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Billet de blog 12 février 2011

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Journalistes : les dessous du mercato

Chaque année, les clubs de football font leur marché et achètent à coup de chèques les meilleurs joueurs. Cette année, comme à chaque printemps, ce sont les patrons des médias qui ont ouvert le mercato des rédacteurs en chef et des journalistes vedettes.

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Chaque année, les clubs de football font leur marché et achètent à coup de chèques les meilleurs joueurs. Cette année, comme à chaque printemps, ce sont les patrons des médias qui ont ouvert le mercato des rédacteurs en chef et des journalistes vedettes.


Un vrai tourbillon : Nicolas Demorand, l'ancien intervieweur vedette de France Inter vient d‘être nommé patron de la rédaction de Libération, après un passage éclair à Europe 1. Il succède à Laurent Joffrin, qui devient directeur du Nouvel Observateur, où il remplace Denis Olivennes, parachuté à Europe 1. Et on n'oublie pas Nicolas Poincaré, qui quitte France Info pour reprendre le micro de Demorand à France Inter. Ni Marc-Olivier Fogiel qui va quitter Europe 1 pour développer des projets au sein de la holding de Matthieu Pigasse, l'un des propriétaires du Monde. Et Arlette Chabot, ex-directrice de l'information à France 2, qui va devenir la nouvelle directrice de l'information d'Europe 1. Comme le souligne Aurélien Ferenczi, le spécialiste médias de Télérama : "En football, les instances internationales interdisent à un joueur de porter trois maillots différents au cours de la même saison. Histoire d'éviter un mercenariat trop voyant et l'inflation salariale qui va avec...Et dans les médias ?"

Pourquoi ce jeu de chaises musicales ? Et surtout, pourquoi ce battage médiatique ? Après tout, chaque année, des centaines de cadres changent de poste dans les entreprises et cela n'intéresse personne, à part leurs collaborateurs et leurs amis. Mais les journalistes vedettes des médias ne sont pas des cadres comme les autres. Ils sont des personnages publics, dont les faits et gestes, les vacances et les amours font la "une" de la presse. Pour les patrons des médias, ces vedettes sont des "porteurs d'images", des jokers qui sont engagés pour faire vendre des journaux et des émissions aux lecteurs, aux auditeurs et aux téléspectateurs, mais surtout aux publicitaires.

Quand, en juillet 2006, TF1 confie à Harry Roselmack la présentation de sa "grand messe" de l'information, la chaîne réussit un coup fumant : elle propulse le « premier journaliste noir» à la vitrine du plus populaire journal d'information à 20 heures et elle rassemble, ce soir-là, 8 millions de téléspectateurs. Contre-exemple : si Europe 1 a perdu 500 000 auditeurs en novembre et décembre, ce serait la faute à Marc-Olivier Fogiel, son animateur vedette de la matinale, qui a pris douze jours de vacances ! "Un seul être vous manque..."

C'est pour attirer et garder ces vedettes que les patrons des médias leur versent des salaires mirobolants et invérifiables, dans un monde où règne l'opacité : Patrick Poivre d'Arvor aurait touché 45 000 euros par mois contre 22 000 pour Laurence Ferrari et 11 000 seulement pour David Pujadas. Des salaires de vedettes du show-bizz, alors que près de la moitié des détenteurs d'une carte de presse gagnent moins de 3000 euros brut et que 37% des pigistes doivent se contenter de 1500 euros brut. L'exemple vient d'outre-Atlantique. En 1976, aux Etats-Unis, un actionnaire avait demandé au président de la chaîne de télévision ABC pourquoi il avait signé un contrat d'un million de dollars pendant cinq ans à la journaliste vedette Barbara Walters. Parce qu'elle nous rapportera 1.5 million, avait répondu le président. En septembre 2000, la blonde animatrice aurait renouvelé son contrat pour 12 millions de dollars par an. Et aujourd'hui, à 81 ans, elle est encore la star de la chaîne et ses émissions assurent à ABC la seconde place dans les enquêtes d'audience. Aux Etats-Unis, on ne change pas une équipe qui gagne !

Ainsi vont les médias, dont les moeurs n'ont plus rien à envier au monde du football.

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