée par l’UDC, le parti de la droite populiste et xénophobe, la méfiance s’installe. Dans un pays où les musulmans représentent 5% de la population, où les femmes voilées se comptent en dizaines, les Suisses modifient leur Constitution pour y inscrire "l’interdiction de se dissimuler le visage". Et cette initiative est acceptée par les placides Vaudois -"Les Suisses défient les sept Sages" - et les turbulents Jurassiens - "La burqa d’un cheveu"! Au nom de la menace islamiste et de liberté des femmes !

Comme partout, les Suisse sont vent debout contre les mesures décidées par le gouvernement fédéral pour contenir l’épidémie. Les parlementaires sont furieux de ne pas être consultés. Ils ouvrent un débat sur la loi Covid pour forcer la main du gouvernement fédéral. Les gouvernements cantonaux renâclent et, parfois, refusent de fermer les restaurants d’altitude. Et certains élus veulent empêcher les experts scientifiques de la task force de s’exprimer publiquement. Bref, c’est la chienlit, aurait dit de Gaulle. Chez nous, on dit le petschi ! Évidemment c’est pain béni pour les populistes et les démagogues de tous poils. L’UDC reste le premier parti suisse, mais son aura avait un peu baissé. Les Suisses en avaient marre de l’entendre rabâcher son programme anti-européen et xénophobe. 

Mais le vieux milliardaire Christoph Blocher, éjecté du Conseil fédéral il y a 13 ans, tire toujours les ficelles grâce à son argent et ses relais dans les médias. Sa chaîne TV et le groupe de presse qu’il finance lui donnent une force de frappe politique. Il a senti que la crise du Covid et les frustrations de la population lui donnaient un angle de tir pour reconquérir l’opinion. Quoi de mieux qu’une petite initiative fédérale pour bousculer le gouvernement  ? Grâce à un obscur comité, faux-nez de l’UDC, il a proposé d’inscrire dans la Constitution "l’interdiction de se dissimuler le visage". Tous les partis étaient contre, le gouvernement a fait campagne mollement, mais les féministes l’ont soutenu. Et voilà comment la Suisse, à 51,2%, s’est dotée d’une disposition absurde et probablement inapplicable. 

Et les deux poids lourds du gouvernement, Alain Berset, le socialiste ministre de la Santé, et Karin Keller-Sutter, la libérale patronne du département Justice et Police, ne sont pas à la fête. Le premier doit affronter un débat avec des députés qui contestent son pouvoir de décision ; la seconde a vu écorner "son image de machine à gagner", comme le dit perfidement Le Temps. D’accord, y a pas le feu au lac ! Pas encore. Parce que la Suisse est empêtrée dans un marécage : elle ne parvient pas à conclure un accord avec l’Union européenne, qui réclame la fin du protectionnisme suisse pour l’emploi et des régimes fiscaux pour riches étrangers. L’inconstant ministre des Affaires étrangères, Ignazo Cassis, navigue sans boussole et envoie au massacre à Bruxelles son ambassadrice à Paris. Depuis des années, la Suisse remet aux calendes grecques sa réforme de l’assurance-retraite. Et les parlementaires sont incapables de s’entendre pour nommer un nouveau procureur de la Confédération, après avoir éjecté l’ancien, trop copain avec la FIFA. Pour le pays du "propre en ordre", ça fait un peu désordre ! Alors, déjà, certains affûtent leurs dagues dans l’attente des élections fédérales de 2023. L’UDC affirme que deux ministres libéraux, c’est trop. Dans le viseur : Ignazio Cassis, mais aussi Karin Keller-Sutter. Ça risque de tanguer, à Berne ! 

A Genève, ça ne va pas mieux. Depuis des années, le trublion ministre Pierre Maudet empoisonne le canton dont la fière devise est "Post Tenebras Lux" - après les ténèbres, la lumière. Il a été condamné par la justice pour avoir accepté un voyage à Abu Dhabi en famille. "Coup de grâce politique ?" Vous ne connaissez pas le gaillard : il a démissionné du gouvernement et il s’est présenté aux élections. Sa campagne populiste et démagogique de soutien aux commerçants écrasés par le confinement a payé. Il arrive en seconde position derrière la candidate verte. La droite genevoise est en morceaux, l’UDC locale triomphe et les socialistes sont sommés de rallier le panache vert. Post Tenebras...Tenebras !

Avant de voter, les Suisses devraient relire le philosophe Henri-Frédéric Amiel : "Pour être le plus libre possible, il faut avoir beaucoup d’ordre". 

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