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Billet de blog 11 novembre 2020

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James Bond du Gothard

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La presse suisse est en train de dérouler une sacrée pelote : elle révèle que pendant des années, le patron des barbouzes helvétiques a été un électron libre qui a roulé ses ministres dans la farine.  Le flamboyant divisionnaire Peter Regli était cul et chemise avec la CIA et les services de renseignement israéliens. Il menait sa guerre personnelle sans en informer le gouvernement.

Tout a commencé avec les révélations de la CIA sur la rocambolesque affaire Crypto. Une commission parlementaire a essayé d'y voir clair. Selon le quotidien Le Temps, les barbouzes suisses savaient depuis 1993 que cette société spécialiste dans le codage des télécommunications était contrôlée par la CIA et le renseignement allemand. Mais ils avaient oublié d’en informer le gouvernement, qui ne l’a appris qu’en 2019. Quand des pays étrangers achetaient les machines de Crypto, ils ignoraient que les barbouzes américains et allemands écoutaient leurs communications. 

Mais le patron du SRS, le renseignement militaire suisse, Peter Regli, était parfaitement au courant, grâce à ses petits camarades de la CIA et du Mossad israélien. Avec son homologue du renseignement intérieur, Regli transmettait au gouvernement fédéral ce qu’il voulait et influençait la politique de défense et de sécurité de la Suisse. Peter Regli était un brillant officier général, né à Airolo, la sortie sud du tunnel du Gothard. Il parlait plusieurs langues, il avait d’excellents copains dans le monde politique, il était protégé par le ministre de la Défense. Un stratège du secret qui communiquait ce qu’il voulait aux différents ministres qu’il a connus en huit ans de carrière. Toujours entre quatre yeux, jamais par écrit.

C’est vrai que dans tous les pays, les ministres de la Défense préfèrent souvent ne pas se salir les mains en apprenant ce que fait leur James Bond. Quand mes confrères ont interrogé d’anciens ministres qui ont travaillé avec Peter Regli, ils avaient perdu la mémoire ou ils n’étaient pas disponibles pour commenter de vieilles affaires. Du bout des lèvres, ils reconnaissent que le patron du renseignement ne leur a pas tout dit, quand ils sont entrés en fonction. C’est vrai que Regli traîne un certain nombre de casseroles. Il a participé à un programme secret d’armes chimiques du gouvernement d’apartheid en Afrique du Sud. Il a aussi mandaté un de ses collaborateurs pour constituer un arsenal d’armes secret. Il y a 21 ans, le maître-espion helvétique a finalement été poussé à la retraite. Selon le journal, il a détruit des documents compromettants sur ses activités en Afrique du Sud. Mais ses anciens patrons politiques le réhabiliteront plusieurs années plus tard. Peut-être dans la crainte qu’il ne raconte des secrets ! Aujourd’hui, le James Bond du Gothard coule une retraite tranquille, mais il garde ses secrets : "Je discute volontiers des questions actuelles de terrorisme et de sécurité, mais je ne commente pas des faits vieux de 30 ans".

La Suisse a toujours été un nid d’espions. Dès le début de la guerre, les services de renseignement nazis et ceux des Alliés avaient implanté leurs espions en Suisse. C’est à Berne que Allan Dulles avait  commencé sa carrière, avant de devenir le patron de la CIA. L’orchestre rouge, le réseau d’information créé par le renseignement militaire soviétique, avait aussi un agent en Suisse. Au nom de la défense de la neutralité, pendant la guerre froide, la Suisse s’était rangée dans le camp de la lutte contre le communisme. À la fin des années 1970, le brigadier Jeanmaire avait transmis des documents militaires à l’attaché soviétique à Berne. John Le Carré lui avait même consacré un ouvrage : "Une paix insoutenable". Mais ne comptez pas sur les retraités de l’espionnage pour raconter ce qu’ils ont fait au service du pays. Ils respectent la vieille maxime : "ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas".

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